Emergence des loisirs, le réaménagement des villes

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A la veille du projet de refondation de la loi travail pendant la période estivale, les loisirs et les divertissements s’annoncent plus qu’indispensables. Depuis la désindustrialisation des villes, les centres urbains se transforment, se dotent d’espaces de plus en plus tournés vers les loisirs, signe des changements profonds de notre époque.

IMG_0838(c) Mathieu Giua

Alors que la loi sur les congés payés est mise en œuvre en 1936, la propagande de l’extrême droite bourgeoise fustige à grands coups de caricatures dans ses revues : « les salopards à casquette », les classes populaires, ont pris possession des plages et des campagnes. N’en déplaisent à ces représentations grotesques, la vision politique est à l’heure de l’amélioration des conditions de vie en vue de relancer l’économie. Voici venu le temps de la société des loisirs ! Près de 80 ans plus tard, la notion de travail s’est vu bouleversée. La rhétorique « métro, boulot, dodo » n’a plus lieu d’être. Non seulement le travail n’a plus sa place centrale et déterminante comme auparavant – les Français travaillent moins – mais il est devenu source de revenus pour « l’après ». « La vie est ailleurs » comme le veut l’adage. Le temps est devenu une notion complexe puisqu’il se compose désormais du « temps libre », ce temps où l’on ne produit pas, alloué à la détente, la culture et aux loisirs : une sortie dominicale, un abonnement régulier dans un lieu dédié ou tout simplement quinze minutes pendant la pause du midi.

Mais depuis quelques années, la transformation du paysage urbain pousse les gens à sortir de chez eux afin d’expérimenter de nouvelles sensations, issues de nos modes de consommation. L’encombrement des villes a laissé place à une vision radicalement différente des centres-villes devenus lieux de rencontres et de festivités : les immeubles abandonnés se transforment en salle de concerts, les terrains vagues accueillent des festivals ou les quais, autrefois « mal fréquentés », sont aménagés en promenade. A tel point que l’essor urbain pourrait se traduire par le développement des espaces « improductifs ».

Du marlou au hipster

1860. Les bords de Loire ont des airs de grisailles permanentes sur les photos d’archives de la société archéologique de Touraine. Au loin, sur le quai du pont neuf, quelques propriétaires de bateaux de fortune, casquettes marines, mains sur les hanches, affairés qu’ils sont dans une ville en pleine industrialisation. C’est un autre tableau qui accueille le promeneur de 2017. Tout aussi cliché pour certains. La Guinguette est l’un des exemples de cette modernisation où une nouvelle population urbaine a pris place là où on ne l’attendait pas. Cinéma plein air, cours de danse, espace de jeux, concerts… Les marlous d’antan ont laissé place aux cyclistes barbus et aux familles qui flânent sous le soleil des beaux jours.

Quai Loire(c) SAT

De ces lieux qui ont subi des transformations, Tours en compte plus d’un dans son sac. Les quais, donc, le quartier Velpeau, les Halles, mais aussi le centre-ville. Pour certains observateurs, ce phénomène porte un nom : gentrification. Souvent péjoratif quand il en est question, le terme est tout trouvé afin de traduire l’embourgeoisement généralisé des villes de France. Au quotidien ? Les grands travaux de rénovation de ces cités. D’aspects modernes, les espaces publics prennent des allures de plus en plus sophistiquées. Un des symboles de cette politique toute française : la multiplication des projets de tramway. Ces serpents mécaniques sillonnent actuellement vingt-six villes de l’hexagone et quatre sont en projets, votés ou adoptés, à Avignon, Dunkerque, Nîmes et Pointe-à-Pître. Ils ont pour effet de décloisonner le centre-ville, permettre aux travailleurs de se rendre plus facilement dans leurs lieux d’activités mais aussi de donner lieu à de nouveaux publics de vivre et d’incarner la ville. Un rapport de l’université populaire de Tours sous la direction de Michaël Davie et Jean-Philippe Roy, professeur en géographie et maître de conférence en science politique à l’université François-Rabelais, identifie alors les nouveaux besoins. Ils font état des « bobos », ces bourgeois de la modernité, à l’image de la ville rénovée. Un peu « fourre-tout », la dénomination a le mérite de distinguer et d’expliquer les changements qui s’opèrent dans les villes. A l’œuvre ? l’ère de « l’anticonformisme, une nouvelle norme, garantie de l’ascendance culturelle bourgeoise. » On ne se divertit pas dans les villes comme l’on se divertit dans les campagnes. Restaurants franchisés à l’instar du café made in America Starbucks ouvert le 15 décembre dernier, haut lieu de culture avec la récente inauguration du centre Centre de Création Contemporaine Olivier Debré. Un anticonformisme qui forge un nouveau conformisme au risque de mettre de côté une certaine partie de la population. Entre arrêtés anti-mendicité et coupure de subventions, l’exemple de la menace de fermeture du café La Barque, rue Colbert à Tours, est le bon exemple d’une certaine mise à l’écart au profit d’une redéfinition du « vivre ensemble ». Les mobilisations se sont multipliées, preuve que la gentrification n’est pas la suite logique du développement des villes.

Des quartiers aux nouveaux visages

Si le repas, le bricolage et le jardinage ont longtemps été les premières passions des Français selon une étude du Crédoc de 2014 (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie), cette étude montre aussi que ces derniers « veulent vivre plus intensément » sans forcément devoir se déplacer à l’autre bout de la planète. Le centre-ville doit composer avec une nouvelle donne : un espace de vie où l’escapade et le dépaysement doit être possible. De plus, 67% estiment important le fait de tisser des liens pendant ces occupations ludiques. Permettre des lieux d’évasion et de rencontres, pas si simple.

®Bruno-Fortier-Architectes_PHOTO-6-1024x516Visuels du projet Beaumont-Chauveau (c) Agence Fortier Architectes

Le site des anciennes casernes militaires Chauveau, devrait trouver une seconde jeunesse dès 2019, un espace moins polluant « qui améliore le confort et la qualité de vie » selon le site de la mairie de Tours. Avec la restauration des quais, ce lieu s’inscrit dans la politique de modernisation de la ville et devraient entraîner dans son sillon ces nouveaux modes de vies, tournés vers le vivre ensemble et l’évasion au sein du tissu urbain. Dans les faits comment s’en rendre compte ? Le quartier des Deux-Lions a depuis longtemps entamé son processus de transformation. En son cœur, l’immense centre commercial, temple de la consommation, peine à en faire pleinement un quartier de la vie tourangelle même si cela tend à changer. Un quartier qui bénéficie de la proximité du lac de la Bergeonnerie et du parc de la Gloriette qui devient au fil des années le poumon vert ludique de l’agglomération propulsé par la politique de la ville.

 

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