Stéphane Barret, Tours

Stéphane Barret, sculpteur aux multiples visages  

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Installé depuis trois ans dans son atelier en plein cœur du quartier Velpeau, à Tours, Stéphane Barret est un artiste spécialiste de l’hyperréalisme humain et animalier. Cet homme de 59 ans collabore avec le musée Grévin, répond à des commandes de musées ou de parcs d’attraction et travaille également sur des créations personnelles. Rencontre.

Sculptures d’hommes et de femmes nus portant des coiffes surdimensionnées, visages accrochés au mur, Sophie la girafe version XXL… Dans les 250 m² d’atelier de Stéphane Barret, situés en plein cœur du quartier Velpeau, à Tours, trônent de nombreux prototypes et œuvres impressionnants de réalisme. Il n’est ainsi pas difficile de reconnaître les têtes de Franck Dubosc, Benoît Poelvoorde, Astérix ou la représentation du renard du « Petit prince ».

Le créateur plasticien de 59 ans a fait de l’hyperréalisme sa spécialité depuis le début de sa collaboration avec le musée Grévin, en 2000. Cette année-là, l’établissement parisien décide de se refaire une beauté et cherche de nouveaux sculpteurs capables de créer des statues de cire. Stéphane Barret obtient le numéro du responsable par l’intermédiaire d’un ami et finit par passer un test. « On m’a demandé si j’avais déjà fait de l’hyperréalisme. J’ai répondu oui mais ce n’était pas vrai », s’amuse-t-il. Un petit mensonge qui lui a ouvert les portes du musée, avec lequel il travaille toujours, 23 ans plus tard.

Il réalise alors sa première personnalité : Bruce Willis. « Ce n’était pas facile, se souvient-il. J’étais habile de mes mains mais passer de la sculpture à l’hyperréalisme, ce n’est pas pareil. » Les conditions de travail ne sont pas non plus les mêmes qu’aujourd’hui. À l’époque, l’artiste doit se contenter de cassettes VHS et d’arrêts sur image tremblotants ainsi que de photos de presse d’une qualité moindre. « Mes premiers personnages ne sont pas aussi bien réussis que ceux que je fais aujourd’hui », reconnaît-il. En plus de 20 ans, celui qui s’est installé à Tours en février 2020 a reproduit plus de 60 personnalités et quelques personnages fictifs.

Stéphane Barret, Tours, Atelier
Pour le musée Grévin, Stéphane Barret a reproduit plus de 60 personnalités, dont Soprano, Franck Dubosc ou Thomas Pesquet.
Stéphane Barret, Tours, Atelier
Les prototypes des visages créés par Stéphane Barret sont accrochés au mur de son atelier, à Tours.

« Je voulais être artiste »

Issu d’une famille d’artistes, Stéphane Barret ne suit pas immédiatement cette voie. Il travaille d’abord dans l’industrie mécanique, à Vierzon (Cher), là où il a grandi. Mais sa passion pour l’art le rattrape. Il consacre ses soirées, ses nuits et ses week-ends à la sculpture sur plâtre et bois et à la peinture. « À un moment, je me suis dit que ce n’était plus possible. J’avais une bonne place, un bon salaire, mais je voulais être artiste », se remémore-t-il. Il reprend alors ses études dans une école de design à Paris, un parfait compromis entre sa formation technique et son envie d’art. « Je me suis aperçu que je n’étais pas très bon en design. J’étais plus doué en travaillant avec mes mains », admet le créateur plasticien. Deux ans plus tard, il choisit alors de s’installer comme sculpteur indépendant à la Maison des artistes.

En parallèle, le Tourangeau d’adoption donne des cours. D’abord à Créapole, l’école de design où il a étudié et où il enseignera pendant plusieurs années, puis désormais à l’école Brassart, à Tours. « Cela me fait sortir un peu, rencontrer de monde, et cela me permet aussi de transmettre ma passion, mes connaissances, mon savoir-faire et de faire connaître mon travail », déclare-t-il.

De retour à l’atelier, Stéphane Barret reprend ses différents chantiers, parfois aidé par son fils sur des tâches comme le moulage ou la retouche de pièces. Après la révélation de la statue de cire de Denis Brogniart au musée Grévin, début février 2023, l’artiste travaille déjà sur la réalisation de trois nouvelles personnalités, dont les noms doivent restés secrets. L’académie Grévin, présidée par Stéphane Bern, se réunit deux fois par an afin de décider quelles célébrités entreront au musée. Les deux sculpteurs indépendants du musée se répartissent ensuite les noms.  

Stéphane Barret, Tours, Atelier
Stéphane Barret possède un atelier de 250 m² dans le quartier Velpeau, à Tours.

La réalisation d’une statue demande six mois de travail aux équipes du musée. Lorsqu’il doit créer le visage d’une personnalité étrangère ou décédée, Stéphane Barret se base sur des photos de presse. S’il s’agit d’un sportif, d’un acteur ou autres célébrités françaises, les rencontres deviennent obligatoires. Un premier rendez-vous de deux heures environ a alors lieu aux ateliers de fabrication des personnages du musée Grévin. « On regarde l’expression, on définit la pose avec les personnalités. On leur fait des propositions mais ce sont toujours elles qui ont le dernier mot », raconte le quinquagénaire. Et de détailler : « On fait un scan, des photos à 360 degrés. Je dois avoir 200 photos du rendez-vous. On regarde la couleur de peau, des yeux et des cheveux. Si les dents sont apparentes, on fait une empreinte. On leur moule aussi les mains car cette partie du corps est trop difficile à sculpter. Beaucoup de gens travaillent autour. » L’artiste dispose ensuite de cinq à huit semaines pour réaliser le modelage en plastiline, une pâte à modeler qui ne sèche pas, avant un rendez-vous de confrontation.

