Quel réseau de tramway demain à Tours ?

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«  Une ligne ne fait pas un réseau  ». Cette phrase résume le discours à la mode en ce moment du côté de Tours Métropole. En pleine réflexion sur la deuxième ligne de tramway, les élus en charge du dossier, Frédéric Augis, vice-président aux transports, en tête, répètent à l’envie qu’il ne faut pas réfléchir en terme de deuxième ligne, troisième ligne… mais plutôt en tant que réseau structurant. L’enjeu avoué : qu’à l’horizon 2050, l’agglomération tourangelle bénéficie d’un réseau de transport global et complet. Explications.

Cela n’est plus un secret pour personne, la deuxième ligne dont l’étude est en cours, reliera les deux hôpitaux Bretonneau et Trousseau en empruntant en partie le tracé de la première ligne. Un choix confirmé hier encore dans notre émission « Votre Univers » par le maire de Tours, Serge Babary. Un choix que le responsable du dossier, Frédéric Augis, refuse pourtant de son côté pour le moment de confirmer. On comprend que le maire de Joué-lès-Tours, vice-président sur la question des transports à la Métropole, est vigilant à ne froisser personne dans ce dossier. « Tout le monde veut le tramway, mais le tramway ne peut pas desservir tout le monde » rappelait encore de son côté Serge Babary lors de notre entretien publié hier.

Le tramway : un enjeu politique

Le tramway revêt un enjeu politique pour les élus. A Saint-Pierre-des-Corps, Marie-France Beaufils en a ainsi fait un cheval de bataille depuis des années. Aménagements de la chaussée pour la pré-calibrer à recevoir les rames, pétition publique en 2013 avec banderole sur la façade de la mairie…, la Sénatrice-Maire est une ardente militante du passage du tramway dans sa ville. Et l’élue de Saint-Pierre-des-Corps ne manque pas d’arguments : desserte du quartier prioritaire de la Rabaterie, de la gare TGV…

Mais dernièrement, c’est à l’ouest de Tours que la question du tramway s’est invitée dans les discours des élus. Wilfried Schwartz s’exprimant ouvertement (maladroitement pour certains) lors du dernier Conseil Métropolitain pour une desserte de l’ouest tourangeau, avant d’être le premier maire de la Métropole à convoquer un Conseil Municipal pour aborder la question du tracé de la seconde ligne, dès le lendemain de la réunion du bureau des maires de la Métropole sur le sujet… On comprend l’enjeu pour les élus locaux, qui voient dans le passage du tramway sur leur commune un levier d’investissements intéressant sur leur territoire mais aussi un argument politique à destination des électeurs, permettant de communiquer sur le dynamisme de leur mandat.

Si les maires des communes intéressées exercent un lobbying plus ou moins actif dans leur communication publique (ou en réunions), du côté de Frédéric Augis, responsable du dossier à la Métropole, ce dernier tente de se poser en rassembleur et d’argumenter uniquement sur l’échelle du territoire métropolitain, au dessus des intérêts propres à chaque commune.

Il y a une dizaine de jours, lors d’une réunion de l’ADTT (Association pour le développement des transports en Touraine), invité à discuter des réflexions en cours sur le tramway, Frédéric Augis s’est ainsi montré prudent sur le sujet. Face à une salle remplie et composée en partie d’habitants, militants communistes ou élus de la ville de Saint-Pierre des Corps, venus défendre le passage de la deuxième ligne de tramway dans leur commune, Frédéric Augis, se sachant attendu, n’a pas fait de grandes déclarations et a refusé de dévoiler la ligne envisagée, se retranchant derrière le fait que la décision devra passer par le bureau de maires de la Métropole (ce qui a été fait depuis), puis par la commission mobilités et enfin par le conseil métropolitain.

IMG_0024Corpopétrussiens à la réunion de l’ADTT (c) Mathieu Giua

L’élu jocondien s’est appliqué en revanche à faire œuvre de pédagogie pour expliquer la méthode utilisée. Une méthode en trois phases : un diagnostic de terrain dans un premier temps, puis la construction de différentes armatures possibles, et enfin une dernière phase d’analyse approfondie (celle actuelle) amenant à un schéma de réseau de transports en commun à l’horizon 2050. En partant de 67 tronçons étudiés au départ, l’opération se fait ainsi par élimination en prenant compte la capacité de voyageurs potentiels, le coût ou encore l’insertion dans une dynamique urbanistique.

