L’association « Au fil de l’eau » gérant le café associatif La Barque, situé rue Colbert, doit déposer le bilan aujourd’hui, entraînant la fermeture de ce lieu ouvert aux plus démunis. Un nouveau coup dur pour l’accueil d’urgence à Tours, un mois après la liquidation du foyer Albert Thomas.
C’est par un long communiqué des salariés de La Barque, que la nouvelle s’est répandue vendredi dernier. En proie à des difficultés financières et un déficit estimé entre 50 000 et 60 000 euros, l’association gérant La Barque, serait au bord de la liquidation. Un communiqué suivi quelques heures plus tard par un entretien entre les salariés et le président de l’association qui leur confirmera la liquidation de l’association, prévue ce lundi.
Pour les salariés de ce café singulier, ouvert à tous, mais surtout tourné vers les personnes précaires en grande difficulté sociale, la colère se ressent dans le courrier adressé aux médias : « Cela fait maintenant 5 ans que l’ensemble des salariés n’a de cesse de pointer les difficultés financières de notre association, auprès des membres de son conseil d’administration lors de nos réunions mensuelles. Ces difficultés sont dues à la baisse chronique de subventions des collectivités locales dans le secteur sociale. Collectivités elles même misent en difficultés, face à la charge que l’état leur fait maintenant peser, concernant la gestion des politiques sociales territoriales, sans pour autant les soutenir économiquement. Toujours est-il que cette politique du domino budgétaire impact fortement les petites associations à caractères sociales qui tombent comme des mouches et contribue à détricoter le tissu sociale de notre cité.
Nous les avions également alerté sur la nécessité absolue de devoir développer de nouvelles stratégies financières, afin de combler ce déficit qui menaçait l’avenir de l’association et par conséquent de nos missions. Malheureusement jusqu’à maintenant nos messages demeuraient lettre morte ».
Pour comprendre ce qu’est La Barque, (re)lire notre papier : La Barque : un charmant café pour personnes à la dérive
Des propos qu’Olivier, un des trois salariés de l’association, avait déjà tenu dans nos colonnes l’an passé. Il pointait alors les difficultés financières suite aux baisses de subventions municipales notamment, et le besoin de se tourner vers d’autres partenaires privés de type fondation Abbé Pierre ou autres, pour maintenir à flot, une barque qui depuis 20 ans a prouvé son utilité comme accueil de jour pour personnes en difficulté. Plus qu’un simple café, La Barque était en effet un subtile mélange de lien social, entre lieu de médiation, d’écoute, d’entraide… un lieu qui avait trouvé tout son sens en plein centre-ville et ce malgré les attaques subies parfois, comme il y a deux ans.
Lors de notre dernier entretien avec des membres de La Barque au printemps dernier, les activités menées se multipliaient pourtant et cette polémique passée, La Barque semblait naviguer en eaux calmes. Plusieurs nouvelles actions avaient également vu le jour comme le jardin partagé au sein des jardins cheminots à La Riche lancé en mars 2016, ou encore les chantiers participatifs avec La Rabouilleuse… autant d’activités lancées afin de « de redynamiser les personnes en difficulté et leur permettre de créer et renforcer du lien humain et les sortir de leur isolement », ce qui était la principale mission que s’étaient fixés les membres de l’association depuis deux décennies. Des activités en parallèle du café, véritable refuge, notamment l’hiver, qui ne désemplit pas : « Cet hiver nous avons fait le plein » témoigne ainsi Olivier.
Mais il est malheureusement dans l’air du temps que ce genre de lieux axés sur le social avant tout, et dépendants de subventions qui se raréfient, doivent lutter de plus en plus pour leur survie. Depuis plusieurs années, La Barque réussissait malgré tout ainsi à se maintenir tant bien que mal à flot, malgré un déficit qui se creusait néanmoins petit à petit avec la perte en quelques années du 1/3 des subventions annuelles : « Les subventions baissent depuis plusieurs années, aujourd’hui nous en touchons encore de la DDCS, du département et de la région pour les emplois Cap-Asso, en revanche on ne touche plus rien depuis 2015 de la part de la Mairie de Tours ».
Le décès malheureux du trésorier (qui s’occupait également du foyer Albert Thomas) en décembre dernier a semble-t-il accéléré les difficultés pour La Barque. A qui la faute alors ? Pour les salariés, la responsabilité revient au président de l’association, Jean-Paul Leduc écrivent-ils dans leur communiqué. « Nous voulons pointer sa responsabilité parce que nous avons alerté depuis plusieurs années sur nos difficultés, mais on ne nous a jamais écouté, arguant qu’on est que salariés et qu’il fallait qu’on laisse faire, que les domaines stratégiques et décisionnels ne nous incombaient pas» nous explique ce dimanche Olivier.
Une solution de reprise par l’association Emergence, dont Jean-Paul Leduc est également président, a bien été proposée par ce dernier, mais refusée par le Conseil d’Administration d’Emergence. Ce dernier expliquait ainsi à la NR ce week-end : « Ma volonté est de repartir, rebooster d’une façon ou d’une autre La Barque, rue Colbert ou ailleurs, avec Émergence dans le rôle du fédérateur. Je veux que La Barque survive » . Une fois la liquidation actée, et donc sans reprise du passif de l’association déficitaire, Emergence pourrait donc finalement reprendre en partie les missions de La Barque. « Je ne crois pas à une reprise par Emergence » avance de son côté Olivier, désabusé par la situation. Et si la journée de mobilisation ce dimanche a attiré de nombreuses personnes, ce dernier se montre plutôt fataliste sur l’issue de La Barque. « On va essayer de mobiliser l’opinion publique pour essayer de pouvoir recomposer un projet avec de nouveaux partenaires, mais nous avons peu de temps. On sera ouvert mercredi et je pense encore toute cette semaine, après on verra ».