Le Tours FC et son association sont à terre : un échec politique ?

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Ce mercredi 26 février, les instances de la Fédération Française de Football ont refusé de réintégrer les équipes amateurs du Tours Football Club dans les championnats où elles étaient engagées, notamment en Régional 3 et même pour les féminines. Au total ce sont 600 joueurs et joueuses qui se retrouvent sans compétition, entraînés dans la chute du club professionnel. Une débâcle du football. A qui la faute ?

Depuis plusieurs semaines il ne se passe plus rien au Stade de la Vallée du Cher de Tours. Depuis que le Tours Football Club avait été rétrogradé de National 3, les tribunes s’étaient logiquement clairsemées mais les rencontres du club Ciel et Noir attiraient encore régulièrement 1 000 à 1 500 personnes. Et on en attendait entre 6 000 et 8 000 pour le match de Coupe de France Tours-Lorient programmé fin décembre (et annulé car il n’y avait pas assez de sécurité). Preuve que le football reste un sport qui attire dans la ville. Mais avec la liquidation judiciaire du TFC et l’exclusion collatérale de sa branche associative de toutes les compétitions, on se dit maintenant qu’il faudra attendre de très longues années avant de revoir ces gradins garnis. Même les terrains annexes vont se voir vidés de leur public. Sauf une fois par an pour… du rugby, avec le tournoi Howard Hinton Sevens.

Un trou financier de 600 000 euros

Ainsi en ont donc décidé les responsables du foot français. Non seulement la justice a déclaré le Tours Football Club en liquidation judiciaire à cause de ses dettes jamais remboursées, de salaires non payés et autres manquements, mais en plus le Tours FC Association, qui aurait pu survivre à cette déroute, a été exclue de toute compétition par la FFF en raison également d’une situation financière calamiteuse (un trou de 600 000€ rappelé par nos confrères de France 3).

La promesse du versement d’une avance sur subvention de 100 000€ par la ville de Tours n’aura donc pas suffi à rassurer sur l’avenir de la structure. « C’est un drame inadmissible car on ne peut pas laisser 600 gamins sur la touche du jour au lendemain » nous dit le président du Tours FC Association Ali Sahby, joint juste après l’annonce de la nouvelle : il hésitait alors à faire appel de cette décision, devant se réunir avec son équipe pour en décider. « On pourrait ne faire que des entraînements, sur les petits c’est possible mais les autres ce qu’ils attendent ce sont les matchs le week-end. Sans ça, l’envie de venir aux entraînements sera très minime. Et est-ce que les éducateurs auront le moral pour entraîner ? »

A l’écouter, la nouvelle pourrait annoncer la mort totale du plus grand club tourangeau, celui qui a passé 4 ans en première division, a atteint deux fois le dernier carré de la Coupe de France, a vu passer des stars comme Olivier Giroud ou des pointures comme Andy Delort. « C’est le cauchemar qui continue » commente l’ancien maire de Tours Christophe Bouchet, grand connaisseur du monde du football qui a présidé l’Olympique de Marseille, été dirigeant du Tours FC et publié plusieurs livres sur le football.

Selon lui, l’échec du Tours FC n’est pas seulement lié à une mauvaise gestion financière, c’est « une faute initiale de Jean Germain » ancien maire socialiste battu par la droite aux élections municipales de 2014 (Christophe Bouchet était sur la liste avant de s’installer dans le bureau du maire en 2014). Il s’explique :

« Il y avait un club qui fonctionnait, un actionnaire qui a mis son argent personnel, une structure adéquate, des professionnels à tous les postes de commande et on a voulu faire la peau de cette équipe en allant chercher ce pantin malfaisant de Jean-Marc Ettori. C’est une provocation aux instances et aux forces économiques. On voudrait raconter l’histoire qu’on n’oserait pas y mettre autant d’ingrédients débiles. »

Accusé par beaucoup de la faillite du club, Jean-Marc Ettori, l’ancien président qui a vendu le club l’été dernier, a une autre lecture : « Quand je lis sur Info Tours, ce que dit Christophe Bouchet, je me dis qu’il devrait mieux se faire oublier et se taire. Je rappelle qu’il était vice-président du club sous Frédéric Sebag (ndlr : à qui Jean-Marc Ettori a racheté le club en 2013) et que le Tours FC était déjà en difficultés financières. J’ai payé de ma poche 6,5 millions d’euros pour renflouer les caisses pendant ma présidence. »

Et Jean-Marc Ettori rappelle au passage qu’il n’a jamais présidé l’Association, mais uniquement la SASP : « J’ai l’habitude que l’on m’accuse de tous les maux. Pendant 11 ans et depuis le 1er jour j’ai subi des sales coups, des peaux de banane et j’en passe, beaucoup voulaient la perte du club. Tout a été trop politisé depuis le début » » accuse encore l’ancien président du Tours FC, qui égratigne au passage les élus tourangeaux, de Christophe Bouchet à Xavier Dateu, l’ancien adjoint aux sports, en passant par l’ancien maire Serge Babary ou l’actuel Emmanuel Denis et son adjoint aux sports Eric Thomas.

