« La haute couture de la pierre » dans une petite PME de Saint-Pierre-des-Corps

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Entre le centre commercial des Atlantes et la gare TGV, la zone des Grands-Mortiers de Saint-Pierre-des-Corps accueille le pôle métropolitain dédié aux arts urbains, la Banque Alimentaire de Touraine, des entreprises du secteur ferroviaire mais aussi une PME d’une douzaine de salariés, installée ici depuis plus de 70 ans. Spécialisée dans la confection de plans de travail en pierre pour les cuisines, Roches et Pierres conçoit également des salles de bain et, depuis quelques années, intervient de plus en plus souvent sur des chantiers immobiliers, afin d’y installer des parements en pierre. Dès janvier 2020 c’est elle qui sera à la manœuvre pour recouvrir les murs en béton des futurs hôtels du haut de la Rue Nationale, à Tours.

Jean-Marc Lejeune a 54 ans. « J’aime bien prendre mon destin en main » explique ce Sarthois d’origine paysanne qui a toujours travaillé dans le secteur du bâtiment et « qui a toujours voulu être chef d’entreprise. C’est un développeur » confie son épouse Pascale, 50 ans. Le couple a 3 enfants et il dirige Roches et Pierre depuis 2002. « En reprenant la marbrerie, j’ai eu l’impression de retrouver le métier que j’aime. Quand nous sommes arrivés, l’entreprise n’était pas informatisée, les ouvriers devaient encore porter les plaques de plusieurs centaines de kilos. Nous nous sommes donc efforcés d’améliorer les conditions de travail et de diversifier l’activité. » Dans cet intervalle, les effectifs ont doublé pour atteindre 12 personnes.

Aujourd’hui, l’ancienne usine a été revendue à une autre société et remplacée par un double hangar dans lequel les ouvriers découpent et façonnent les pierres selon les commandes. Edifié en 2007, ce bâtiment est organisé selon un parcours prédéfini : les camions livrent les plaques sous un auvent, une machine les emmène ensuite à l’atelier pour devenir un plan de travail simple ou alors complet (avec les emplacements pour incorporer un évier, un robinet ou des plaques de cuisson). « Nous faisons des produits sur-mesure à l’aide d’outils diamantés après avoir relevé les cotes chez les clients. » Les chutes qui ne peuvent pas être réutilisées pour d’autres fabrications sont jetées et confiées à une entreprise spécialisée dans la gestion de ce type de déchets. Quant à la matière première (granit, marbre, composite), elle vient de France, de Belgique, d’Italie ou d’Espagne via des grossistes.

Une activité en pleine évolution

Née en 1946, Roches et Pierres est restée propriété de la famille Lavrut jusqu’à son rachat par Jean-Marc Lejeune, et garde d’ailleurs son nom historique en guise de sous-titre. « A l’origine elle faisait surtout de la négoce de pierres pour les maçons et les carreleurs avant le développement du plan de travail en granit » détaille Pascale Lejeune, qui occupe le poste d’assistante de direction et de responsable communication.

L’anecdote :

A l’arrière des bureaux de Roches et Pierres, un potager : « On y cultive des poireaux, des pommes de terre, des tomates en été… Mon mari n’est pas fils d’agriculteur pour rien ! Et ici, la terre est meilleure que là où nous habitons à Saint-Avertin » nous explique Pascal Lejeune.

L’activité a donc bien évolué et on s’en rend compte dès l’entrée, en visitant le vaste showroom qui jouxte les bureaux de la société. Là, on découvre une baignoire entourée de blocs de pierre, une douche avec lampes LED incorporées, un plan de travail effet marbre… « Nous travaillons avec 80% de professionnels et 20% de particuliers » nous précise le couple qui cherche de plus en plus à attirer la clientèle individuelle, d’où cette large exposition de modèles et l’arrivée d’offres combinant à la fois les aménagements en pierre et le mobilier qui l’accompagne : « Quand on sait qu’en France une cuisine sur deux est vendue par Ikea, ce modèle nous permet d’être plus compétitif » souligne Jean-Marc Lejeune qui ne veut plus dépendre de commandes de cuisinistes ne proposant pas systématiquement ses produits. Une stratégie de « circuit court » qui passe en prime par la mise en place d’un système de devis en ligne ou une présence sur des événements type Salon de l’Habitat.

