Découvrez le dossier principal du magazine papier 37° n°4 printemps 2020. Un dossier consacré à l’habitat, pas au sens de l’immobilier mais du « chez-soi », de l’intime, de ce que cela révèle de notre société et de nos vies. Un dossier (et un magazine) que nous avions fini mi-mars, juste avant le confinement lié au Coronavirus et qui prend aujourd’hui encore plus de sens.
Presque aussi forte que l’injonction du mariage, des enfants, de la voiture neuve et du CDI, celle de l’accès à la propriété a longtemps été un marqueur social incontournable. Sans parler de Rolex, arriver à 50 ans sans être propriétaire de sa résidence principale reste pour beaucoup synonyme d’échec.
Néanmoins, à une époque où la possession à tout prix semble commencer à avoir du plomb dans l’aile, l’accession à la propriété immobilière semble ne semble plus être le nec plus ultra du prestige social, en particulier pour les jeunes générations. Surtout quand le prix d’une location et la liberté qui va avec permettent de vivre dans un environnement plus adapté à ses goûts, ses envies et sa situation maritale du moment. Ainsi, alors que le prix du mètre carré grimpe dangereusement dans le centre de Tours, vouloir passer de locataire à propriétaire est souvent synonyme d’un choix cornélien : quitter les joies de la vie urbaine ou limiter la superficie pour pouvoir y rester. Nous avons sondé quelques Tourangelles et Tourangeaux pour en savoir plus.
Même si la folie parisienne (et sa petite extrême récente du studio de 30m2 mis à en vente 945.000 euros !) ne s’est pas encore emparée de la douce capitale tourangelle, plusieurs agents immobiliers avouent «ne pas comprendre ce qui se passe » face à des hausses subites dans l’hyper-centre depuis quelques mois, en gros entre 5 et 10 %. L’ancien étant tiré vers le haut par le neuf, qui côtoie désormais les 6000 euros le mètre carré dans certains programmes comme à Porte de Loire. Côté locatif, malgré une forte demande, si la hausse est un peu plus mesurée notamment grâce à la Loi Pinel pour le neuf, il paraît inévitable qu’à terme Tours mérite encore une fois son surnom de « Petit Paris », mais pour des raisons cette fois-ci beaucoup moins charmantes.
Adieu centre-ville
Du coup, pas mal de nouveaux propriétaires ont tout bonnement renoncé à vivre en centre-ville, à l’instar de Charlotte, 28 ans. En couple, locataire d’un T3 à La Riche depuis 2016, elle vient d’avoir l’opportunité d’acheter ce bien qu’elle connaît par cœur, limitant ainsi le risque de se planter dans son premier achat (nuisances sonores, environnement désagréable, mauvaise répartition de l’espace, « copro de relous », etc…). Grâce à un prix raisonnable et un prêt long à un taux global de 1,35 %, cet achat a pu se réaliser sans coût supplémentaire mensuel pour ce jeune couple.
« Plomberie en septembre, Electricité en décembre »
Et une acquisition sans travaux ! Souvent l’un des points noirs de la vie de néo-propriétaire : régulièrement mal évalués en coût et en temps passé (pour les plus manuels ou celles et ceux qui pensaient l’être), les travaux peuvent à terme bousiller votre vie sociale, voire votre famille et votre couple. « T’es encore dans les travaux, ce week-end ? » plaisantera votre amie locataire qui, avec ses 400 euros de coût de logement mensuel de moins que vous pour les mêmes revenus, va vite vous agacer avec ses escapades familiales à répétition aux quatre coins de la France et de l’Europe et ses petits dîners au resto hebdomadaires, alors que vous enchaînez vos semaines de boulot avec des soirées, des samedis et des dimanches en bleu de travail dans un bazar qui n’en finit plus, entourés d’enfants dépités.
Alors, engraisser un propriétaire ou engraisser une banque ?
