Ce mardi 6 mai, le Grand Théâtre de Tours accueille la 3e édition tourangelle de La Nuit du Bien Commun. Derrière ce titre passe-partout se cache un événement caritatif qui fait grincer certaines dents. Né en 2017, il est accusé de promouvoir des valeurs très traditionalistes issues de la droite dure (voire de l’extrême droite), sans forcément tout dévoiler de ses intentions auprès des associations qu’il soutient.
En 2024, la soirée a affiché un bilan remarquable : 435 700€ de dons promis à Tours. Sachant que la salle de l’Opéra peut rassembler presque un millier de personnes, cela fait une bonne moyenne par siège occupé (avec évidemment, à chaque fois, l’attrait de la défiscalisation pour les particuliers et professionnels qui sortent le carnet de chèque). Un soutien précieux alors que les subventions publiques se raréfient et que les citoyens ont aussi tendance à moins donner.
En 2025, ce sont 10 nouvelles structures qui viendront solliciter un soutien de la part du public de La Nuit du Bien Commun. Parmi elles, l’application mobile Staying Alive qui promeut la formation aux gestes de premier secours ou Les Cœurs de Yolène qui offre des paniers alimentaires aux personnes défavorisées après avoir récupéré les invendus des marchés. On peut aussi citer Handi’Family qui veut encourager la pratique du handball adapté depuis Saint-Branchs ou Cher Dames de Loire qui soutient des femmes atteintes d’un cancer.
Toutes ces causes méritent d’être popularisées. Pourtant, certains s’élèvent contre l’organisation de la soirée, souhaitant même que la mairie de Tours renonce à louer son Grand Théâtre pour une telle manifestation.
Ainsi, dès le 25 avril, le Parti Communiste de Tours écrivait une lettre ouverte pour dénoncer ce projet piloté par le milliardaire Pierre-Edouard Stérin. Il l’accuse de vouloir « promouvoir des valeurs identitaires, libérales et chrétiennes traditionalistes, tout en luttant contre ce qu’il nomme le « socialisme, wokisme, islamisme et immigration ». » Selon le PCF, la Nuit du Bien Commun de Tours s’inscrirait dans ce projet politique en mobilisant « un réseau influent de la « cathosphère » locale (…) des personnalités aux convictions ouvertement anti-avortement, opposées au mariage pour tous et proches de mouvements comme la Manif pour Tous. » Même démarche chez LFI 37 qui demande l’annulation de l’événement, en raison d’une « stratégie d’entrisme au service de l’extrême-droite » tandis que le Parti Socialiste d’Indre-et-Loire appelle à boycotter cette soirée : « c’est une pièce maitresse du plan « Périclès ». Ce plan de « bataille culturelle » ambitionne de promouvoir des valeurs culturelles de droite en finançant des cercles de réflexion qui visent à influencer le cadrage médiatique, RN en tête. Les concepteurs de « Périclès » revendiquent viser une « victoire » du RN aux municipales de 2026, en aidant le parti d’extrême droite avec un « plan structuré » » peut-on lire dans le communiqué des socialistes qui dénoncent comme les autres partis cités « une instrumentalisation de l’action caritative ».
Les personnes visées sont notamment celles dont l’identité s’affiche sur le site de l’organisateur, pour certaines assez médiatiques mais que l’on n’a pas entendu s’exprimer publiquement sur les thématiques sus-citées. On y trouve le commissaire-priseur Aymeric Rouillac, le manager général du Tours Métropole Basket Romain Regnard ou la CPME37. Il y a aussi des représentants d’entreprises comme Artus, Berthault ou le Crédit Agricole de la Touraine du Poitou. Des personnalités qui sont par ailleurs impliquées de longue date dans la sphère associative, sportive ou économique d’Indre-et-Loire… sans vraiment faire polémique le reste de l’année.
Il n’en reste pas moins que le rassemblement de ces intérêts, et les valeurs défendues par les instigateurs de La Nuit du Bien Commun – assez claires car bien documentées depuis plusieurs années – créent un sentiment de malaise autour de l’événement. On se souvient d’un échange avec un partenaire gêné d’avoir été embrigadé (ce qui ne l’avait pas empêché d’y retourner l’année suivante).
C’est pour cela que la gauche appelle à un rassemblement devant l’Opéra de Tours mardi à 18h, au moment où les spectateurs feront leur entrée dans la salle. « Si le cadre juridique actuel ne permet pas d’interdire cet événement dans un lieu municipal, il est essentiel d’alerter le tissu associatif local sur les atteintes possibles à son indépendance. De nombreuses associations tourangelles, souvent démarchées sans information complète, risquent d’être instrumentalisées sans mesurer les ramifications idéologiques de leur participation » écrit l’antenne tourangelle du parti Les Ecologistes (qui compte le maire de Tours dans ses rangs). Des protestations qui n’ont – jusqu’ici – pas découragé l’organisation de s’impliquer en Indre-et-Loire, et d’y renouveler son engagement.
Olivier Collet et Mathieu Giua