Des difficultés de recrutement

L’autre activité qui occupe beaucoup les équipes de Roches et Pierres, c’est le parement en pierres sur bâtiments en construction, comme les nouveaux immeubles sortis de terre dans le quartier Central Parc de Saint-Cyr-sur-Loire (9 000m² de plaques de pierres portugaises) mais aussi des chantiers à Ballan-Miré, pour le restaurant Barrier de Tours et à Saint-Avertin… en attendant de recouvrir de pierre de Chauvigny le béton gris des hôtels Hilton du quartier Porte de Loire à Tours. Les opérations débuteront en janvier.

A LIRE SUR INFO TOURS : La petite histoire des parements en pierre du Haut de la Rue Nationale

De la pierre pour bâtir, cela n’a rien de nouveau. C’est robuste, isolant, et les vieilles maisons sont souvent conçues de cette façon. Mais après la seconde guerre mondiale on a préféré le béton pour construire vite et pas cher. Avant de se rendre compte que la qualité n’était pas forcément optimale, que ce soit en termes de performances énergétiques ou de solidité. Et voilà comment les architectes se sont remis à incorporer les pierres dans leurs plans depuis une dizaine d’années, même si c’est seulement pour faire des parements.

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« La pierre isole, elle est facile d’entretien »

Jean-Marc Lejeune

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Cela dit, il y a plusieurs façons d’utiliser la pierre pour construire un immeuble :

  • Des parements de 60x30cm et 15mm d’épaisseur directement collés aux murs et dont la principale fonction est esthétique (comme à Saint-Cyr-sur-Loire)
  • Des parements de 2 à 6cm d’épaisseur agrafés au bâtiment qui ont des vertus isolantes

Si Roches et Pierres dispose des compétences nécessaires pour réaliser de A à Z ses propres chantiers de cuisine ou de salle de bain, l’entreprise se heurte à de grosses difficultés pour recruter sur les chantiers de bâtiments, au point d’aller chercher les compétences désirées à l’étranger. D’ailleurs, même quand elle doit embaucher pour ses ateliers ou ses interventions à domicile, la tâche s’avère extrêmement délicate :

« Il n’y a pratiquement plus personne pour poser de la pierre en France, en particulier parce qu’il faut manipuler beaucoup de poids. Nous devons donc recourir à la sous-traitance. En usine, nous avons compensé ce manque par la modernisation de nos équipements et nous avons la capacité de former les personnes que nous recrutons car le travail du marbre à la main ne s’acquiert pas en CFA ou dans les établissements scolaires. Les formations se font essentiellement sur de la production en série pas sur du détail comme ce que nous faisons. On a un métier qui demande de l’exigence sur le plan manuel autant qu’intellectuel : c’est la haute couture de la pierre, une profession peu connue, une niche, nous devons donc trouver des gens passionnés. »

Jean-Marc Lejeune, propriétaire de Roches et Pierres.

Parmi les passionnés, on pourra citer le plus vieux salarié de l’usine, et ses 37 ans de maison.

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Ne manquant pas de demandes, la société corpopétrussienne est aujourd’hui en bonne santé, et jouit d’une bonne réputation. On se souvient par exemple que c’est elle qui a fabriqué certaines pierres des quais du tram de Tours, celles avec les symboles de Buren (qui ont tendance à se casser, à cause de problèmes de pose). Prochainement elle habillera de pierre les bunkers de l’hôpital Bretonneau, un promoteur immobilier qui travaille avec elle pour un projet en bord de Loire à Tours va également la solliciter à Aix-en-Provence (pour une rare incursion en dehors de la région) et elle envisage encore d’investir dans de nouvelles machines pour poursuivre son perfectionnement sur un marché haut de gamme où la concurrence n’est pas légion : seules deux autres entreprises similaires existent en Indre-et-Loire.

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