« Oui mais moi, quand il y a des travaux à faire, je les fais, je n’attends pas des années que mon propriétaire se décide ». Et bing ! Les arguments en faveur de l’accession à la propriété ne manquent pas : loyers chers, sentiment d’être chez soi et pas chez les autres, sécurité financière à la retraite, prêts faciles à obtenir (sauf pour les précaires en tout genre, de plus en plus nombreux… mais bref), à des taux au plus bas, possibilité d’aménager/restaurer/réparer comme on veut quand on veut…
En face les arguments ne manquent évidemment pas non plus. On rappelle à l’envi que pendant 15, 20 ou 25 ans la maison appartient à la banque qui, au passage prend quand même une belle somme, qu’être locataire c’est pouvoir partir très vite pour tout un tas de raison comme une séparation, un nouveau boulot ou une envie subite de changer d’air (un préavis c’est un ou trois mois quoi qu’il arrive, une vente c’est toujours la grande aventure), que louer c’est vivre le moment présent sans se soucier du lendemain, sans pression, et que ce n’est pas « jeter l’argent par les fenêtres » – comme on l’entend souvent – car on a payé pour avoir un toit (si on part de ce principe, on ne dort plus jamais à l’hôtel, en gîte ou en Airbnb car après il ne reste plus rien non plus !).
Barbara, elle, vit dans un 38m2 près de la rue Léon Boyer « dans un appartement qui réunit tous mes critères actuels : caractère, au calme, dans une ville que j’aime, à 15 minutes à pied de mon boulot. Evidemment si on me proposait de l’acheter, j’y réfléchirais, mais être propriétaire n’est pas une perspective qui m’attire particulièrement. » Christelle, elle, ne serait pas contre devenir propriétaire, mais avec deux enfants en bas âge et un mari qui travaille dans le centre, pas question de s’éloigner et pas les moyens d’accéder à la propriété sauf en passant de 100m2 à 50 ou 60 ! Angélique est passée quant à elle de locataire à propriétaire d’un appartement à peu près de la même taille en 2015 et, du coup, pour environ 300 euros de plus par mois que Christelle. Bien que ravie de son appart, avec l’arrivée d’un troisième enfant elle a commencé à chercher plus grand et avec un extérieur, mais toujours en hyper-centre car sa famille y est attachée et fait tout à pied, en bus ou à vélo : le peu de biens disponibles et les prix demandés l’ont vite refroidie. « Actuellement à Tours, un bien qui est au bon prix part dans la journée, donc les vendeurs tentent tous leur chance au-dessus du prix du marché et bien souvent ça passe en très peu de temps », nous explique un professionnel de l’immobilier. « Le métier des agents s’est inversé subitement il y a environ un an : désormais, leur plus grand défi est de trouver des biens, pas des acheteurs. Les prix de l’hyper-centre de Tours augmentent tellement vite actuellement qu’on pourra peut-être bientôt parler de bulle immobilière », ajoute-t-il.
Pour Nicolas et sa compagne, bien que « 100% urbains » nous dit-il, c’est l’arrivée du deuxième enfant dans le foyer familial qui a entraîné un changement de vie et un déménagement sur les jolis côteaux montlouisiens. « Comme beaucoup, il nous fallait un logement plus grand alors on a regardé pour acheter. Mais vu les prix dans l’agglomération de Tours nous nous sommes rapidement tournés sur la deuxième couronne où c’était plus dans nos possibilités. » L’arrivée d’un enfant est ainsi souvent une raison du départ de jeunes foyers actifs vers les extérieurs du centre-urbain. Le besoin d’espaces couplé à l’envie d’investir pour l’avenir et sa progéniture en étant souvent les principales raisons.
