Les Îles Noires aux reflets d’Or…

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Historiquement prisées des maraîchers pour la qualité de leurs sols, les Îles Noires comptent aujourd’hui pas moins de 381 parcelles privées de jardins familiaux réparties sur 10 hectares. Ce territoire situé à l’Ouest de la commune de La Riche, en contrebas de la digue de la Loire, a longtemps été délaissé par les pouvoirs publics. Bien que présent dans le périmètre de l’UNESCO, ce territoire est aujourd’hui devenu un espace atypique mêlant habitations légales et illégales, jardins maraîchers, mais aussi un théâtre de déversements d’ordures constituant de véritables dépotoirs à ciel ouvert. Un espace que La Riche et la Métropole souhaitent aujourd’hui redorer via un vaste projet de réaménagement, afin de le rendre attractif.

Renouer des liens étroits avec La Loire en aménageant ses abords et retrouver une identité ligérienne sont les paris des acteurs urbains ces dernières années (Souvenez-vous de la consultation Envie de Loire). Aux Îles Noires, l’enjeu est de taille d’autant que le territoire a longtemps été laissé pour marginal.

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Un terreau de diversité

Partir à la rencontre des habitants sur place pour mesurer l’ambiance était necessaire. Sont-ils réellement en marge ? Comment le vivent-ils ? Quelles sont les installations ? Nous dépassons la digue pour y répondre. Un constat : il y a de la vie aux Iles Noires, légale et illégale, humaine et fertile.

A droite, un jardin abandonné, un peu plus loin sur la gauche un jardin très structuré, il y en a pour tous les goûts. Stéphane vient de désherber une partie de son terrain. L’odeur des feuilles qui brulent nous a amené jusqu’à lui. « Cela fait 32 ans que j’ai cette parcelle. Si je n’avais pas ça je m’ennuierais. J’y passe tous les jours » explique-t-il. Malgré les friches et les carcasses de voitures, les jardins familiaux ont ce caractère paisible, à-part. A la sortie de l’allée le long de la route vers l’Ouest, les maisons faites de matériaux de récup’, de bric et de broc s’enchainent. Ici, tous types d’habitations se confondent avec un point commun : les aboiements des chiens à notre passage. Les quelques maisons légales sont celles édifiées avant 1943, date à laquelle l’interdiction de construire dans une zone inondable est tombée. 

En continuant la route, les modestes maisons croisées laissent place à de véritables habitations de fortune. L’odeur de déchets est prenante, le regard des enfants jouant sur un tas de terre tout autant.  En un rien de temps, cette misère fait oublier que vous êtes le long du majestueux fleuve royal. Depuis quelques années, ces terrains sont occupés par des personnes venues d’Europe de l’Est. Ils sont entre 50 et 70 à vivre sans eau potable voire sans électricité et à survivre dans des conditions d’insalubrité extrême. Cabanes en taule, feu de bois en guise de chauffage et rats, un bidonville à ciel ouvert où seuls quelques enfants sont scolarisés et en capacité de parler le français. 

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Point social

En novembre 2017, la Ville de la Riche et la Métropole se sont rapprochées des services de l’Etat afin de trouver une solution à cette situation de grande précarité. En ce début d’été 2018, la justice a exigé l’expulsion des populations dans un délai de 4 mois. Ces populations, sédentarisées pour certaines depuis 10 ans, sont priées de quitter les lieux. Une décision incomprise d’autant plus qu’elles ont été en marge de toutes politiques publiques pendant de longues années. Suite à cette décision, l’Etat a débloqué une enveloppe de 40 000 euros pour financer une MOUS (Maîtrise d’Oeuvre Urbaine et Sociale). L’objectif étant de rencontrer les familles au cas par cas et d’engager des procédures de « réhabilitation, d’emploi, de réinsertion et d’alphabétisation » annonce la Métropole. Sur place, les avis diffèrent. Bernadette Lucas, habitante de La Riche et venant en aide auprès de ces populations, explique que depuis la mise en place de la MOUS, personne ne s’est déplacé sur le terrain. Todor, originaire de Bulgarie, en appelle à la Mairie pour scolariser ses enfants et trouver un travail. La situation est complexe et humainement urgente.  Ces terrains occupés appartiennent à la Métropole. En faisant évacuer le camp, les acteurs urbains  affichent leur volonté de reprendre le contrôle après des années de « non-droit ». A l’heure actuelle, Tours Métropole Val de Loire possède environ 10 hectares sur les 95 que constituent les Iles Noires, un chiffre qui ne cesse d’augmenter avec les rachats de parcelles. 

