Quand les cantines se mettent au vert

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Retrouvez le dossier principal du deuxième numéro de 37° Mag consacré à la gastronomie tourangelle…


De l’école maternelle au lycée, près de 7 millions de jeunes français mangent au restaurant scolaire quotidiennement. Macédoine, piémontaise, épinards à la béchamel ou cordons bleus industriels, la cantine n’est, d’ordinaire, pas synonyme de gastronomie. Bien souvent, les enfants mangent des produits issus de l’industrie agroalimentaire française. Pour contrer cette tendance et favoriser une alimentation plus saine, les députés ont adopté en octobre dernier la loi Agriculture et Alimentation dite « EGalim ». Par conséquent, les chefs de cantines devront servir 50% de produits locaux ou de qualité dont au moins 20% de bio dans leurs assiettes d’ici 2022, mais certains n’ont pas attendu la loi pour se mettre au vert. En Indre-et-Loire, plusieurs écoles, collèges et lycées ont dores-et-déjà dans leurs menus une part importante de produits bruts bio, locaux ou les deux. 

Onze heures, toute la cuisine est au travail avant l’arrivée en fanfare des 450 élèves  de classes maternelles et primaires. Ici, dans la cantine scolaire de Cinq-Mars-la-Pile, les repas sont cuisinés le matin pour le service du midi. La plupart des aliments sont reçus bruts et transformés sur place. Des carottes bio râpées, du veau transformé en sauté de veau Marengo, le chef Pascal Guion porte depuis plusieurs années une attention particulière à la provenance et à la qualité des produits qu’il sert aux enfants.

« Aujourd’hui, nous sommes à 30% de produits locaux et 20% de produits bio et nous avons récemment rencontré des maraîchers afin d’envisager des partenariats pour l’année prochaine. »

Cet effort se ressent directement sur les papilles des enfants. Dans le brouhaha de la cantine, des commentaires tels que « c’est trop bon les carottes », « moi j’aime bien les pommes de terre d’ici » ou « la sauce marron de la viande c’est ma préférée » fusent et  confortent le chef dans sa volonté d’éduquer les enfants aux bons aliments. 

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Pascal Guion
Pascal Guion
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Permettre aux enfants de mieux manger avec des produits de meilleure qualité est aussi le pari de la mairie de Chambray-lès-Tours. Depuis janvier 2018, les 850 repas quotidiens  servis dans les écoles, crèches et centres de loisirs sont composés de « 100% de produits bio dont 86% de produits frais » se réjouit Veronique Duguet, conseillère municipale déléguée à la restauration scolaire. Une initiative municipale impulsée par la volonté d’apporter aux enfants une alimentation plus saine. Dans cette commune où les Temps d’Activités Périscolaires sont encore en place, les enfants peuvent travailler sur l’élaboration des menus des fêtes de fin d’année ou encore comprendre la composition d’un repas et les valeurs nutritionnelles qu’il apporte. 

Cuisiner et éduquer 

« C’est bien qu’ils commencent à éduquer au bon goût dès l’enfance, l’école c’est la base ! » réagit Sébastien Brun, chef cuisinier au collège Le Réflessoir de Bléré. Membre de l’association « Les cuisiniers de la République Française », c’est un chef engagé qui prône depuis plusieurs années les produits de saison et de qualité dans la restauration collective. Ici, le lait et le beurre viennent de la laiterie de Verneuil, les pâtes sont bio et produites localement et les légumes proviennent du marché. Dans cette cuisine, et les étagères en témoignent, pas question d’avoir des plats prêts à être réchauffés.

Le chef et son équipe débordent d’imagination pour créer des plats et des associations de goûts que les élèves n’ont pas l’habitude de manger à la cantine. La dernière en date : la saucisse cordon bleu 100% locale (viande de porc, jambon, et Tomme de Touraine) créée avec l’exploitant de bovins Stéphane Turbeaux. « L’important, c’est de raconter une histoire aux enfants et de les sensibiliser à ce qu’ils mangent » explique le chef.

Pour ce faire, et grâce aux trois ruches installées dans l’enceinte du collège, le chef a récemment élaboré un menu autour du miel. En comparant deux plateaux avec ou sans l’intervention des abeilles, le chef a voulu montrer aux adolescents l’importance de ces petites bêtes pour leur alimentation. À travers ce type d’animation, Sébastien Brun veut éveiller la conscience et les papilles de ses jeunes convives et ça fonctionne. 