Un échec collectif

Sans rentrer dans les querelles de personnes, on ne peut que constater en revanche que le Tours FC a clairement été le grand club sportif tourangeau le plus éloigné des instances locales ainsi que du tissu économique. Et même si l’association est restée en bons termes avec la ville de Tours, elle paye les conflits qui ont émaillé les dernières années. Et les promesses non tenues des dirigeants de la SASP. Son image en a forcément pâtit, ne facilitant sûrement pas la clémence.

Tout cela est acté et on pourrait se dire qu’il n’est pas forcément nécessaire de s’appesantir davantage sur cette situation. Cependant, il faut regarder les choses en face : les instances politiques locales ont sûrement sous-estimé l’ampleur du désastre qui se profilait ou ont refusé de le voir. Elles semblent même n’être jamais montées dans le bon wagon. « Il ne faut pas oublier que la Ville de Tours avait lancé une souscription populaire pour le Tours Football Club » rappelle ainsi Christophe Bouchet. Une idée d’actionnariat populaire comme ça se fait ailleurs… et à la fin un échec cuisant sur fonds de dissonance avec le propriétaire du club Jean-Marc Ettori. Comme le projet de grand club métropolitain pensé depuis Joué autour d’Omar da Fonseca. On n’a jamais rien vu venir et on s’est offert, en plus, une polémique sur l’idée que deux clubs se partagent la Vallée du Cher. Le foot tourangeau n’avait pas besoin de ça.

Et si l’on ne peut pas tout mettre sur le dos des pouvoirs publics, car le foot – en tant que sport collectif N°1 de France – est censé avoir suffisamment de ressources et de partenaires pour ne pas s’appuyer exclusivement sur le soutien public, on peut déplorer un certain laisser-aller, là où les collectivités locales auraient pu temporiser les choses, les encadrer, jouer davantage les médiatrices. L’échec est collectif.

Vers un club métropolitain ?

« Maintenant, le plus naturel serait d’unir ses forces » tonne Christophe Bouchet, arguant que « ce n’est pas d’un côté Saint-Cyr-sur-Loire, de l’autre Chambray ou le FCOT qui vont réussir quoi que ce soit. Est-ce que ce n’est pas le moment de se mettre autour de la table ? » Le président de Tours Métropole Frédéric Augis est sur une ligne semblable :

« J’appelle de mes vœux la reconstruction d’un grand club car il y a toujours des gens qui aiment le foot en Touraine. Je suis sûr qu’on verra naître un projet à la hauteur des ambitions et des supporters. Il faut que les collectivités soient là pour investir, mais pas que. »

L’élu, maire de Joué-lès-Tours, et dont la commune a créé une école municipale de football sur les cendres de son club fanion, également disparu sur fond de dissensions internes et problèmes de maintien de l’ordre, a une solide expérience du sujet. Il sait qu’il faut à la fois préserver l’apprentissage du sport aux plus jeunes (une centaine d’enfants jocondiens suivent les entraînements) et tenter de vendre du rêve aux plus grands. Mais selon lui, « la métropolisation du foot est déjà faite par les joueurs. Ils ont déjà compris et vont à Avoine, Montlouis, au FCOT, à Saint-Cyr… Ils n’ont pas besoin de nous mais c’est à nous de mobiliser les acteurs pour que ce projet émerge sans pousser un club contre un autre. » Et Frédéric Augis de faire confiance au maire de Tours Emmanuel Denis pour piloter le dossier.

Une Ville de Tours qui fait, pour l’instant, le service minimum sur ce dossier, l’adjoint au maire en charge des sports Eric Thomas n’ayant pas répondu à l’appel de notre rédaction. La mairie a tout de même envoyé un communiqué au ton très convenu : « Consciente des enjeux pour le football local et de la place essentielle du football amateur dans la vie sportive et associative du territoire, la municipalité s’engage à œuvrer pour que cette situation ne fragilise pas durablement la pratique du football à Tours. Dans cet esprit, la Ville souhaite engager rapidement un tour de table avec l’ensemble des acteurs concernés afin d’identifier les solutions les plus adaptées. Cette réflexion pourra s’élargir aux communes voisines et à la Métropole, pour penser collectivement un projet solide et fédérateur. » Une prise de conscience qui semble arriver bien tardivement. Le foot tourangeau mettra de nombreuses années à s’en remettre.

Mathieu Giua et Olivier Collet

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