Vendredi 6 décembre à 18h : le rendez-vous s’affiche sur les vitres des halls d’immeubles de la Rabière à Joué-lès-Tours. Ce vendredi soir, au centre social, Tours Métropole présentera le projet de réhabilitation du quartier chiffré à 20 millions d’€, et soutenu par l’Etat via l’Agence Nationale de la Rénovation Urbaine (ANRU). Le chantier ne sera pas aussi important qu’au Sanitas à Tours mais tout de même, il va modifier en profondeur l’organisation de ce quartier. Nous sommes partis à la rencontre de quelques habitants pour voir ce qu’ils pensent de tout ça…
La réhabilitation de la Rabière à Joué, cela fait des années qu’on en parle et un an et demi que l’on sait globalement ce qui est prévu d’ici 2026. Début juillet 2018, nous vous précisions ceci sur Info Tours :
« Deux immeubles seront mis à terre : un Rue Picot, et un autre Rue de Verdun : « on a demandé aux résidents comment ils voyaient leur quartier demain et ils ont demandé quelque chose de plus ouvert et de plus végétal. Sans démolir, c’était compliqué » selon l’élue Valérie Turot. Une fois rayés du paysage, les deux immeubles laisseront place à « corridor vert » du Parc de la Rabière à la station Rotière du tramway…
Mais alors que vont devenir les habitants des 68 appartements de ces deux barres ? Déjà, ceux qui quittent naturellement leur logement Rue Picot ne seront pas remplacés. A partir de 2020 Val Touraine Habitat va construire un immeuble neuf sur l’ilot Gratias, à la lisière de la Rabière. Composé de 40 logements sociaux, il pourra permettre de reloger les personnes actuellement dans les vieux bâtiments, ou en tout cas de maintenir un nombre quasi équivalent de logements sociaux. Côté Rue de Verdun, une autre construction est envisagée, cette fois un immeuble privé d’une vingtaine de logements. (…)
Sur les espaces extérieurs, il faut aussi s’attendre à du changement avec une réorganisation du stationnement (la ville de Joué-lès-Tours promet plus de places qu’aujourd’hui, des « arrêts minute » pour les petites courses, un parking souterrain pour l’Ilot Gratias), des aires de jeu et des aménagements pour développer la circulation des vélos et des piétons. »
La Ville et la Métropole envisagent un futur plus vert et moins dense à la Rabière. Aujourd’hui ce quartier dit prioritaire regroupe 6000 habitants dont 50% vivant avec moins de 9000 euros par an. Les deux collectivités espèrent aussi le rendre plus paisible et enrayer la montée des faits divers qui s’y sont accumulés cette dernière année. Qu’en pensent celles et ceux qui vivent sur place ? Nous avons pu en interroger un échantillon, suffisamment pour déceler la coexistence de plusieurs opinions.
« Je serai bien resté, mais bon… »
On commence à proximité du Parc de la Rabière, là où une barre doit tomber. Plusieurs appartements ont les volets baissés, signe qu’il n’y a personne. Un jeune homme à la moustache naissante s’apprête à rentrer et on l’interroge : « C’est bien qu’ils démolissent cet immeuble car les appartements sont en mauvais état. Le problème c’est le relogement : à nous et nos voisins on nous propose systématiquement le Morier, dans des constructions qui ont plus de 100 ans. Ça mes parents ne veulent. Il y a juste le monsieur qui vient de sortir, là, qui a pu trouver quelque chose près de la mairie mais grâce à ses contacts. »
Un monsieur qui vit dans le quartier sans être concerné par la démolition nous donne également son sentiment : « Je suis plutôt contre car je ne comprends pas trop l’objectif de ce projet… Les immeubles me paraissent en bon état, le ravalement a été fait, les appartements ont des volets roulants. Ou alors c’est pour faire plaisir à ceux qui ont acheté à 2 500€ le m² juste à côté ? En plus si c’est dans l’objectif de diminuer le nombre de constructions ça me parait étrange car il est déjà bien aéré ce quartier. »
Un homme de 85 ans qui vit dans la cage d’escalier voisine prend le temps de se confier. Il viendra à la réunion vendredi, résigné : « C’est fait pour changer, c’est fait pour changer… Mon appartement est au 2e étage avec vue sur le jardin : même s’il n’y a pas d’ascenseur je serai bien resté, mais bon… Heureusement j’aurais toujours mon petit jardin où je vais travailler à pied. » Il poursuit : « Joué-lès-Tours c’est bien comme ville. La ZUP, moins. L’an dernier on m’a brûlé trois voitures en un mois et demi. J’ai dû changer d’assurance car après trois sinistres on a refusé de me signer un contrat. »
« S’il n’y avait que l’environnement, on serait déjà partis »
L’insécurité, voilà qui préoccupe également ce couple croisé au pied de la Tour Pradier dont la démolition est envisagée, même si elle ne fait pas partie du projet initial : « Ça ne changera peut-être pas grand-chose mais au moins ce ne sera plus le bazar. Cela fait 40 ans qu’on vit ici dont 15 ans dans la tour avant de déménager. S’il n’y avait que l’environnement on serait déjà partis car depuis 5 ans c’est vraiment devenu problématique entre les jeunes qui traînent et les bagarres. Mais on reste parce qu’il y a tout ici et que nos enfants vivent à côté. »
Justement nous avons pu échanger quelques mots avec deux jeunes du quartier. Pas bavards : « Si on ne peut plus aller là, on se posera ailleurs. C’est tout » souligne simplement le premier. Au pied de la tour, le second constate que dans le bâtiment « beaucoup de gens veulent déménager. On voit souvent les pompiers, il y a le feu, les gens fument… J’ai vu tout ça, j’y ai habité. »
Beaucoup de gens souhaiteraient donc partir de la tour. Plausible d’autant qu’une bonne partie des appartements sont déjà vides et non reloués (les portes ont été condamnées). Mais le bâtiment qui surplombe les rails du tram a ses fidèles : « Pas question de partir ! » s’exclame une retraitée qui prend son courrier. « Je vis ici depuis 49 ans, je n’ai jamais été agressée. Mon appartement est grand, propre, lumineux, avec vue sur le stade. Depuis 8 mois nous ne voyons plus les jeunes qui posaient problème. Donc selon moi il n’y a aucune raison de démolir. Avec mon mari on ne veut pas partir. » Ils n’auront peut-être pas le choix.
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