Un événement caritatif qui vire à l’affrontement politique et à la bataille de pétitions. Voilà ce qu’on retiendra de la 3e édition de La Nuit du Bien Commun, organisée mardi 6 mai au Grand Théâtre de Tours. L’objectif affiché était de soutenir une dizaine d’associations caritatives mais les origines de la manifestation, cofondée par un milliardaire d’extrême droite, ont encouragé la gauche à se mobiliser pour tenter d’obtenir la peau de ce rendez-vous.
Dès sa première édition tourangelle en 2023, La Nuit du Bien Commun avait déclenché quelques remous. Il a vite été souligné que l’événement avait été cofondé par le milliardaire Pierre-Edouard Stérin, décrit comme un exilé fiscal et un magnat d’extrême droite par ses opposants. On lui reproche notamment des positions antiavortement ou hostiles au mariage pour tous. De quoi le discréditer immédiatement pour toute une frange du milieu politique, culturel, associatif ou médiatique local. Des critiques qui ont pris de l’ampleur lors de la 2e édition en 2024, mais qui ont atteint leur paroxysme cette année avec une manifestation rassemblant 300 à 400 personnes devant l’Opéra, Rue de la Scellerie.
Auparavant, les grands partis de gauche (LFI, PCF, PS et Les Ecologistes) avaient tous pris position pour dénoncer les valeurs prétendument véhiculées par cette soirée, officiellement apolitique mais majoritairement promue par des personnalités locales proches de la droite voir des milieux catholiques traditionalistes. Une mobilisation relayée notamment par certains élus de la majorité municipale de Tours, même si la ville a bien rappelé qu’elle n’avait pas le droit de refuser la location de son Grand Théâtre au nom de la liberté d’expression et d’opinion.
A moins d’un an de la prochaine élection municipale, dans un contexte de fortes tensions entre droite et gauche, les principaux opposants au maire n’ont pas ajouté d’huile sur le feu.
Le plus véhément vis-à-vis de l’action revendicative a été l’animateur de La Nuit du Bien Commun : le commissaire-priseur star Aymeric Rouillac. Selon lui, l’équipe derrière cet événement n’a « aucun agenda politique ». Et s’il ne nie pas les convictions très droitières du cofondateur Pierre-Edouard Stérin, il tente de prendre ses distances :
« Je ne l’ai jamais rencontré ! J’ai participé à tous les comités de sélection des associations et il n’a jamais envoyé personne. Il a eu cette idée il y a 8 ans et il a autre chose à faire que de s’en occuper. Ce serait un symbole s’il se mettait en avant mais ce n’est pas le cas. »
Participant régulièrement à des ventes caritatives (y compris « de gauche » comme pour Le Bateau Ivre il y a quelques années), Aymeric Rouillac déplore que « des associations trinquent directement » de la polémique, relevant qu’en 2024 certains participants de La Nuit du Bien Commun ont eu « peur » et n’ont pas confirmé leur don. Une méfiance qui semble s’être amplifiée en 2025 ou les promesses de soutien ont baissé de 30% (moins de 300 000€ contre 430 000€ en 2024). L’assistance a elle été divisée par 2 : 400 personnes au lieu de 800. Clairement la faute des manifestants selon l’organisation.
Foncièrement agacé, le commissaire-priseur tente donc de défendre la soirée, rappelant qu’elle a précédemment aidé des associations comme La Cloche, également soutenue ostensiblement par des personnalités de gauche. Il évoque également « les 60 candidatures » reçues environ chaque année pour bénéficier des fonds des donateurset le fait que La Nuit du Bien Commun est aujourd’hui l’un des événements qui fédère le plus de philanthropie en si peu de temps à l’échelle tourangelle. Ce qui est vrai, surtout dans un contexte de baisse des subventions publiques, et de réduction de dons par les particuliers. On pourrait néanmoins rétorquer que rien n’empêche de créer localement un rendez-vous similaire qui serait totalement affranchi de l’ombre de personnalités polémiques.
En tout cas la riposte s’organise. A la pétition lancée par la gauche, et aux slogans violents apparus dans les rues à la veille de l’événement, les soutiens de La Nuit du Bien Commun rétorquent avec leur propre pétition. « Ces prises de position, parfois très virulentes, ont contribué à polariser les débats autour d’un événement qui se voulait au service de l’intérêt général. Nous mettons au défi d’identifier une seule association soutenue depuis trois ans qui puisse être de près ou de loin associée à un mouvement fasciste, raciste ou extrémiste » lit-on dans une lettre ouverte transmise au maire de Tours et au préfet, et déjà soutenue par plus de 650 personnes.
Jusqu’où ira ce conflit ? A la fin de la soirée, La Nuit du Bien Commun laissait entendre son souhait de revenir en 2026. Mais nul doute qu’en face ses détracteurs ne la lâcheront pas. Les soutiens de la soirée lui resteront-ils fidèles ou l’érosion des participations va-t-elle se confirmer ? Et comment réagiront les associations potentiellement candidates ? Ce sera l’enjeu des prochains mois.