Un enjeu urbanistique

Oui, car le tramway « à la française », tel qu’il est revenu au cœur des agglomérations depuis 30 ans (après en avoir été chassé au milieu du XXe siècle, face à l’essor du tout automobile et des bus jugés plus simples et performants) est à la fois un enjeu en terme de transport, sa fonction première, mais aussi un outil de requalification urbanistique de l’espace public. A Tours, l’exemple de la ligne A mise en service en 2013 est symptomatique de cette pensée. A l’époque, l’équipe municipale avait décidé de communiquer notamment sur la notion de « 4e paysage » du tramway, jouant sur son aspect chromé reflétant le paysage traversé, mais aussi  sur l’opportunité  de donner un nouveau visage à la ville.  L’un des objectifs de cette première ligne étant de repenser et rénover certains quartiers traversés, à l’image du Sanitas, de l’avenue Maginot (où les constructions se poursuivent aujourd’hui) ou encore du quartier de la Rabière à Joué-lès-Tours…

IMG_4047 Reflets dans le tramway de Tours (c) Mathieu Giua

Le tramway est ainsi à la fois vu comme une opportunité, non seulement en terme de desserte des territoires mais aussi en terme de transformation de ces mêmes territoires, avec en ligne de mire, la création de nouvelles zones attractives permettant d’attirer selon les quartiers, des entreprises et commerces ou de nouvelles populations séduites par le cadre urbain rénové…

Vers un réseau de plusieurs lignes de tramway et bus à haut niveau de service (BHNS)

Cela va de soi en le disant, mais l’enjeu premier d’un réseau de transports est encore de transporter la population de façon fluide et pratique. Pour y arriver, les élus doivent faire des choix dans les tracés sélectionnés, tout en pensant au réseau global mais aussi en anticipant la suite. C’est pourquoi les élus de la Métropole se penchent aujourd’hui sur la création d’un véritable réseau de transports en commun de bus et tramways, opérationnel à l’horizon 2050. Dans la logique développée par Frédéric Augis lors de la réunion de l’ADTT, on s’achemine ainsi vers un réseau de 4 lignes de tramway mises en service progressivement, ainsi que de deux lignes BHNS.

IMG_0013Réunion de l’ADTT (c) Mathieu Giua

Le maire de Joué-lès-Tours ne veut pas perdre de temps sur un sujet où Tours est en retard en comparaison à d’autres agglomérations. Si dans les prochaines semaines la deuxième ligne devrait être officiellement annoncée avec une mise en service prévue à l’horizon 2023, on pense déjà à la suite, avec une phase d’études pour la troisième ligne qui serait lancée dès 2020 pendant les travaux de la deuxième ligne. Dans les faits, le réseau devrait se construire ainsi par antennes et tronçons autour de l’axe principal structurant constitué par l’actuelle ligne A.

Cela débutera donc par la deuxième ligne dont l’objectif fixé est de desservir les hôpitaux et qui partirait vers Trousseau à partir du carrefour de Verdun et rejoindrait à l’autre extrémité l’hôpital Bretonneau. Si les terminus ne font plus aucun doute, le tracé en tant que tel n’est pour l’instant pas encore établi. Pour la partie sud vers Trousseau, deux options sont envisageables (soit par l’avenue Grammont ou via un détour par le quartier des Fontaines). Le ralliement à Bretonneau peut se faire lui de trois manières :

  • A partir de la place de la Liberté via le boulevard Jean Royer et le quartier des casernes.

  • Par les bords de Loire, l’avenue des Tanneurs, le quartier Courteline et le site Mame et l’avenue Tonnelé….

  • Par le boulevard Béranger, l’avenue Giraudeau et le futur quartier des casernes. C’est ce dernier tracé qui serait aujourd’hui privilégié selon nos informations.

Pour arriver à un tel tracé, les équipes en charge de ce dossier ont étudié le coût total et par kilomètre, le potentiel voyageurs, les complications éventuelles (impact sur l’environnement, emprise sur la chaussée, plan de circulation, suppression de places de parkings…).

