Implanté au nord de Tours, à une demi-heure de route de la place Jean Jaurès, l’INRAE de Nouzilly fête ses 60 ans. Implanté en 1965 sur une propriété vendue par Robert Debré, ce site de 575ha emploie 600 personnes au service de la recherche sur les animaux de la ferme (chèvres, vaches, poules, chèvres, chevaux ou cailles). Ses spécialités : le travail sur la reproduction, l’étude comportementale ou encore la lutte contre les maladies. Depuis quelques mois, une équipe s’occupe également de la préservation d’une espèce menacée : l’âne noir du Berry.
A l’INRAE de Nouzilly, la section équidés est située à environ 5 minutes à pied de l’accueil. Pour se repérer, on peut y aller au bruit. Impossible de manquer la voix des ânes même si ils représentent moins de 20% des animaux de la zone. « Actuellement nous avons 128 bêtes dont une vingtaine d’ânesses » recense Fabrice Reigner, technicien de recherche sur site depuis 28 ans.
Son métier à lui ce n’est pas de chercher mais d’appliquer les protocoles établis par les équipes de spécialistes… tout en s’assurant du bien-être de ses animaux à base de ventilateurs anti-canicule et anti-mouches, de nourriture produite sur place ou de brosses électriques contre lesquelles ses pensionnaires adorent se frotter. « Il y a du monde 7 jours sur 7, même pour Noël ou le 1er de l’An »nous glisse-t-il pour bien montrer que ce site est avant tout une exploitation agricole avec les mêmes besoins que toutes les autres fermes du département.

Les ânes y sont les derniers arrivés. La plupart n’appartiennent pas à l’INRAE mais à des éleveurs privés qui prêtent leurs bêtes le temps du programme de conservation financé pour 3 ans par la région Centre-Val de Loire, et qui a de grandes chances d’être renouvelé pour maximiser ses chances de réussite. L’enjeu est de sauver l’âne noir du Berry, une espèce emblématique du territoire dont il ne reste plus qu’un millier de spécimens, et une poignée de mâles reproducteurs ne permettant pas de dépasser les 30 naissances annuelles et occasionnant un fort risque de consanguinité.
« Dans l’agriculture, ils servaient au maraîchage, pour tracter ou pour remonter les péniches de la Touraine vers Paris mais aujourd’hui on n’en a plus besoin donc il n’en reste que chez des passionnés » raconte Fabrice Reigner. Pourtant, on observe un certain retour à la traction animale sur les exploitations agricoles les plus écologiques. Les ânes peuvent aussi accompagner des randonneurs (comme l’a montré le film Antoinette dans les Cévennes, un carton au box office). Il y a donc un espoir de remettre leur utilité au goût du jour.
Pour y parvenir, l’INRAE a monté un élevage de toutes pièces en récupérant des ânesses et bodets chez une vingtaine de professionnels dans le but de travailler sur la reproduction. « C’est une grande confiance de leur part » souligne Fabrice Reigner. L’enjeu consiste notamment à récupérer des semences et à travailler sur leur conservation au frais pour les transporter afin d’inséminer des femelles. Ce qui éviterait aux éleveurs de voyager avec leurs animaux pour les faire saillir, donc diminuerait les frais. « C’est plus facile de transporter une seringue » résume le technicien de recherche.
Ce procédé n’est pas inédit. « On l’a déjà mis en place il y a une quinzaine d’années avec l’âne normand » nous apprend le spécialiste de l’INRAE en bichonnant les animaux qui oscillent entre périodes sous abri et pâturage au pré sur un espace d’une vingtaine d’hectares. « On les laisse dehors la nuit ou un petit peu le matin mais pas trop longtemps sinon ils mangeraient trop » explique Fabrice Reigner. Le poids des panes est d’ailleurs strictement contrôlé, devant s’établir entre 300 et 400kg, « mais à l’arrivée l’une des ânesses pesaient pratiquement 480kg. C’est lié au manque d’exercice et aussi parce que leurs propriétaires les bichonnent trop, ils leur apportent toujours un petit morceau de pain par exemple. »
Un attachement que le personnel tourangeau ressent aussi : « On arrive à capter leur attention, ce sont vraiment des animaux qui sont attentifs à nous. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils sont aussi utilisés auprès d’enfants ou de personnes handicapées car ils apportent du réconfort » explique notre interlocuteur.
Le troupeau constitué par l’INRAE est composé de bêtes ayant entre 3 et 18 ans, les ânes noirs du Berry pouvant facilement vivre jusqu’à 25 ans. Le jour de notre venue, une ânesse était gestante, proche de mettre bas après près d’un an avec son petit dans le ventre. Un aboutissement, surtout que les inséminations artificielles ne sont jamais garanties de succès : « On est à 40% de réussite contre 50% chez le cheval » indique le technicien de recherche. « Mais on essaye de l’améliorer » ajoute-t-il. Un autre objectif du programme, comprenant en prime une volonté de réduire les antibiotiques ou de mieux lutter contre les parasites ce qui passe… par des analyses de crottin. Comme quoi les possibilités sont infinies.
Ainsi, toutes études confondues, l’INRAE de Nouzilly publie environ 400 résultats de travaux par an dans des revues spécialisées. Le fruit d’une équipe de 150 chercheuses et chercheurs qui collaborent avec l’Université de Tours ou le CHU. Un travail qui sera à découvrir lors de portes ouvertes grand public ce dimanche 25 mai toute la journée, avec visite des laboratoires et des sites accueillant les animaux. Des jeux et animations pour enfants sont également programmés.