« Je pense que l’opinion a pris conscience des difficultés de l’hôpital »

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4 semaines de confinement, et presque un mois et demi depuis le premier décès lié au nouveau coronavirus sur le territoire français. Une période où le système de santé est mis à rude épreuve. Pour certains les difficultés d’aujourd’hui sont la conséquence des restrictions du passé.

« Pour l’instant on essaie d’être tous solidaires, les comptes seront réglés après » lâche Jimmy Berger, représentant de la CGT au CHU de Tours. Pendant la crise sanitaire, les syndicats mettent en pause leurs mouvements lancés depuis des mois pour réclamer – notamment – plus de créations de postes et de moyens disponibles pour l’hôpital.

Des contestations en sourdine mais des représentants du personnel qui jouent leur rôle de vigie et de relais face aux difficultés du terrain. « On adapte les conditions d’hygiène en fonction du matériel et non pas l’inverse » déplore Anita Garnier, urgentiste et responsable du syndicat Sud Santé 37. Elle évoque des surblouses ou charlottes à usage unique réutilisées plusieurs fois, des équipements à manches courtes alors qu’ils devraient avoir des manches longues, la mise à disposition de simples masques chirurgicaux au lieu de masques FFP2 plus protecteurs, le manque de tests disponibles pour identifier (et isoler) d’éventuels porteurs sains du Covid dans les équipes… La CGT évoque par ailleurs au moins une livraison de matériel de qualité médiocre : « Ce n’est pas ce qui ressort en priorité mais j’ai eu un retour. »

Un conseil de surveillance du CHU programmé ce vendredi

« Les soignants essaient de faire au mieux dans cette situation qui fait courir des risques aux patients et aux collègues » résume Anita Garnier. « Pour les personnes infectées le délai d’isolement normal c’est 14 jours mais à l’hôpital certaines reviennent au bout de 8 jours parce que nous sommes en manque d’effectifs. » Cette situation de débrouille, « c’est la conséquence de la non-anticipation des besoins » déplore Sud.

« La communication voudrait laisser entendre que tout se passe bien mais c’est faux il y a toujours des collègues rappelés sur leurs repos ou qui sont très fatigués. »

« Nous recevons 70 à 80 questions par semaine de la part du personnel notamment sur le manque de matériel » explique Jimmy Berger. « La direction fait son travail mais elle ne peut pas rattraper dix ans de manquements en un mois » ajoute le syndicaliste CGT qui fait remonter les problématiques du terrain au CHSCT qui se réunit en visio chaque semaine. Une réunion du Conseil de Surveillance de l’hôpital est également programmée ce vendredi, sous la présidence du maire de Tours Christophe Bouchet : « Nous lui rappellerons son inaction malgré nos multiples sollicitations et le fait qu’il doit appuyer de tout son poids pour que les agents aient les moyens de travailler » prévient Anita Garnier, par ailleurs frustrée de ne pas être incluse dans l’équipe de la cellule de crise qui se réunit quotidiennement :

« On nous empêche d’avoir un caractère décisionnel sur les conditions de travail des agents et c’est regrettable. »

« On sent bien que des collègues vont travailler la peur au ventre »

Parmi les points précis qui inquiètent les représentants du personnel : les journées de travail de 12h ou des étudiants qui se retrouvent parfois sans binôme dans les services. « On a des remontées d’agents qui estiment qu’ils n’ont pas besoin d’être là, qu’ils feraient mieux de rester confinés pour faire des relais d’équipes et limiter les risques de contaminations entre soignants. « Il faut faire attention aux conditions de travail, ne pas épuiser le personnel. Une partie est démoralisée. » » alerte Jimmy Berger à la CGT.  « On sent bien que des collègues vont travailler la peur au ventre, le climat n’est pas serein » complète Anita Garnier.

Le coronavirus occupant la quasi intégralité de l’actualité et des conversations en ce moment, ces états d’âme remontent jusqu’à la population. A force d’être répétés, ils s’imprègnent dans l’esprit de l’opinion publique : « Je pense que les gens ont pris conscience des difficultés que nous avons à l’hôpital. Peut-être qu’il fallait une telle crise pour que ça arrive… C’est dommage car la santé n’a pas de prix » analyse la syndicaliste de Sud, qui espère que les applaudissements aux fenêtres d’aujourd’hui se transformeront en soutiens durables demain :

« On aura des comptes à demander aux gestionnaires de santé. S’il n’y a pas d’investissement massif sur tous les hôpitaux en France, comment faire face à une seconde crise ? Est-ce que l’État va apprendre de ses erreurs ? »

En filigrane, elle espère que les projets d’hier (suppressions de lits et de postes programmées dans le cadre de la transformation du CHU) ne seront plus défendables par l’administration dans le contexte d’après Covid. « Toutes ces choses votées et actées, on en subit les conséquences aujourd’hui. On a du mal à pardonner » ajoute Jimmy Berger avec amertume.

Les alertes du Collectif Notre Santé en Danger

Depuis de longs mois, un collectif d’usagers des services de santé milite aux côtés des syndicats pour inciter les pouvoirs publics à augmenter les moyens alloués aux soins. Depuis le début de la crise du Covid-19, il s’exprime de façon très régulière pour faire entendre ses revendications, relayant par exemple la demande d’une campagne généralisée de tests pour les soignants, quelle que soit leur métier (cela comprend donc aussi, par exemple, les infirmières et aides à domicile).

Dans une lettre ouverte à l’Agence Régionale de Santé, le collectif Notre Santé en Danger s’inquiète également du manque de protections : « Les auxiliaires de vie ou aides à la personne non affilié.es à une association ou une mutuelle ne reçoivent pas de protections en particulier de masques. L’hôpital Bretonneau répartit la dotation entre les associations habilitées mais les aides à domicile indépendantes en sont exclues. Elles se trouvent pourtant en contact rapproché avec les personnes dont elles s’occupent pour la toilette, les repas et l’aide dans les gestes de la vie quotidienne. Nous vous demandons de réparer urgemment cet oubli dans le programme de distribution des masques.  Un autre scandale est le renvoi de malades testés Covid plus, renvoyés chez eux sans protection » écrit la présidente Marie-Pierre Martin.


Un degré en plus :

La situation n’est pas moins tendue à l’hôpital de Chinon. Avant le coronavirus, FO avait initié une manifestation hebdomadaire (le jeudi). Un mouvement suspendu mais des inquiétudes qui demeurent : « Aujourd’hui nous travaillons avec beaucoup de contractuelles. Quel est leur avenir ? Seront-elles pérennisées ? Ce n’est pas sûr. Je suis outré, j’ai honte car il y a de très bons éléments » insiste Alexandre Robert, le représentant du syndicat. Il critique aussi un certain regard de la direction sur la situation : « Les urgences accueillent moins de monde et elle se dit qu’il n’y a pas peut-être pas besoin de tout le personnel. Oui les chiffres baissent mais l’activité Covid prend plus de temps qu’avec les patients lambdas. La prise en charge, la protection… Tout est beaucoup plus long ! »

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