« Si j’explique à un élève le topinambour et lui dit qu’il y en a dans son assiette, il va expérimenter. Peut-être qu’il n’aimera pas mais au moins, il aura goûté. »

Sébastien Brun
Sébastien Brun

Pour donner envie de déguster, Sylvain Bernard met l’accent sur la présentation de ses plats. Ce chef cuisinier du lycée agricole de Chambray-lès-Tours prend le temps de « donner envie de manger avec les yeux » et les élèves le ressentent. « On ne dirait pas des repas de cantines mais des repas de restaurants » souligne Tom, élève en première. Produits locaux venant des producteurs de « La Charrette » à coté de l’établissement, fromage du Meilleur Ouvrier de France Rodolphe Le Meunier, le chef a depuis toujours eu un lien avec les produits du terroir et souhaite que les élèves du lycée les retrouvent dans l’assiette. 

Sylvain Bernard et son équipe
Sylvain Bernard et son équipe

Outre les produits de qualités, bio et/ou locaux, chacun des chefs place également la saisonnalité au coeur de leurs menus. Un aspect de la restauration que Bio Centre, l’association qui a pour mission de coordonner le développement de la filière biologique en région Centre-Val de Loire, met également au devant de la scène. « C’est plus cohérent d’avoir des tomates en septembre qu’en mars. D’autant que les produits ont plus de gout, plus d’intérêt nutritionnel » explique Laure Amouriq, Chargée de Mission Alimentation à Bio Centre. Par conséquent, les menus durant ce mois d’avril seront composés d’asperges, de blettes et de petits pois.

Manger mieux, mais à quel prix ? 

Si l’alimentation issue de l’agriculture biologique ou de producteurs locaux est réputée plus coûteuse, le prix des repas n’a pas augmenté pour les parents d’élèves. « Nous invitons les collectivités à prendre ces démarches comme des investissements pour l’avenir. L’école est un lieu qui se doit d’être égalitaire, on ne peut pas faire payer aux parents une volonté politique » souligne Laure Amouriq. Dans chaque établissement, les achats de matière première plus couteuse sont compensés par un changement d’organisation.

À Chambray-lès-Tours, la mairie « se retrouvera dans ses économies avec la cuisine centrale prévue pour 2020 qui centralisera la production » explique Véronique Duguet. Sylvain Bernard a trouvé un équilibre en privilégiant la qualité plutôt que la quantité. « En achetant de la bonne viande cuite ensuite à basse température, on fait le choix d’avoir un produit moins dénaturé et surtout avec beaucoup moins de pertes à la fin de la préparation. C’est ainsi qu’on s’y retrouve dans nos achats ». Un constat partagé par Sébastien Brun qui privilégie « 300 parts de brie local plutôt que 600 Babybel qui serviront à faire de la pâte à modeler ».

Ils luttent contre le gaspillage alimentaire

Chacun des établissements scolaires visités sensibilise au gaspillage alimentaire. À Cinq-Mars-la-Pille, les déchets sont pesés chaque jour et partent, pour la plupart, au compost de la commune ou pour les poules. Dans le réfectoire, des affiches « manger c’est cool, gâcher c’est les boules » tendent à rappeler aux enfants qu’il faut prendre sur leurs plateaux que ce qu’ils sont sûrs de manger. Dans chaque établissement, les élèves mangent dans des selfs (sauf la maternelle), c’est alors eux qui se servent en fonction de leurs  goûts. « C’est très important que les équipes de restauration échangent avec leurs publics. En sachant comment mange tel ou tel enfant, la personne qui sert peut adapter la louche en conséquence et ainsi limiter le gaspillage » insiste Laure Amouriq. Une pratique aujourd’hui démocratisée comme le souligne Marine, élève en seconde « Au début, j’en demandais pas beaucoup parce que je ne suis pas une grande mangeuse. Maintenant, ils me connaissent et je n’ai plus besoin de le leur demander » ou encore cette petite de CP « J’aime pas la purée comme ça, alors la dame elle ne m’en a pas mis parce qu’elle sait que je n’aime pas ça ». S’adapter aux envies des enfants fait partie intégrante de la politique de ces établissements. 

Sur le tableau, les kilos de déchets de la veille
Sur le tableau, les kilos de déchets de la veille

Éduquer au bon gout et se faire plaisir dans l’élaboration des menus sont les maitres-mots de ces chefs qui n’ont pas attendu la loi pour promouvoir une alimentation saine dans la restauration collective. Bien que les frites soient toujours l’aliment roi, les enfants découvrent de nouvelles saveurs et n’hésitent pas à adopter un discours positif de retour à la maison. Il n’y a pas de doutes, ces enfants garderont un bon souvenir de la cantine. 

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