Tupperware : le jour d’après…

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A Joué-lès-Tours, les éclaircies ensoleillées offrent une matinée agréable en ce vendredi 20 octobre. Dans le centre-ville de la deuxième ville du département, l’ambiance est au calme, quelques passants descendent du tramway, d’autres traversent la place François Mitterand devant l’Hôtel de Ville, quelques-uns profitent du soleil et discutent sur un banc ou au Victor Hugo, le café situé sur la place… Et pour beaucoup, au coin d’une discussion des références à l’usine Tupperware forcément.

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La veille, la direction nationale de l’entreprise américaine, annonçait sa volonté de fermeture de son seul site en France, situé à Joué-lès-Tours, entraînant la suppression de 235 emplois. Dans cette commune, la nouvelle constitue un choc. Il faut dire que Joué tient à son tissu industriel. A l’ombre de sa grande sœur Tours, la ville jocondienne a connu un développement exponentiel à partir des années 60 en passant de 9000 habitants à plus de 30 000 en une dizaine d’années, grâce notamment à l’arrivée de grandes industries : Michelin dans les années 60, Hutchinson, Tambrands ou encore Tupperware qui y installe son site France en 1973. Des entreprises offrant des milliers d’emplois et favorisant le boom d’une ville alors encore rurale. Depuis Joué-lès-Tours s’est métamorphosée. Pour loger les populations embauchées, des quartiers sont sortis de terre ou se sont structurés : Morier, Rabière, Vallée Violette… autant de lieux dans la ville devenus symboles de cette époque et de ce développement. Et logiquement, comme partout en France, la ville a subi le contre-coup de la fin des 30 Glorieuses et l’installation de la crise d’un monde industriel baissant constamment ses effectifs depuis, jusqu’au paroxysme Michelin de 2013.

Joué-centre
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Pessimisme ambiant

A Joué-lès-Tours, la nouvelle de Tupperware entraîne son flot d’incertitudes sur l’avenir. Farid, la trentaine, « passé par toutes les boites du coin comme intérimaire » nous dit-il, dresse un constat amer : « Joué c’est mort, les entreprises ferment, quand on a pas de diplômes comme beaucoup de jeunes des quartiers, elles pouvaient être une porte de sortie, parce qu’elles prenaient au moins en interim de temps en temps. Mais là à force on se dit que ça commence à sentir pas bon cette histoire ».

Même constat pour les deux amis qui l’accompagnent. Même si aucun des trois n’a jamais mis les pieds dans l’usine Tupperware, le symbole est « violent » expriment-ils. « C’est un signe que ça va pas quand les usines ferment. C’est une dynamique négative qui peut avoir des répercussions sur tout le monde ».

Usine Tupperware à Joué-lès-Tours
Usine Tupperware à Joué-lès-Tours

Le syndrome Michelin

Dans le centre de Joué-lès-Tours, quand on évoque l’actualité Tupperware, beaucoup font référence immédiatement à une autre usine présente : Michelin. Il faut dire que 4 ans plus tôt, l’annonce brutale elle aussi, de la fermeture des 2/3 de l’usine du manufacturier, avec à la clé plus de 700 emplois en moins, a constitué un choc pour beaucoup. « Tout le monde connaissait une famille liée directement à Michelin sur Joué-lès-Tours » évoque Claude, la soixantaine et Jocondien « pur jus » nous dit-il. « La fermeture de l’usine a été un choc ». Une phrase placée au cours de la conversation, à elle-seule symptomatique du traumatisme qu’avait été cet épisode social douloureux dans cette ville. Une phrase anecdotique corroborant les propos que nous tenaient il y a peu un ouvrier Michelin : « Quand je dis que je travaille à Michelin, c’est déjà arrivé plusieurs fois qu’on me réponde avec étonnement :  Ah bon, je croyais que c’était fermé ! ». Pourtant si Michelin a bien fermé ses ateliers liés à la fabrication des pneus poids-lourds, l’entreprise clermontoise reste en revanche toujours présente à Joué-lès-Tours, employant encore environ 215 employés. L’onde de choc est ici toujours présente.

Relire : Michelin : un traumatisme encore présent.

Le dégoût

A quelques kilomètres plus au sud de la commune, devant l’usine Tupperware, de nombreux médias sont postés depuis jeudi soir. Plusieurs médias locaux, mais aussi nationaux, TV ou radios, sont encore présents ce vendredi midi pour tenter de prendre les propos des employés du fabricant américain de boîtes en plastique. Vers 12h30, c’est l’heure d’arrivée des employés de l’équipe d’après-midi. Beaucoup arrivent en voiture, têtes baissées et refusent d’ouvrir leur vitre pour répondre au flux de journalistes s’approchant d’eux. Quelques-uns prennent le temps de dire deux mots, furtivement. Ils évoquent alors « la colère », « le dégoût », mais aussi « un choc émotionnel » et des « situations familiales catastrophiques à venir ». Pour cette employée qui accepte de parler un peu plus : « tout le monde est touché. On a pleuré en famille hier soir ».

Médias présents à l'entrée de l'usine Tupperware, le vendredi 20 octobre
Médias présents à l’entrée de l’usine Tupperware, le vendredi 20 octobre

Antonio Constantino s’arrête un instant court également. Ne voulant pas s’attarder pour aller aux côtés de ses collègues, le délégué CGT de l’usine parle d’une décision « difficile à digérer et d’une journée difficile ». Depuis plusieurs années, les machines de l’usine ont été petit à petit démontées et envoyées ailleurs explique-t-il. De 55 machines, l’usine n’en a plus aujourd’hui que 8. Pourtant, malgré les questions des employés sur ce phénomène, la direction s’était toujours montrée rassurante, parlant de restructuration, mais jamais d’inquiétude pour l’avenir du site.

Antonio Constantino
Antonio Constantino

La pilule est d’autant plus difficile à avaler que la déclaration de la direction apparaît brutale : en mars 2018, soit dans moins de 5 mois, l’usine stoppera ses activités. Un couperet acté, contre lequel les salariés savent qu’ils ne pourront pas faire grand chose. Dès lors l’objectif des syndicats, nous dit Monsieur Constantino, c’est de négocier au mieux l’avenir pour les salariés. Une première réunion informelle devait se tenir aujourd’hui avec la direction de l’entreprise, tandis que les négociations officielles autour du plan social ne démarreront que le 03 novembre. « Nous allons tout faire pour qu’il y ait un repreneur et que tout le monde soit gardé sur le site » précise le délégué CGT qui refuse d’en dire plus, comme ses collègues, conscients qu’il faut en garder pour soi dans l’optique des négociations à venir et des longs jours forcément pénibles qui arrivent.

Crédits photos : Mathieu Giua

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