Paris-Villandry, sans passer par la case Tours
Marion, 30 ans, fait partie de ces nombreux parisiens qui quittent la capitale pour la douceur ligérienne. Mais contrairement à beaucoup de ses congénères, elle n’a pas opté pour le centre de Tours, malgré un pouvoir d’achat confortable : elle a posé ses valises à Villandry, mais prolonge régulièrement ses journées de travail en déplacement par une soirée à Tours avant de rentrer dans la verdure. « Mon mari voulait carrément vivre au milieu de nulle part, moi plutôt dans un petit village avec des commerces. Le fourmillement de la ville ne me manque pas du tout pour l’instant, mais ça ne fait que quelques mois. »
Le cas de personnes qui travaillent dans le centre de Tours mais vivent à l’extérieur est aussi intéressant. Ainsi Maïlys fait le trajet de Vallères tous les jours, mais ne regrette pas le centre de Tours : « J’y reste très attachée, mais j’ai besoin de calme et je ne me sens pas à l’aise dans les rues de Tours le soir. » Elle est passé de 60m2 en location à Azay-le-Rideau à 90m2 en propriété à Vallères, pour un coût mensuel quasiment identique de 580 euros. Une égalité faussée par un apport de son mari et une aide familiale. Sinon acheter reste plus cher, de 20 à 30 % environ en coût mensuel comme on l’a vu précédemment avec Christelle et Angélique. Sauf que les loyers augmentent de manière certes lente mais néanmoins certaine et surtout imprévisible, alors que les remboursements mensuels resteront exactement les mêmes jusqu’à la fin de votre prêt.
« Avec l’arrivée de notre enfant, il nous fallait un logement plus grand et quand on a fait le calcul entre rester en location ou acheter plus loin, on s’est rendu compte que l’on était finalement pas perdants à acheter » acquiesce Nicolas, même si à l’inverse son budget essence à lui grimper en flèche. « C’est un coût que l’on avait mal estimé avec ma compagne. C’est en s’éloignant du centre-ville, que l’on s’est rendu compte du privilège que nous avions à ne jamais utiliser de voiture quasiment. »
Retour à la case location
Phénomène intéressant et surprenant : on peut aussi être propriétaire toute sa vie et finir locataire. D’après un spécialiste des locations à Tours, il n’est pas rare de voir des personnes de 70 ans revendre leurs biens en périphérie proche et prendre une belle location en centre-ville pour bénéficier de toutes les commodités (cinéma, théâtre, commerces, expositions) et garder du pouvoir d’achat pour les voyages et les restaurants, tout en se débarrassant des soucis et des contraintes d’entretien qui incombent à tout propriétaire. « J’ai tout dans un rayon de 15 minutes à pieds » explique Monique, retraitée depuis une quinzaine d’année, en mentionnant notamment ses multiples rendez-vous médicaux : « Si j’étais à la campagne, ce ne serait pas possible pour moi, vu que je n’ai pas le permis de conduire. C’est pour cela que nous avions revendu notre maison avec mon mari lors de nos retraites. On a pensé au confort de notre fin de vie en se rapprochant au plus près de nos besoins. »
Vivre à la campagne ? Evitez les ados et le divorce !
Enfin, il arrive souvent que celles et ceux qui ont choisi la campagne à un moment de leur vie pour avoir de l’espace et être au vert doivent faire machine arrière lorsque leurs enfants commencent à faire des activités et à sortir avec leurs amis. Les transports en commun ruraux sont un point noir qui obligent de nombreux parents à devenir taxis, leur véhicule devenant vite une cauchemardesque résidence secondaire (une récente enquête britannique a révélé que nous passons en moyenne 293 heures par an dans notre voiture). Vous avez certes l’option d’envoyer paître vos enfants (au sens propre comme au sens figuré, mais attention à la crise d’ado puissance 12 en retour). Ajoutez à cela un possible divorce qui génère deux familles recomposées (soit 4 foyers possiblement séparé de 30km chacun), et tout ce petit monde va fuir ses différentes petites villes de campagne pour simplifier la vie de tout le monde, pour se réunir dans l’agglomération tourangelle. Et, baisse de revenus significatives oblige, bien souvent… en location !
Textes : Laurent Geneix / Mathieu Giua – photos : Claire Vinson
Le magazine papier en cours de distribution
À partir de cette semaine, 37°Mag sera distribué dans toute l’Indre-et-Loire ! En raison des difficultés actuelles, la distribution peut néanmoins être perturbée (commerces encore fermés, refus de dépôts de publications en raison des règles sanitaires…) Nous nous en excusons pas avance et ferons tout notre possible pour qu’il soit disponible dans un maximum de points de dépôts habituels (la liste ici).
Sorti le 29 mars, il est également toujours disponible en version numérique ici ? 37degres-mag.fr/37-mag/
L’impression ayant été réalisée avant le confinement certaines informations ne sont pas à jour et nous en sommes désolés.
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