Cérémonie des étoiles Michelin à Tours : Ville, Métropole et Région s’achètent le prestige

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Ce sera une grande première : en mars 2024, le Palais des Congrès Vinci de Tours accueillera la cérémonie d’annonce et de remise des étoiles Michelin. C’est donc depuis le Boulevard Heurteloup qu’on connaîtra la liste des restaurants les plus prestigieux du pays et qu’on saura si la Touraine bénéficie de macarons supplémentaires. Un événement retentissant… mais qui coûte cher en argent public.

Les gastronomes ont déjà coché la date dans leur agenda. Nous y compris. Le 18 mars 2024 le célèbre guide Michelin va décerner ses étoiles depuis Tours. Un événement pour l’image de la ville car c’est l’assurance que son nom soit cité dans des centaines d’articles de presse. Une belle vitrine… ou plutôt une belle publicité. Car on ne peut pas vraiment dire que Michelin a choisi Tours. La phrase exacte serait plutôt Tours a choisi le Michelin. Ou, plus honnêtement, Tours s’est payé le Michelin.

On vous explique… La remise des étoiles Michelin en région c’est une nouveauté. Avant 2022, tout se déroulait depuis Paris. Puis le fabricant de pneus a eu une idée : délocaliser son show annuel en région… et au passage faire payer les collectivités locales toutes heureuses d’accueillir une cérémonie à fort potentiel médiatique. Cognac a été la première ville à se laisser tenter avant que Strasbourg ne prenne le relais en 2023. Et donc Tours pour 2024. Budget annoncé : 500 000€ à se partager entre la ville de Tours, Tours Métropole et la région Centre-Val de Loire (somme qui comprend toute une série de manifestations annexes avant mars autour de la gastronomie nous dit-ok sans détailler le programme).

Pour ce prix, la promesse est de faire venir 600 chefs et 180 journalistes (c’est ce qui s’est passé à Strasbourg en début d’année). Des données à comparer avec le coût d’une campagne de pub « classique ». Ainsi, 500 000€ c’est exactement la somme déboursée en 2017 pour un vaste affichage d’images de la région Centre-Val de Loire dans les transports parisiens (présence dans 18 stations de métro et 6 gares). En revanche, 500 000€ c’est 6 fois le prix pour s’offrir le départ d’une étape du Tour de France à Tours en 2021 (événement sportif retransmis en mondovision, également suivi par des centaines de journalistes).

Au passage, le parallèle avec le Tour de France n’a rien d’incongru. En fait, avec Michelin, on est face un échange public-privé comme il s’en fait de plus en plus. Les institutions parient sur la notoriété d’une marque, ses méthodes de travail ou son carnet d’adresses pour faire leur marketing par ricochet. Ainsi, en mars, une floppée d’invités auront droit à une visite découverte du territoire ligérien en parallèle de la cérémonie. Dont des journalistes et sûrement des influenceurs. Le pari derrière c’est d’avoir des articles, des publications sur les réseaux sociaux ou du bouche-à-oreille. Un arsenal qui pourrait attirer des touristes, susciter de la notoriété ou déclencher des rencontres à potentiel économique (pourquoi pas imaginer qu’un grand chef invité craque sur le coin et veuille y ouvrir un restaurant ?).

Est-ce que ça vaut 500 000€ ? Est-ce que l’investissement est rentable ? Est-ce que Tours et la Région avaient besoin de l’aide de la marque Michelin pour asseoir leur prestige gastronomique ? On peut difficilement quantifier les retombées en euros sonnants et trébuchants. Le procédé est en tout cas symptomatique d’une époque où les objectifs de croissance/image des politiques se matérialisent dans l’achat de prestations à des entreprises privées qui savent y faire pour se rendre incontournables. C’est d’ailleurs la même chose quand des villes s’offrent des stars en achetant des concerts à des radios privées. Plutôt que de créer un nouvel événement, de parier sur ses talents en circuit court, on va chercher du rêve à l’extérieur. C’est une stratégie. On notera au passage que Michelin n’est pas le seul guide à se financer grâce au public. Récemment, Le Petit Futé a publié un guide sur le Chinonais qu’il n’aurait jamais réalisé de sa propre initiative, c’est-à-dire sans le concours des fonds publics. Enfin, comment ne pas noter qu’accueillir le Michelin à Tours c’est aussi une façon de relancer – justifier ? – le label Cité de la Gastronomie obtenu depuis une décennie sans jamais avoir offert à la ville les retombées qu’elle en espérait au moment du lancement du projet. Ce sera peut-être ça la vraie retombée à surveiller au lendemain du 18 mars 2024.

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