Alors que la dernière version du projet de rénovation du Sanitas a été présentée il y a une dizaine de jours par les élus de la ville et de la Métropole, sur place, des questions demeurent. Dernier article consacré aux attentes des acteurs et habitants du quartier.
La rénovation du Sanitas interpelle, attire les regards et inquiète en même temps
Comment transformer un quartier de 45 hectares, riche de 8500 habitants, en intégrant pleinement ces derniers ? La question mérite d’être posée, surtout à l’heure où la population réclame plus de démocratie participative et montre une volonté d’être intégrée dans les décisions impactant son quotidien. Elle mérite d’autant plus d’être posée quand elle concerne un tel territoire, le plus pauvre en termes de revenus du département et dans lequel les habitants ont longtemps eu l’impression d’être abandonnés par les pouvoirs publics.
Par son ampleur et par la transformation urbanistique, sociale et humaine qu’il engage, le projet de rénovation du quartier du Sanitas à Tours, interpelle, attire les regards et inquiète en même temps. Il y a deux ans, la première réunion publique au gymnase Danton avait fait le plein. Ils étaient plusieurs centaines d’habitants à s’être déplacés pour la présentation du projet de rénovation. Les semaines précédentes, les rumeurs grossissaient dans le quartier : elles faisaient état de destructions de logements, plus de 400, soit plus de 10% des logements du quartier du Sanitas.
Le Sanitas, un quartier à part dans l’agglomération tourangelle, avec ses 93% de logements sociaux, ses 25 nationalités qui se croisent et vivent ensemble. Un quartier typique dans son architecture et sa morphologie des quartiers de grands ensembles de la France des 30 Glorieuses. A l’époque le confort est moderne et ces quartiers présentés comme un symbole d’avenir des villes fonctionnelles.
Depuis, ces nouveaux quartiers se sont paupérisés, évités par les classes moyennes qui ont cherché à les fuir pour un autre confort. Devenus synonymes pour beaucoup de « ghettos » et de zones de non-droits, les quartiers comme le Sanitas souffrent de beaucoup de maux à commencer par celui d’être sources de beaucoup de fantasmes.
Le Sanitas a pourtant une spécificité, celle d’être un quartier de grands ensembles situé en centre-ville, et non en « banlieue » autre synonyme péjoratif que l’on a accolé à ces territoires. Cette situation en centre-ville, proche de la gare de Tours, est justement une source de l’inquiétude du public présent à cette réunion de juin 2017 au gymnase Danton. Dans la salle, les murmures des voix indiquent alors une crainte : celle de découvrir un projet centré sur l’arrivée de nouvelles populations plus aisées grâce à la proximité de la gare, au détriment de celles présentes aux revenus modestes. Une crainte et une certaine résignation également sur le fait de devoir subir le projet présenté, à l’instar de cet homme qui s’était alors tourné vers sa femme une fois la liste des immeubles promis à la destruction présentée : « Ils détruisent notre immeuble, ça sert à rien de rester, on pourra rien y faire ».
Pourtant quelques voix s’élèvent déjà et se structurent autour d’un collectif « non aux destructions au Sanitas ». Parmi ces voix, on retrouve Nicole Terras, habitante du quartier depuis plus de 15 ans et militante connue à Tours. Un collectif qui milite pour une rénovation des bâtiments mais aussi pour plus de concertation avec la population. Deux ans après, Nicole Terras se pose toujours la question : « Pourquoi détruire des logements alors que c’est prouvé que les bâtiments sont en bon état ? »
Relire notre article de juin 2018 : Quand quartier rime avec mixité, chronique d’un projet urbain
Début mars 2019, nouvelle réunion publique au Centre de Vie, place Saint-Paul. Encore une fois, la salle est pleine. Sur l’estrade, maire de Tours (Christophe Bouchet), vice-présidents à la Métropole (Wilfried Schwartz et Alexandra Shalke-Petitot), directeur de Tours Habitat (Grégoire Simon), sont présents pour présenter la dernière version du projet, celle validée après entretien à l’ANRU, l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine, l’agence gouvernementale qui chapeaute le projet. Outre les modifications du projet, les élus sont venus prouver à l’assistance que les critiques passées ont été entendues.
« Le projet a évolué et continuera d’évoluer dans sa mise en œuvre, au fil des échanges ».
Depuis deux ans, face à l’inquiétude des habitants, Tours Métropole a tenté de rectifier le tir et a affiné son projet en mettant en place une maison du projet, des réunions aux pieds d’immeubles, ou encore via des consultations dans le quartier. Wilfried Schwartz évoque notamment un projet revu grâce à l’apport des habitants. Parmi les exemples cités, celui du maintien des deux écoles Kleiber et Marie Curie qui seront reconstruites, alors que le projet initial prévoyait un rassemblement. Autre apport des habitants : la rénovation de l’école Michelet fait-il savoir.
« C’est un projet qui n’est pas co-construit puisqu’il a été présenté aux habitants une fois préparé. Les habitants n’ont pas eu le temps d’y réfléchir. Il aurait fallu faire un diagnostic auprès des habitants pour savoir ce qu’ils voulaient au départ » avance de son côté Wilfried Leroy. Habitant du quartier, ce dernier est membre d’une association « Mieux Vivre Ensemble » créée en 2016 et qui entend s’emparer des problématiques quotidiennes mais aussi porter des contre-propositions au projet présenté via des réunions sous formes d’ateliers. « Ce projet est immobilier, on voit qu’il est pensé pour l’extérieur autour de la ligne de tramway qui concentre les plus gros aménagements. Il n’est pas fait pour les habitants ». Et ce dernier, par ailleurs président du Centre social Pluriel(le)s, de pointer l’absence d’intégration des structures sociales. Un propos partagé par le directeur de Régie Plus, la régie de quartier du Sanitas, lors de la réunion de début mars. « Nous n’avons pas été concertés, pourtant nous sommes acteurs du quartier et avons une liste de besoins et de demandes ».
« On peut faire mieux » a acquiescé de son côté Wilfried Schwartz tout en affirmant : « Le projet a évolué et continuera d’évoluer dans sa mise en œuvre, au fil des échanges ».
Une chose est sûre, une partie des habitants veut prendre en main son avenir, même si elle ne se fait pas forcément entendre selon Nicole Terras : « Le projet inquiète mais la majorité de la population ne se mobilise pas forcément parce que les habitants ici sont pris par les problèmes du quotidien et n’ont pas l’habitude de s’exprimer. » En se baladant dans le quartier, on se rend compte que les avis sont loin d’être unanimes en revanche. Certains évoquent une nécessité de faire évoluer les choses, là ou d’autres se sentent une nouvelle fois comme « les oubliés de l’affaire ». En revanche parmi les personnes rencontrées au hasard dans la rue, aucune n’évoque son souhait de quitter le quartier et les avis sont à chaque fois assez tranchés et passionnés. Un autre signe de l’attachement porté à ce quartier pour ceux qui le vivent au quotidien.
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