En Touraine, l’association Arboresciences a pour objectif de promouvoir l’éducation à l’environnement et la culture scientifique. Elle mène ces missions via des ateliers et des animations pour le grand public. Et cela fait 10 ans que ça dure. Pour fêter cet anniversaire, la structure organisera plusieurs temps forts du 17 au 21 septembre. Nous sommes allés à la rencontre de Claire Gouarin, coordinatrice pédagogique. Ensemble, nous avons parlé de l’évolution de l’association et des enjeux liés au rapport qu’entretient notre société avec les pratiques scientifiques. Interview.
Racontez-nous l’histoire d’Arboresciences. Pourquoi et comment a-t-elle été créée ?
C’est une asso qui est née de la réunion de deux structures à savoir Animascience et Esprit Nature. En fait on est des anciens de la promotion de la Licence Professionnelle de Médiation Culturelle et Scientifique de l’IUT de Tours. Et donc on s’est retrouvé pour créer une association qui allie à la fois la médiation scientifique et l’éducation à l’environnement.
C’est très important pour nous de ne pas dissocier les deux aspects. On a commencé par développer des activités auprès des scolaires, des loisirs, de l’événement grand public et on a grandi en taille au fur et à mesure des années.
Aujourd’hui, on organise des animations, des ateliers, des stages, des clubs, des formations et pas que pour les enfants ! L’idée aussi c’est de faire de la culture scientifique de l’éducation populaire. Parce qu’on associe souvent les matières scientifiques au domaine scolaire, alors que tout le monde peut s’intéresser au monde qui nous entoure.
Donc le but de cette démarche c’est aussi de démontrer que les sciences ce n’est pas que de la théorie ?
C’est aussi montrer que de la théorie ça se base sur de la pratique. En faisant participer le public, en le mettant dans des situations d’expérimentations et de déduction, on lui montre que les sciences ce n’est pas une thématique mais bien une méthode pour construire la connaissance. Il est important d’avoir cette philosophie de la culture du doute par exemple et surtout du rapport à l’échec. Il faut accepter qu’il y ait des choses qu’on ne comprenne pas et qu’il faut beaucoup de temps pour arriver à un résultat.
Je pense aussi que c’est aussi une des difficultés actuelles du rapport science-société. C’est qu’on attend des scientifiques ou des experts qu’ils nous pondent une réponse en 10 secondes alors que les réponses sont nuancées, avec des marges d’erreur.
Je pense que s’il y avait plus cette culture du doute, de la mesure et de la nuance, notre société ne mettrait pas forcément des étiquettes partout. Ce qui est important c’est qu’il faut comprendre que la science ce n’est pas un point de vue. La science n’explique pas Pourquoi ?, elle explique Comment ?
On voit de plus en plus une montée d’une sorte de méfiance envers la science (climatoscepticisme, platisme, …). Qu’est ce que cela vous inspire ? Comment faire pour restaurer la confiance envers les scientifiques ?
Ce sera justement le sujet de notre première conférence gesticulée pour les 10 ans d’Arboresciences, “La Science : tu l’aimes ou tu la quittes”. On parlera de ce qu’on appelle le conflit de loyauté.
En fait, on dit que les scientifiques et les médiateurs scientifiques doivent être neutres et objectifs. Sauf qu’on associe aussi la recherche scientifique à l’application technologique et donc au progrès. Je pense qu’il y a une méfiance de la société vis à vis des sciences parce que des résultats de recherches scientifiques ont servi à des applications technologiques qui ont été utilisées par des entreprises. Et que ces industriels ont pour objectif de faire du profit plutôt que de veiller à la santé publique.
C’est en continuité de cela que la science va être prise comme opinion. On le voit effectivement avec la montée des associations de platistes (qui pensent que la Terre n’est pas ronde, ndlr). On entend des choses qui sont pour nous aberrantes. Tout ça pour dire que si la culture scientifique faisait plus partie des politiques culturelles et que la science était abordée plus souvent que juste pendant des événements thématiques comme la Fête de la Science, ça permettrait à tout le monde de s’intéresser à ces sujets.
La solution, ce serait de réussir à démocratiser la culture des sciences ?
Oui bien sûr ! On n’est pas obligé de comprendre une équation qui régit un phénomène pour comprendre ce phénomène. Il faut donner plus de sens aux apprentissages et essayer de ramener la science dans le quotidien et de voir qu’on n’est pas obligé d’aller dans un laboratoire pour comprendre ce qui se passe autour de nous.
Là où nous on est plus militants c’est dans les approches pédagogiques que nous allons utiliser. On fait très peu de “frontal”, on ne fait pas de conférence… Je pense que dans nos ateliers, on ne doit pas parler plus de 5 ou 10 minutes d’affilée. On part du principe que le public doit être acteur de la construction de son savoir, qu’il puisse varier les approches pédagogiques (scientifique, artistique, historiques, …) pour qu’on puisse coller avec les différentes sensibilités.
Il faut susciter la curiosité et surtout il faut que le public arrive à se poser des questions parce que sans questionnement, ça ne sert à rien qu’on donne des réponses. L’idée, c’est de ne pas submerger d’informations parce que de toute façon on ne va même pas en retenir la moitiée.
Et donc à Arboresciences, vous traitez de tous les domaines scientifiques ?
Alors, à l’asso, on a 8 pôles distincts : Air & Espace ; Alimentation ; Diversité du Vivant ; Energie et Climat ; Équilibre, Force et Mouvement ; Son & Lumière ; Matières & Matériaux et Milieux de vie. Donc il y a de quoi faire ! Et au-delà de ces animations, on développe aussi beaucoup la formation auprès des animateurs et auprès des enseignants.
En 10 ans d’association, comment a évolué votre public ?
Nous, on voit de plus en plus de familles qui ont très envie de trouver une opportunité d’apprendre avec les enfants ou avec des amis, d’expérimenter des choses autour des questions scientifiques.
Aussi la grosse évolution que j’ai remarquée, c’est la perte quasiment totale de l’intérêt des enfants pour la matière et le réel. Découper, faire un nœud, toucher de la terre, imaginer des constructions, élaborer un système D : tout ça ce sont des choses qui se sont totalement effacées des compétences des enfants. Il faut savoir quand même qu’il y a des enfants qui ont aujourd’hui des tablettes numériques mais pas de jeux concrets pour jouer genre des jeux de Kapla, etc…
Tout ça, ça mène à une perte du sens commun. Ils sont de plus en plus déconnectés de ce qui se passe autour d’eux. Beaucoup n’ont jamais vu d’orties de leur vie. Ce n’est pas de leur faute mais il faut qu’il ait cette éducation scientifique pour pallier ce problème.
Pour découvrir plus en détail Arboresciences, rendez-vous sur leur site ici. Et pour connaître tout le programme des 10 ans de l’association, tout est sur leur compte Facebook.