Un Monstre a/à sa place : à la découverte des turpitudes de l’emblème tourangeau.

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Emblème de la ville de Tours depuis 2004, le Monstre est entré dans le quotidien des citadins. Cette appropriation n’a pourtant pas été un long fleuve tranquille. A l’occasion de la sortie du « Monstre » par Eternal Network aux Presses du réel nous avons souhaité revenir sur les turpitudes de cette œuvre d’art qui a fait tant polémique.

Capture plein écran 03112015 002204Alors réservée au stationnement, riverains et commerçants du Vieux-Tours ont voulu donner vie à la Place du Grand Marché. L’objectif était de créer un point central pour façonner une identité à cette place somme toute banale. Les commerçants ont donc fait appel à l’association Eternal Network qui les a accompagnés afin de réaliser une commande artistique.

crédits photo Céline Assegond(c) Céline Assegond

Quatre années ont été nécessaires au plasticien de renom Xavier Veilhan pour finaliser son œuvre. L’histoire du quartier et l’architecture sont les fils conducteurs de son projet. Il a tenu compte de ces maisons du moyen-âge en imaginant une œuvre où la dimension historique et l’imagerie contemporaine s’affrontent et se mélangent. Pour Éric Foucault, directeur artistique d’Eternal Network : « l’objectif était également de rappeler l’aspect populaire du Vieux-Tours des années 80. Un quartier coupe-gorge ».

Cet espace est ainsi devenu hors norme grâce à un personnage lui-même d’une hauteur de 4m40. Il n’en fallut pas moins aux détracteurs pour lancer la polémique. Les journaux locaux ont ouvert leurs colonnes aux opposants virulents au projet. Politiques, commerçants, badauds, tout le monde y est allé de sa petite phrase pour décrier cette bedonnante sculpture monumentale. Comme un disque rayé, la rengaine du « c’était mieux avant », jusqu’au sempiternel, « c’est la preuve de la fin de la civilisation » ont eu pignon sur rue.

crédits photo Eternal Network(c) Eternal Network

Au-delà des affinités artistiques et seulement 11 ans après son inauguration, cette statue à facettes a pris racine. Elle inscrit définitivement ce lieu de façon poétique dans l’imaginaire des passants et citadins. Le skateboard du Monstre comme le restaurant « La cuisine du Monstre » ont fait leur apparition. L’appropriation par les Tourangeaux révèle la fonction sociale de l’art : le Monstre balise l’espace et engendre de nouvelles pratiques. Il est partie intégrante de l’identité tourangelle si bien qu’aujourd’hui nous ne parlons plus de la Place du Grand Marché.

D’une œuvre polémique à une œuvre historique, il n’y a qu’un pas dont l’office de tourisme se fait l’écho dans son circuit touristique. Pour Nathalie Brevet, enseignante-chercheure en sociologie de l’urbanisme à l’Université de Tours : « la production d’œuvres d’art dans l’espace public n’échappe pas aux différentes étapes d’un projet en aménagement. Rappelons-nous des colonnes de Buren au Palais Royal. » Dans le cas du Monstre, le conflit a même créé une mythologie urbaine intense. L’art est ainsi un alibi pour reconstruire une histoire. Officialiser le changement de nom de la Place pourrait donc perdre de son sens.

Le succès rencontré par le Monstre n’est pas révélateur de la place de l’objet d’art dans la cité. L’appropriation par les habitants peut se faire comme se défaire. Ainsi, la fontaine de la place de la Gare n’emporte pas l’adhésion du public. En proposant un élément d’identification plus en adéquation avec l’espace et les habitants, le futur projet d’aménagement sera peut-être l’occasion d’y remédier.

Mickael ACHARD

monstre crédits photo Eternal Network(c) Eternal Network

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