C’est l’une des communes les plus dynamiques du département et l’un de ses 4 grands pôles touristiques avec Tours, Amboise et Loches. La ville de Chinon est plutôt sur une dynamique ascendante, notamment depuis qu’elle est entrée dans le dispositif gouvernemental de soutien aux municipalités de taille moyenne. Malgré une forte affluence et un certain dynamisme commercial, il reste parfois difficile d’y céder un commerce. On a cherché à ausculter ce problème.
Une quinzaine de commerces à reprendre dont une dizaine de restaurants et brasseries. Voilà l’état des lieux du moment dans la ville de Chinon. Cela représente quasiment 10% des cellules commerciales qui cherchent un nouveau ou une nouvelle propriétaire. Certaines dépassent 300 000 voire 500 000€ de chiffre d’affaires. Une autre met en avant un résultat en hausse de plus de 20% en un an.
Malgré ces arguments, certaines adresses peinent à prendre une nouvelle direction. Est-ce la peur de travaux coûteux et complexes ? Ou la crainte que Chinon ne soit pas adaptée à un nouveau concept ? Parmi les enseignes prêtes à changer de main il y a le célèbre restaurant L’Océanic de la Rue Rabelais. Déjà 2 ans que Marie-Paule et Patrick Descoubes envisagent de passer la main. 2 ans, c’est long. « On veut trouver la bonne personne » répond le couple quand on lui demande si il s’impatiente.
D’ailleurs, ces deux-là pourraient bien attendre encore un petit moment :
« Depuis le printemps la météo est maussade, il y a eu la situation politique, l’Euro de foot, les JO… Pour le commerce il ne se passe rien. Il faut attendre la saison. Dans notre style d’établissement les ventes se font souvent à l’automne, le projet se peaufine pendant l’hiver et se lance au printemps. »
Depuis que l’affaire est officiellement en vente les Descoubes ont reçu trois visites. Aucune n’a abouti, sachant que l’un des 3 prospects a fini par reprendre un autre restaurant de la commune. Pas de quoi désoler le duo : « Notre restaurant n’est pas un musée. Si les gens visitent pour se promener ce n’est pas intéressant. » A les écouter, ça finira par mordre : « Notre chance est d’avoir une région plutôt dynamique et de plus en plus d’entrepreneurs veulent arrêter d’être dans les grandes villes. »
L’Océanic c’est 35 ans de bons plats autour du poisson + de très belles références en sommellerie et en saké ce qui donne jusqu’à 100 couverts quotidiens lors des belles journées. Un fort potentiel, donc, d’autant qu’il y a une belle surface ce qui se fait rare : « Beaucoup de commerces sont divisés pour mieux se vendre mais du coup il n’y a plus d’espace de stockage » déplore Patrick Descoubes prenant l’exemple d’une éventuelle boutique de chaussures. Il se donne « encore deux ans » avant de vraiment chercher à quitter sa cuisine sachant que le prix demandé est « en dessous du marché ».
« Quand on voit notre chiffre d’affaire sur 5 jours avec sept semaines de vacances par an il y a de quoi faire pour se développer » lâche également le restaurateur pour attirer les acheteurs. Des arguments séduisants qui n’ont pas suffi jusqu’ici. « Les gens n’osent pas, peut-être parce qu’ils ont l’impression qu’il ne se passe rien à la campagne » dit encore l’entrepreneur qui refuse d’y voir une fatalité :
« Chinon c’est plus dynamique par an. On a eu des clients de Bourgueil qui n’étaient pas venus depuis dix ans et qui étaient ravis de voir de petites boutiques. On leur a dit qu’ils allaient finir par habiter là ! Nous on se rend pas bien compte mais c’est vrai qu’avant le Covid, beaucoup de commerces fermaient. »
Le maire ne dit pas autre chose : « On a accompagné 60 reprises de commerces en trois ans, seuls 5 n’ont pas perduré ; c’est dans la moyenne nationale » nous explique Jean-Luc Dupont. Pour lui, les commerces qui ont du mal à se vendre comme L’Océanic ça pourrait être lié à une réputation solide qui ferait peur car difficile à faire perdure. Surtout, l’élu cible les banques : « Elles ne prennent pas de risque et demandent des taux d’apport extrêmement élevés. » Avec des droits d’entrée et des travaux à plusieurs dizaines de milliers d’€ cela peut refroidir.
« On a beaucoup de mal à déclencher des prêts, c’est un parcours du combattant » poursuit Jean-Luc Dupont qui actionne ponctuellement des leviers pour soutenir les créations (prêts à taux zéro, dispositifs d’accession progressive à la proproété…). « Heureusement que les collectivités sont là » assure-t-il. Quant à une éventuelle passivité de Chinon, il rétorque et avance des solutions comme une ouverture élargie le lundi :
« Certes il y a une saisonnalité de l’activité économique liée au tourisme mais ça ne concerne pas tous les commerces et, le lundi, l’affluence dans les rues c’est 80% de celle du samedi. Les 20% restants, ce sont les Chinonais qui savent que tout est fermé. Il faut changer cette image. »
L’élu le sait, changer la réputation d’une ville c’est très long. « Ça fait dix ans qu’on a entamé le sujet, et ça commence à porter ses fruits. » Pour ça il cite l’arrivée d’une deuxième boucherie, d’une cordonnerie orientée vers le premium ou de la première fromagerie de la commune. « Le taux de vacance commerciale est passé de 17 à 9%. 11 boutiques sont en travaux et remises sur le marché avant la fin de l’année » nous dit-il. Et signe pour lui que la cité intéresse : l’arrivée de franchises comme O Tacos (dont il se passerait bien car il estime que ça ne correspond pas à l’image qu’il souhaite donner du centre-ville).
Pour avoir un centre-ville qui soit à la fois dynamique et conforme aux exigences de la mairie et de la communauté de communes, une charte est en cours d’élaboration. « Une question d’équilibre » justifie Jean-Luc Dupont qui veut éviter nuisances sonores ou inconvénients liés à la vente à emporter (comme les déchets jetés de façon anarchique). Pour le reste il se veut confiant, ne se déclarant par exemple pas en concurrence avec Loches dans la course à l’attirance de projets entrepreneuriaux. L’autre ville moyenne du sud du département a néanmoins, elle aussi, entamé un travail sérieux sur sa redynamisation commerciale avec une certaine estime. Deux trajectoires à suivre en parallèle.