A Monts, l’escrime comme thérapie contre le harcèlement des enfants

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Ces dernières semaines, plusieurs fait divers impliquant des adolescents ont fait la Une de l’actualité nationale. Des affaires de violences souvent liées à du harcèlement entre jeunes. Si le gouvernement a lancé des plans d’action contre ce fléau, il reste complexe à juguler, commençant parfois dès les premières années d’école. En complément du travail de l’Education Nationale, le club d’escrime de l’AME Escrime de Monts a développé son propre programme pour remettre les victimes sur pied par le sport. Entretien avec son maître d’armes, Bertrand Garreaud.

Pouvez-vous nous parler de l’origine de cette initiative ?

Depuis plusieurs années le club d’escrime de Monts est engagé dans plusieurs dispositifs de sport-santé, notamment deux ateliers thérapeutiques pour réparer les femmes victimes de violences sexuelles et un atelier créé il y a deux ans pour les femmes victimes de violences conjugales.

Ces dispositifs m’amènent à rencontrer beaucoup de professionnels de santé (psychothérapeutes, kiné, ostéo, médecins…) qui, parfois, accompagnent des enfants ayant subi des violences. Ils dirigent vers notre club car ils savent que l’escrime au sabre est un bon outil de réparation.

En quoi ?

C’est un sport de combat dans lequel il n’y a pas de contact. On ne tape sur personne. Le KO est interdit. On est dans l’obligation de ne pas faire mal, c’est sanctionné en compétition. Ensuite, il nécessite de savoir quand on est réellement attaqué, de savoir appréhender cette attaque et le mécanisme de peur qui en découle.

En plus, le sabre est l’arme la plus rapide de l’escrime. Avec elle, il n’y a pas possibilité de réfléchir, de faire des scénarios, des suppositions… Ce qui est souvent néfaste pour des enfants qui subissent du harcèlement. Là, il faut répondre immédiatement. Ou si l’adversaire n’attaque pas, on y va en premier.

Donc vous n’êtes pas là pour leur apprendre à se défendre ?

Je ne vais pas apprendre à tous les petits harcelés qui passent par mes mains à casser le nez de leurs adversaires, ça ne m’intéresse pas. Ce que je veux, c’est les faire sortir de la posture de la victime pour que l’agresseur ne s’intéresse plus à eux.

J’ai l’exemple d’une petite fille de 4 ans et demi qui, quotidiennement, était frappée par le même enfant. Elle n’en dormait plus, ne mangeait plus correctement. En quelques mois d’escrime elle a changé de posture et son petit camarade s’est désintéressé d’elle.

Donc ça marche ?

On a des enfants heureux, qui se redressent au niveau postural, qui s’épanouissent. Récemment la maman d’un enfant que j’avais pris en charge m’a dit qu’il voulait faire un sport collectif, projet osé quand on a subi du harcèlement. Eh bien il est totalement épanoui, il prend des décisions, plein de choses qu’il n’aurait pas faites avant.

Ce n’est pas une baguette magique. Peut-être que pour certains ça ne marchera pas. En tout cas on les accueille sur un temps long, sur toute l’année. Là j’ai une petite fille ça fait un moment qu’elle est là et elle n’est pas encore complètement autonome et apte à ce qu’on ne vienne pas l’embêter.

Pour vous c’est important que ces ateliers se fassent en groupe.

Il faut comprendre que le groupe malveillant n’est pas la norme. C’est important pour la question de la culpabilité. Les enfants se demandent ce qu’ils ont fait de mal, si ça vient d’eux. On leur a dit de prendre sur eux, de changer d’attitude. Ce n’est pas possible à entendre, et ça arrive encore. Ce qu’il faut comprendre c’est que ceux qui dysfonctionnent ce sont ceux qui sont malveillants.

Ce discours passe ?

J’ai un petit garçon qui a fait 3-4 mois d’escrime et changé d’école. Je lui ai demandé comment ça se passait dans ce nouvel établissement, il m’a dit que c’était super, que tout le monde était gentil avec lui. Il a compris que ce qu’il avait subi avant ne venait pas de lui. Mais il n’en était pas sûr avant.

Comment a réagi l’Education Nationale à votre projet ?

Elle est très intéressée. Elle a ses dispositifs, qui fonctionnent, mais ne peut pas gérer l’après. Un enfant maltraité ça entraîne des troubles post-traumatiques et là on sort du cadre de l’école. Tous les soins sont du ressort des parents et ne la concernent pas donc elle était contente de savoir qu’on pouvait proposer quelque chose.

L’idée est aussi de prévenir des problèmes de violence qui pourraient se reproduire plus tard dans le milieu professionnel ou conjugal. J’ai une patiente qui se répare après des violences conjugales qui a vécu des violences dès le collège. Elle me disait que si elle avait été prise en charge dès le début, elle aurait changé de posture et ça n’aurait pas continué.

Donc prendre le problème à la racine. Si on éteint les choses à la base, il n’y a pas de suite.

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