Les changements de vie professionnelle sont toujours intéressants à questionner. Comprendre pourquoi on change de vie. Ainsi, Candice Menant-Fernandez a un parcours inhabituel. Jeune militante au sein du parti écologiste EELV, elle a commencé sa carrière dans la politique avant de changer de branche pour créer une savonnerie artisanale. Une bifurcation radicale ? Pas tant que ça.
Son laboratoire de production est situé au sein même de son appartement, dans le quartier des Fontaines à Tours-Sud. « Dans une pièce fermée entièrement dédiée à ça, comme l’exige la réglementation » explique Candice Menant-Fernandez. A 28 ans, l’entrepreneuse a suivi tout le cursus de formation nécessaire avant de lancer sa marque La Fleur des Châteaux. Ses produits : des savons artisanaux au lait de riz, parfumés aux essences de Grasse ou agrémentés d’ingrédients inhabituels comme la poudre d’orties ou le marc de café.
Une savonnerie locale dans un département qui en compte déjà une quinzaine ? Oui. Mais avant de s’engager la jeune femme a pris soin de contacter ses consœurs pour ne pas se mettre sur les mêmes créneaux voire mutualiser des commandes de matières premières qui permettent de réduire les coûts pour tout le monde.
Cette démarche suffit, à elle seule, à illustrer la mentalité que laisse entrevoir Candice Menant-Fernandez. Son parcours est singulier. Quand on lui demande de se présenter, elle se définit comme « militante climat depuis toujours ». Comme on ne sait pas trop ce que ça veut dire, on lui demande de préciser : « A 13 ans je ne voulais pas de cadeau d’anniversaire, j’ai demandé un compost. Je ne l’ai pas et j’ai milité un an supplémentaire pour l’avoir ». La suite, c’est un poste bien payé dans une multinationale qui ne lui convient pas et qu’elle lâche pour la Bolivie en 2017, afin de partir en service civique avec une ONG baptisée Cœur de Forêt. Au retour, elle suit des études en politique environnementale à Science Po Toulouse. Un cursus qui a amené cette Blésoise d’origine à travailler (en stage) au ministère de l’environnement puis pour la campagne écologiste de Charles Fournier aux élections régionales de 2021.
Mariée en Bolivie, pays où elle retourne régulièrement, Candice Menant-Fernandez a également voyagé jusqu’a parlement européen où elle était chargée de suivre les questions en lien avec l’agriculture, l’économie sociale et solidaire ou le commerce équitable. « Hyper intéressant »… mais frustrant, pour plusieurs raisons. La reconnaissance, d’abord : « Les équipes des élus étaient surtout composées de femmes. C’est un peu comme si on faisait tourner la machine en restant dans l’ombre. » La lenteur administrative et le désaveu politique, ensuite :
« Les mesures votées n’étaient pas applicables avant 10 ans. Et encore, nos mesures à nous n’étaient même pas votées… On ne fait que de perdre. »
C’est de ce constat qu’est née l’idée de lancer sa propre société. On était alors à la fin de l’année 2022. « Je reste encartée EELV, je suis au conseil fédéral au niveau national mais je crois que j’avais besoin d’avoir un impact concret. Changer l’économie sur le terrain c’est aussi intéressant que le faire par la politique » souligne Candice Menant-Fernandez. Forte de son expérience bolivienne, elle opte pour la savonnerie :
« Là-bas j’avais monté une association zéro déchet. Pour le zéro-déchet, on utilise le Savon de Marseille. Il n’y en a pas en Bolivie, j’ai donc voulu fabriquer mon propre savon. Au départ c’était une catastrophe alors j’ai suivi une formation sur place. »
C’est de là que lui est venu le « secret » de l’utilisation du lait de riz comme ingrédient de base, qu’elle reprend aujourd’hui pour ses produits certifiés vegan. « Si tout le monde utilisait du savon solide on économiserait 16 000 tonnes de bouteilles plastique par an en France » argumente la fondatrice de Fleur des Châteaux. Sélectionnée par l’incubateur de jeunes pousses orléanais Alter’Incub (spécialisé dans les projets d’innovation sociale) et lauréate d’une bourse de la Fondation de France, Candice Menant-Fernandez propose désormais 4 savons aux senteurs aussi diversifiées que la clémentine ou le magnolia. L’huile de tournesol vient du Loir-et-Cher, l’argile est issu du commerce équitable… Tout est pensé pour être le plus durable possible, même si ça vient de loin.
Les premières ventes ont eu lieu au début de l’été 2023, notamment sur le marché d’Amboise le dimanche. « Et j’ai des clientes que je ne connais pas qui commencent à revenir » se félicite la jeune femme. Les formes de ses savons y sont un peu pour quelque chose : « Je chine les moules sur Le Bon Coin » explique la savonnière qui a des cœurs, des fleurs… et même un motif Harry Potter ! Le reste de son matériel est également en grande partie d’occasion, pour rester dans l’esprit circulaire et écoresponsable. Surtout, les savons sont gravés avec des petits messages qui évoquent des valeurs de positivité vis-à-vis de son corps, ou de solidarité entre femmes. Une marque de fabrique en lien avec un engagement personnel : chaque mois, La Fleur des Châteaux reverse une partie de son chiffre d’affaire à une association engagée pour les femmes. Par exemple à des actions contre le cancer du sein en octobre lors du mois annuel de sensibilisation Octobre Rose, ou à une structure orléanaise de soutien aux femmes malvoyantes pour décembre.
Intégrée dans le réseau d’entrepreneuses d’Indre-et-Loire Touraine Women, Candice Menant-Fernandez se dit aujourd’hui très heureuse de ce début d’aventure, au point qu’elle est obligée de stopper les ventes certains mois pour tenir le rythme en production. On peut tout de même acquérir ses produits en ce moment via une précommande en financement participatif (particularité : les savons sont livrés dans des anciens cartons de cigarettes électroniques offerts par une boutique des Fontaines, toujours dans un esprit de limitation des déchets). Puis en décembre, c’est sur les marchés de Noël qu’on pourra croiser La Fleur des Châteaux (le 3 à St-Cyr-sur-Loire, les 9 et 10 à Monts, les 16 et 17 à Amboise) avec une particularité : la possibilité d’acheter des savons suspendus. Donc de payer un savon qui sera offert à une personne qui n’a pas les moyens de se l’acheter.
Un degré en plus :
Pour découvrir les produits et passer commande, les infos sont sur les réseaux sociaux Facebook et Instagram de La Fleur des Châteaux. Le financement participatif est accessible ici.