Focus en 7 points sur les Iles Noires

Un projet « environnementalo-ludique »

Outre la mauvaise réputation de ce quartier, « toute proportion gardée » selon un habitant, c’est un espace plein d’atouts qui se cache derrière la digue. Les quelques connaisseurs viennent profiter du chemin pour faire leur jogging, d’autres pour pique-niquer en bord de Loire, et les habitants sont ravis du calme de cet endroit « à part ». Malgré les contraintes naturelles (zone inondable et Natura 2000) les élus le savent, c’est un territoire à fort potentiel agricole et touristique. C’est pourquoi une ZAD (Zone d’Aménagement Différé) a été créée en septembre 2016 permettant à Tours Métropole Val de Loire de jouir d’un droit de préemption. Porter un projet politique d’aménagement semble d’autant plus important que la deuxième ligne du tramway aura son terminus à quelques centaines de mètres de l’entrée des Iles Noires. 

« La vocation à terme c’est loisir, détente, nature, environnement et éducation. » se réjouit Thibaut Meurgey, Directeur de la communication à la ville de La Riche. 

Avant de commencer les aménagements, la ville de La Riche a commandé à la SEPANT (Société d’étude, de protection et d’aménagement de la nature en Touraine) un inventaire de biodiversité communal. Le but de cette opération étant d’identifier les espaces sur lesquels des aménagements  peuvent être faits sans déranger les espèces. A la suite de cet inventaire, des tables de pique-nique et autres installations légères pourraient fleurir sur cette fenêtre sur la Loire. « Rien n’est figé, mais il faut que ce soit des activités respectueuses du lieu. Nous ne sommes pas sur des courses de quad » affirme Benoît Turquois, responsable du service Aménagement – Urbanisme à la mairie de La Riche.


Plus à l’Ouest, le Potager de Loire prend forme. Anciennement en friche, ce terrain de deux hectares a été racheté par la Métropole. Depuis, Yolain Gauthier travaille d’arrache pied pour créer un espace agro-écologique. 

Pour satisfaire sa quête d’autonomie, Yolain Gauthier est sur le bon chemin. Lorsqu’il est arrivé sur ce terrain, avec son projet, il était face à une bambouseraie de deux hectares avec près de 200 tonnes de déchets. Malgré ce terrain désolé, il s’est projeté et a proposé un projet de permaculture.

« Je voulais tout faire avec ce que m’offre la nature. Ici, je vais développer un verger, là une champignonnière, puis un petit élevage pour l’aspect pédagogique. A cet endroit vous avez les serres, là une guinguette en préparation et ici des planches de culture permanente en lasagne. »

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Ce projet s’inscrit à la fois dans le projet de réaménagement du territoire et dans celui du projet alimentaire territorial de la Métropole (PAT). Aujourd’hui, seulement 2% des légumes consommés dans l’agglomération tourangelle proviennent de producteurs locaux. L’objectif, sans horizon pour le moment, est de créer les conditions d’une autonomie alimentaire de la Métropole de 15%. Historiquement considérées comme une zone de maraîchage, les Îles Noires continuent d’être le théâtre de nouvelles installations destinées à l’agriculture.

« Le projet Îles Noires, c’est un maelström de plein de politiques. L’idée, c’est d’en faire un territoire d’expérimentation et notamment en matière agricole » – Métropole

Le périmètre de la ZAD englobe également les carrières de Gévrioux. L’exploitation du sable et graviers, sous la propriété de la Ligérienne Granulats, sera terminée d’ici 2020. A cette date, l’exploitant devra remettre les lieux en état. De par leur superficie, les carrières de Gévrioux n’ont rien à envier au Lac des Peupleraies de Saint-Avertin, de la Bergeonnerie à Tours ou encore de celui des Bretonnières à Joué-Lès-Tours. Sans trop se projeter, puisque le terrain n’est pas acheté, les élus nous laissent entendre que ce lieu pourrait, à terme, accueillir des activités de loisirs. 

Lutter contre les installations insalubres, acquérir la maîtrise foncière, valoriser les paysages ligériens, promouvoir le maraîchage et redorer l’image des Îles Noires sont autant d’objectifs des élus et de la Métropole. 

« C’est en remettant de l’activité, en réinventant de la vie sur ce territoire qu’il reprendra forme et qu’il redeviendra un lieu de convivialité et de loisirs. Nous voulons que ce soit une composante à part entière du territoire» conclut Benoit Turquois.

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