Le milieu tourangeau de la mode ne manque pas de talents. Et si l’on évoque souvent certains noms bien connus comme le couturier Sami Nouri – expatrié à Paris mais toujours proche de la région – la créativité autour du tissu se déploie un peu partout dans le département, de la création de robes de mariée à Loches à la formation via le BTS Mode du lycée Choiseul de Tours-Nord. Parmi les dernières arrivées : Poulettes Sisters, marque à l’esprit rock-métal aux accents solidaires. Rencontre avec sa fondatrice Anne-Andréa Brochard.
C’est l’histoire d’une « jeune femme » de 44 ans mère de deux enfants, originaire de région parisienne et débarquée en Touraine depuis 3 ans. Anne-Andréa Brochard vit à Saint-Avertin, commune où elle fait également imprimer une partie de ses créations, grâce à l’atelier situé dans la maison de sa maman, à deux pas de chez elle. Styliste et modéliste de formation, « passionnée de design, et de choses jolies en général », elle a commencé par dessiner des vêtements pour ses potes à l’adolescence, dans le milieu du skate et du BMX.
L’univers lui plait. Anne-Andréa Brochard fait donc des études pour aller plus loin. La révélation se confirme. « A l’école, je n’ai jamais eu l’impression de travailler. Je n’ai jamais autant bossé de ma vie mais c’était pour ma passion. Le soir j’étais cuite mais ravie. Chaque nouveau projet était un challenge. » Embauchée par la marque Complices, elle y passe 5 ans au sein du service des licences, c’est-à-dire la branche chargée de décliner les modèles de vêtements sur d’autres supports comme les pyjamas, les maillots de bain ou les montres.
« Grâce à ça, j’ai touché à la fabrication de près. Cela m’a permis de découvrir la production de plein de produits, notamment dans les usines au Maroc. J’ai adoré » explique la néo-tourangelle qui a fini par prendre en main des collections. Débauchée par une grande marque pour son « côté décalé », elle découvre l’univers du bijou pour chiens et chats : « On faisait le collier du chien, la laisse, et le sautoir assorti pour Madame » raconte-t-elle. Sans oublier les canapés ou gamelles en céramique de Marrakech. Une expérience éphémère, suivi d’une autre dans le prêt-à-porter masculin en tant que styliste.
Anne-Andréa Brochard ressent progressivement l’envie de pousser encore un peu plus le curseur. Elle fait alors un master marketing et business de la mode salvateur. « Il y a beaucoup de choses que je faisais au feeling et ça m’a permis d’aller plus loin. » Jusqu’à créer une marque. « Ce n’était pas prévu » confesse-t-elle. Mais la création d’un logo pour elle, à la maison, en a décidé autrement. « Ave ses ongles rouges et son cœur noir il m’a tapé en plein cœur. J’ai eu envie de faire des pin’s, j’ai trouvé une entreprise espagnole qui me proposait d’en réaliser juste 100 et c’était parti. »
Après le pin’s il y a eu les housses de coussins, les t-shirts, le briquet… Des motifs léopard, aussi. Poulettes Sisters est née. « Poulettes, c’est comme ça qu’on s’appelait avec une copine quand on avait 15-16 ans. Et Sisters, c’est pour la famille qu’on se choisit. » D’ailleurs, la marque a développé une communauté sur Facebook, un groupe avec plus de 2 000 personnes qui a débouché sur la création d’une asso – Poulettes l’Assaut – et sur l’organisation de collectes pour les femmes en difficulté au moment de la fin de l’année (77 villes ont participé en 2023).
« Les valeurs que je prône sont celles de femmes aux personnalités fortes, avec des looks assumés et qui s’entraident. La sororité féminine » explique la styliste. « C’est toujours quelque chose que j’ai détesté d’entendre que les rapports entre femmes étaient empreints de jalousie, de mensonges. Plus jeune j’ai été assez déçue par la gent féminine et là je trouve à travers mes clientes des nanas comme moi, avec de la bienveillance et plus de simplicité dans les rapports. On s’appelle pour les galères et la première règle c’est : tu ne jugeras pas. Si c’est pour descendre, tais-toi ou sors de là. »
Cette philosophie qui « fait du bien », Anne-Andréa Brochard l’a vu se déployer jusqu’à l’utilisation de son logo pour des tatouages. Et ce n’est même pas elle qui a eu l’idée en première. Plus globalement, en un peu plus de 2 ans, sa marque « progresse bien », certes avec des produits fabriqués en Asie (pour des questions de coûts), mais la volonté de réaliser les pièces à la commande, pour avoir le juste stock, quitte à finir en rupture à la fin d’un événement.
Essentiellement présente sur Internet, Poulettes Sisters est tout de même référencée dans quelques magasins physiques comme Imagine Tours ou Mike American Bike à Joué-lès-Tours. Et puis il y a les festivals, avec une condition « rarement plus de 5-6h de voiture. » Les week-ends rock, les rassemblements de motos, les événements vintage… Et surtout le Hellfest, plus gros festival métal de France situé près de Nantes. D’abord recalée pour sa première candidature, Anne-Andréa Brochard est finalement rappelée par l’organisation pour sa double édition post-Covid en 2022.
« J’étais un OVNI car, même si je vends beaucoup de noir, il y a aussi du blanc, du rouge. Ma collection ne colle pas avec les clichés des métalleux » nous dit la styliste. Une audace qui a payé : le stock s’est vite épuisé. Et depuis elle retourne à Clisson chaque année, « et à chaque fois ça prend de la puissance. » Ça tombe bien, même si elle ne se voit pas forcément créer toute sa vie, Anne-Andréa Brochard a encore des idées sous la main. Avec de nouveaux modèles qui remplacent toujours les anciens, là-encore pour limiter les stocks et l’impact de la marque tourangelle.