Tempête médiatique autour du Tours FC

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Vendredi dernier, le Tours FC débutait sa saison de Ligue 2 en recevant l’AC Ajaccio. Soldée par un match nul, la rencontre a pourtant fait parler d’elle pour des raisons moins sportives. En cause ? L’interdiction d’accès faite par le président du TFC Jean-Marc Ettori, aux journalistes de la NR, Jean-Eric Zabrodsky et Frédéric Launay, tous deux coupables à ses yeux d’un traitement médiatique à charge contre le club dans les colonnes du quotidien régional.

De l’Equipe à l’AFP, en passant par Le Monde, Le Figaro, France TV, sans oublier les sites spécialisés sur le foot, rarement le TFC aura été autant mis en avant par la presse dans son ensemble. C’est peu dire que l’interdiction faite aux journalistes de la NR n’est pas passée inaperçue.

Déjà la veille, la NR se voyait interdire l’accès à la conférence de presse d’avant match, vendredi les deux journalistes cités plus hauts se voyaient simplement interdire de stade. Et si l’intervention du délégué de la LFP les autorisa dans un premier temps à rejoindre la tribune de presse, Frédéric Launay se voyait raccompagner à la sortie à quelques minutes du coup d’envoi par le service de sécurité du club, tandis que son collègue Jean-Eric Zabrodsky était transféré à l’hôpital suite à un malaise.

Rapidement, L’Union des Journalistes de Sport en France (UJSF) condamne l’attitude du club tourangeau et dénonce « une attitude d’un autre age » tout en évoquant de possibles suites judiciaires. La ligue de football professionnel (LFP) de son côté saisit sa commission de discipline qui étudiera le dossier jeudi avec des sanctions possibles à la clé pour le TFC.

Jean-Marc Ettori est-il allé trop loin ?

Si l’attitude du président du Tours FC est largement condamnée, ce dernier assume sa méthode. Au micro de France Bleu Touraine ou dans les colonnes de l’Equipe, Jean-Marc Ettori affirme ainsi avoir voulu “faire bouger le schmilblick”, et reconnait avoir voulu « faire le buzz » pour écarter les deux journalistes qu’il qualifie de “brebis galeuses”. Le président du Tours FC persiste et signe et en affirmant ne plus laisser entrer à l’avenir les deux journalistes en question, tout en étant prêt à accueillir d’autres journalistes de la NR. Des propos démesurés qui constituent une atteinte importante à la liberté de la presse ne serait-ce que par la pression exercée sur les deux journalistes en question mais aussi sur le quotidien régional. Car non, ce n’est pas à JM Ettori de décider qui doit ou ne doit pas couvrir l’actualité du club. Seule la direction de la NR est habilitée à juger du travail de ses journalistes, et à décider qui envoyer pour couvrir l’actualité du club tourangeau. Toute autre éventualité serait un manquement grave à la liberté éditoriale d’un tel média.

Oui, car si les conflits peuvent exister avec les journalistes et la presse en général, et c’est d’ordinaire plutôt un bon signe démocratique, des règles s’appliquent en cas de désaccord. Jean-Marc Ettori aurait pu faire valoir ses droits de réponses dans les colonnes de la NR ou aller en justice s’il s’estimait diffamé comme il l’affirme dans son communiqué du 27 juillet dernier, dans lequel il évoque “mensonges, calomnies, et mauvaise foi de certains plumitifs locaux”.

En interdisant l’accès au stade à des journalistes, Jean-Marc Ettori dépasse allègrement ce cadre légal et moral, et crée un précédant dangereux pour la liberté de travail des journalistes.

L’habitude des rapports de force.

Ce rapport de force qui s’installe n’est pas le premier depuis la reprise du club tourangeau par l’homme d’affaires corse en 2013. Arrivé en homme providentiel lors de son rachat du club, Jean-Marc Ettori n’en finit plus depuis de surprendre et de bousculer les habitudes d’une région d’ordinaire habituée aux compromis et à la modération. Le bouillant président du TFC est arrivé avec son caractère trempé et n’est pas le genre d’homme à se laisser marcher sur les pieds. Jean-Marc Ettori ne mâche rarement ses mots que ce soit par voie de presse ou par communiqués.

Depuis son arrivée de multiples conflits l’ont ainsi opposé à différents membres du club ou de son entourage : avec son homonyme Jean-Luc Ettori arrivé en Touraine dans le même temps pour prendre le poste de président-délégué, puis remercié, ou encore avec les entraîneurs successifs Olivier Pantaloni ou plus récemment Marco Simone dont le départ s’est montré ubuesque. Conflits également avec l’Association TFC gérant la partie amatrice du club et dont les représentants avaient été l’an passé eux aussi interdits de stade… Conflits plus ou moins latents encore selon les périodes, avec les élus locaux, coupables là encore aux yeux du bouillant président corse du TFC de ne pas soutenir le club comme il le faudrait et de se mêler de trop près de ses affaires comme il nous l’affirmait en novembre dernier.

Pour défendre ses positions, Jean-Marc Ettori a un argument de poids qu’il ressort à chaque conflit larvé ou ouvert : le fait d’avoir mis de l’argent dans le club et ainsi le sauver d’un éventuel dépôt de bilan. Et si on doit lui reconnaître le fait d’assumer ses choix et d’aller au bout de ses convictions, on ne peut que regretter son manichéisme qui fait que soit on est avec lui, soit on est contre lui. Un manichéisme qui n’a d’autant plus pas lieu d’être pour la presse. En effet, si un certain chauvinisme est logiquement habituel chez les journalistes sportifs locaux quand il s’agit des différents clubs sportifs régionaux, leur travail n’est pas en revanche celui d’être le bulletin informatif du club. Au contraire, le recul nécessaire et la déontologie de rigueur doivent les amener à s’interroger pour mieux expliquer aux lecteurs des situations parfois complexes comme peut l’être celle du TFC ces dernières années entre menaces de relégation de la DNCG, conflits internes, budgets serrés… Un travail que l’on peut juger, que l’on peut apprécier ou non, c’est un droit fondamental également. En revanche, empêcher les journalistes de travailler parce que leur traitement médiatique déplait n’est pas acceptable.

En refusant l’accès aux journalistes de la NR vendredi dernier et en persistant par voie de presse ou par communiqué, Jean-Marc Ettori a cette fois franchi la ligne rouge et les réactions n’ont pas tardé à tomber. Mohamed Moulay, vice-président aux sports à la Région a condamné dès le samedi matin l’attitude du président du Tours FC en rappelant le droit fondamental de la liberté de la presse. Du côté de l’Indre-et-Loire c’est par un communiqué commun hautement symbolique, rappelant également l’importance de la liberté de la presse que Serge Babary, maire de Tours, Philippe Briand président de Tour(s) Plus et Jean-Gérard Paumier, président du Conseil Départemental, se sont exprimés ce week-end en appelant en tant que partenaires publics du club “à renouer le dialogue et mettre fin sans délai à la situation actuelle”. Un communiqué dans lequel les trois élus citaient Beaumarchais : “sans la liberté de blâmer, il n’y a pas d’éloge flatteur”. Espérons que Jean-Marc Ettori, grand amateur de citations par lesquelles il aime ponctuer ses discours et messages, l’entende et ce pour le bien de tous.

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