« On se demande toujours comment ils vont réagir »

Lors de ce deuxième entretien, Stéphane Barret montre le premier résultat de son travail à la personnalité concernée. « Je ne l’ai vue que deux heures, j’ai donc des interrogations en permanence et il y a toujours des modifications à effectuer », assure-t-il. Même après 23 ans, il ressent toujours une certaine pression au moment de dévoiler ses œuvres. « On se demande toujours comment ils vont réagir. Quand je leur montre le premier modelage, ils ne s’attendent pas à se voir comme ça, sans cheveux, avec des yeux de travail… Souvent, ils tournent autour de la tête pendant une minute, alors on se pose des questions. Mais cela se passe toujours bien. »

La tête de la célébrité est ensuite moulée dans un moule en silicone avec une coque en plâtre, où sera coulée une cire teintée couleur chair. Le corps, lui, est fraisé en polyester, puis moulé en résine. Tout doit pouvoir se démonter, afin notamment de mettre les vêtements. Le sculpteur dépose ensuite les yeux et, si elles sont visibles, les dents, respectivement réalisés par un oculariste et un prothésiste dentaire. Les équipes du musée Grévin se chargent ensuite de l’implantation capillaire, du maquillage, de la coiffure et de la tenue, souvent donnée par la personnalité. Une dernière rencontre est organisée avant l’inauguration.

« Dans ce domaine, on ne sait jamais de quoi demain sera fait. Inconsciemment, je suis toujours en train de me dire, est-ce que j’aurais du boulot dans trois mois ? Mais je n’ai pas de réponse. »

« Ce sont de belles rencontres à chaque fois », affirme Stéphane Barret. Il précise cependant qu’il est essentiel de rester professionnel. « Quand je fais Thomas Pesquet, que j’ai vu aller dans l’espace, à la télé, je ne saute pas de joie mais ce sont des moments magiques », donne-t-il en exemple. Il apprécie aussi de rencontrer les artistes dans un contexte différent. « Les humoristes ne sont pas là pour déconner, je les vois donc dans un univers différent du leur. Éric Antoine, qui plaisante tout le temps, est quelqu’un de très professionnel. Tout est cadré. C’est pareil pour Franck Dubosc », indique-t-il.

Le créateur plasticien travaille par ailleurs sur des projets pour de l’événementiel, des musées ou des parcs d’attraction. Des commandes pour lesquelles il réalise des œuvres très différentes, telles que des animaux, des personnages de BD, des fruits ou des humains. « J’ai de la chance car toutes ces choses diversifiées m’intéressent. Je suis polyvalent et cela me permet d’avoir pas mal de commandes. Quand je travaille pour un atelier, ils savent que je gère tout : la création, le modelage, la peinture… C’est pour cela que j’arrive à avoir du travail sans avoir à démarcher », estime-t-il.

Stéphane Barret, Tours, Atelier
Stéphane Barret a créé un crocodile plus vrai que nature.

« J’avais envie de travailler pour moi »

Mais toutes ces commandes ont une conséquence. L’artiste ne peut pas consacrer autant de temps qu’il le souhaiterait à ce qu’il appelle « sa création personnelle », commencée il y a six ans. « J’avais envie de travailler pour moi. Quand j’ai une commande, on m’impose une pose, une expression. Sur mes créations, je suis libre de faire ce que je veux », explique-t-il. Stéphane Barret représente ainsi des corps d’hommes et de femmes nus, tous tatoués et portant d’impressionnantes coiffes « à la limite de l’équilibre, avec différentes couleurs, textures, matières ».

Stéphane Barret, Tours, Atelier
Une partie des créations personnelles de Stéphane Barret.

S’il reconnaît qu’il ne peut pas vivre de ses créations pour le moment, il aimerait pouvoir les exposer, les vendre et ainsi lever le pied sur la partie professionnelle. Il s’est ainsi lancé dans un nouveau projet : concevoir une immense tête qu’il veut « dérangeante », avec des piercings, des tatouages. « J’ai envie d’interpeller avec cette pièce. J’ai déjà toutes les petites pièces nécessaires. Je pense qu’il me manque la grosse pièce qui me permettra d’entrer dans les milieux plus fermés, justement grâce à cette immensité. » Mais, comme il le répète à plusieurs reprises, le sculpteur manque de temps. Et, de manière contradictoire, il ne parvient pas à refuser des commandes, par peur du lendemain. « Dans ce domaine, on ne sait jamais de quoi demain sera fait. Inconsciemment, je suis toujours en train de me dire, est-ce que j’aurais du boulot dans trois mois ? Mais je n’ai pas de réponse. Il est donc difficile pour moi de dire que je ne prends pas un chantier pour travailler sur ma création personnelle », regrette-t-il.

Lorsqu’il est arrivé dans son atelier tourangeau, Stéphane Barret voulait également l’ouvrir pour en faire un espace de partage. « J’aurais aimé inviter des artistes et faire quelques événements. J’ai plein d’idées mais je n’ai que deux bras, donc ce n’est pas facile. » En attendant de pouvoir réaliser ses différents projets, il relativise : « Pour moi, l’art est une passion. Je vis pour ça : mon travail, ma création. »

Un degré en plus

Pour découvrir le travail de Stéphane Barret : www.stephanebarret.com

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