Souvent, les revendications des conflits sociaux mentionnent des problèmes de qualité de vie au travail. Le stress, la pression managériale, la surcharge de tâches… Autant de situations qui peuvent entraîner de l’absentéisme voire du turn over. Surtout, ces situations ont des conséquences sur la santé des équipes, et sur le fonctionnement de l’entreprise. Alors comment concilier bien-être au travail et rentabilité ?
Cindy Vesin a ouvert sa boutique le 6 mars 2018 Rue Courteline, à Tours. « Je m’attendais à avoir du monde dès 9h mais ma première cliente n’est arrivée qu’à 10h30. Mme Laffite. » Un démarrage timide rapidement effacé. « J’ai eu peur de faire un flop mais dès le lendemain c’était blindé de monde » raconte la commerçante qui avait 29 ans à l’époque.
7 ans plus tard, L’Atelier de la Cordonnière s’est bien développé et vient d’ouvrir une succursale à Fondettes pour agrandir son atelier. « On était 7 ce n’était pas possible autrement » explique Cindy Vesin qui se partage entre son commerce historique du centre-ville et le 2e point de vente au nord de la Loire. Une adresse plus vaste qui a aussi l’avantage d’avoir un parking pour attirer la clientèle lassée de chercher une place payante.
Cette histoire c’est celle d’une entreprise qui s’est développée plus vite que prévu. Pas un nouveau concept à la mode inspiré des rues parisiennes, mais bien le pari du maintien d’un métier ancestral : la cordonnerie, ou la réparation de chaussures. « Au début j’ai commencé par faire du multiservices avec de la vente de clés mais ce n’était pas pour moi et je ne gagnais pas d’argent » se souvient Cindy Vesin. En se recentrant sur son cœur de métier, elle a fait du 10 Rue Georges Courteline l’une des références du secteur en Touraine.

« Certaines personnes qui n’habitent plus à Tours m’envoient leurs chaussures parce qu’elles ont confiance » souligne l’artisane qui a choisi son emplacement initial « car c’est un secteur où il n’y avait pas encore de cordonnier ». Selon ce qu’elle nous déclare la concurrence est saine et les différentes enseignes tourangelles ne se marchent pas sur les pieds (jeu de mot).
Venant d’une famille d’artisans (un père tailleur de pierre et une mère dans l’agriculture), Cindy Vesin a commencé sa carrière dans le commerce automobile ou en tant que chargée d’affaire dans le milieu de l’énergie. Jusqu’au jour où elle a bifurqué vers la cordonnerie en passant un CAP au CFA de Joué-lès-Tours. « J’ai eu 5-6 ans d’activité avant de me mettre à mon compte » rappelle-t-elle, louant par exemple la formation « exigeant » de son premier patron, La Clinique du Salvatier, Avenue Maginot à Tours-Nord.
« Pour être cordonnier, il faut être le roi de la bidouille. Utiliser tout ce qu’on a autour de soi pour trouver une solution » décrit la commerçante qui a choisi sa voie « pendant un moment de chômage, en lisant tous les métiers de l’artisanat. J’ai éliminé tout ce qui était dehors. Il restait peintre, tapissier, cordonnier… J’ai fait un stage et j’ai su que c’est ce qu’il me fallait. C’est un métier où on ne s’ennuie pas. Les choses reviennent mais les chaussures ne sont pas toutes usées de la même façon. On est toujours en train de se remettre en question. »
Un mode de fonctionnement qui semble avoir trouvé écho auprès de la clientèle. Alors qu’elle ne pensait pas recruter avant 2-3 ans, Cindy Vesin a appelé sa maman en renfort seulement quelques semaines après l’ouverture. Et en septembre 2018, elle recrutait sa première apprentie, devenue depuis formatrice au CFA CMA Formations de Joué. Plusieurs autres arrivées ont suivi, pour atteindre aujourd’hui un effectif de 7 personnes : la dirigeante, 3 apprenties, une stagiaire et 2 CDI. Particularité : tout le monde est en reconversion. Pas tant un hasard, la patronne se disant particulièrement attentive au profil humain de ses équipes.

Ainsi, l’extension fondettoise de L’Atelier de la Cordonnière (275m² en opposition aux 50m² du siège historique) c’est l’occasion de confirmer la mise en place d’une nouvelle organisation de travail. Par exemple, les postes sont à hauteur variable : « Les tables montent toutes seules selon que l’on a besoin d’être assise ou debout. Ou en fonction de la taille car ça va de 1m60 à plus d’1m80 » détaille Cindy Vesin. Par ailleurs, elle a initié la semaine de 4 jours du mardi au vendredi ou du mercredi au samedi : « Dans certains cas ça fait des week-ends de 4 jours. Pour celles qui ont de la famille loin c’est plus facile de s’organiser. »
La « contrepartie » ce sont des journées denses de 9h, soit 36h par semaine… mais avec des horaires flexibles : « On commence entre 7h et 9h le matin et ça se répercute sur la fin de journée. Cela m’enlève un poids de ne pas regarder l’heure d’arrivée ou de départ des unes et des autres » se félicite Cindy Vesin qui peut donc se concentrer sur le développement de sa marque, par exemple la recherche de contrats de sous-traitance pour de grandes marques de chaussures qui souhaitent s’entourer de partenaires pour la gestion de leur SAV.
Dans une période complexe pour le commerce, et d’incertitude politique, la cheffe d’entreprise sait que la prise d’un 2e local est un gros pari mais elle souhaite capitaliser sur sa réputation et son expertise pour en faire un succès, sans sacrifier le bien-être de ses équipes. « Si on se donne les moyens, ça devrait fonctionner » philosophe-t-elle.