Vers une ligne 3 puis une ligne 4

La suite, ce sera donc une ligne 3, vraisemblablement vers Saint-Pierre-des-Corps, à l’horizon 2025-2030 (il faut en moyenne 5 à 6 ans entre la phase d’études et la mise en service), permettant de créer un axe Est-Ouest complet, puis une ligne 4 d’ici 2040 vers le Nord-Ouest… 4 lignes qui seraient complétées à terme par deux lignes BHNS. Avec des emprises sur le sol moins lourdes et nécessitant moins de gros investissements, les BHNS sont capables d’absorber un potentiel voyageurs entre 25 000 et 30 000 par jour, là où le seuil de rentabilité d’une ligne de tramway est communément admis à partir de 30 000 voyageurs par jour. De quoi offrir un potentiel intéressant pour compléter le maillage du territoire à moindre coût qu’une ligne de tramway (estimée en moyenne à 25 millions d’euros par kilomètre).

IMG_0172(c) Mathieu Giua

C’est donc un réseau qui est aujourd’hui pensé pour être construit par tranches successives. On comprend ici l’intérêt de se donner de la marge dans ce type d’investissements lourds, soumis à différentes variables comme les aides (fluctuantes) de l’Etat. En partant sur une structuration autour de la ligne A comme axe central, les élus de la Métropole se laissent ainsi plusieurs options mais aussi de la souplesse, ce qui permet de dessiner un réseau par extensions progressives, soit par grandes tranches, soit par petits barreaux, selon les capacités financières le moment venu.

L’intermodalité en toile de fond.

Enfin, dernier point important mis dans la balance : la réflexion globale du réseau au sein du département avec comme point clé lié à cette question, celui de l’intermodalité, c’est à dire « l’aptitude d’un système de transport à permettre l’utilisation successive d’au moins deux modes, intégrés dans une chaîne de déplacement ».

Ces réflexions sur l’intermodalité s’exercent notamment sur deux axes : les points d’interconnexions avec les gares et la captation des flux automobiles aux abords de l’agglomération.

Concernant l’interconnexion avec les gares, si pendant des années le mirage du tram-train a semblé séduire les élus, ce système permettant à une même rame de voyager sur le réseau SNCF et sur celui urbain du tramway, ne semble plus aujourd’hui avoir les faveurs des décisionnaires. En cause : son coût et le matériel spécifique nécessaire, l’écart des rails différents entre les deux réseaux potentiels, mais aussi la multiplicité des acteurs entrant en jeu : SNCF, Métropole, Réseau Fil Bleu,…

Si on ne parle plus de tram-train, l’interconnexion avec le réseau ferroviaire reste une réflexion plus que jamais d’actualité avec comme atout principal,  l’étoile ferroviaire autour de Tours. Le carrefour de Verdun pourrait devenir ici, un point central névralgique du futur réseau de transports en commun. Point de convergence des lignes A et B du tramway le carrefour de Verdun offre également la possibilité d’aménager une halte ferroviaire. Celle-ci pourrait alors être envisagée pour des liaisons régulières avec la gare TGV de Saint-Pierre-des-Corps (qui deviendrait un autre pôle intermodal, une fois desservie par le tramway), mais aussi pour les lignes départementales vers Chinon ou Loches…

IMG_0015Propositions de l’ADTT, qui insiste également sur l’intermodalité

L’intermodalité ferroviaire est un point important dans les réflexions actuelles, à Verdun mais aussi en bout de ligne comme à la halte de la Douzillière à Joué-lès-Tours. Séparée de 700 mètres du terminus de la ligne A, celle-ci qui pourrait bénéficier à moyen terme d’une extension de la ligne, afin de créer ici aussi un pôle intermodal.

L’autre enjeu lié à l’intermodalité est la captation des flux automobiles entrant dans l’agglomération. Pour cela, tel que cela a été fait sur la première ligne, des parkings relais (dits également parkings de dissuasion) devraient voir le jour au fil de la construction du réseau. Pour réussir à capter les flux d’automobilistes entrants, il convient de placer ces parkings relais aux abords d’axes majeurs stratégiques. En envisageant la situation à moyen terme, concernant la ligne 2, il se pourrait qu’elle soit prolongée à l’ouest via La Riche (dans l’hypothèse d’une troisième ligne complète Est-Ouest ?) jusqu’au périphérique qui constitue une des principales portes d’entrée de l’agglomération. Une réflexion partagée également par l’ADTT qui envisage dans ses propositions, à l’autre extrémité de la ligne 2, une extension sur le long terme à partir de Trousseau vers la route de Loches, jusqu’au terminus du périphérique sud.

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