Maximilien Bridier débride La Roche Le Roy

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Depuis 10 mois, le célèbre restaurant gastronomique de Tours a un nouveau chef à forte personnalité. Rencontre.

Au téléphone, il précise qu’il travaille « de 7h à minuit ». Courses, cuisine, tâches administratives et même 15 minutes de sieste… L’agenda de Maximilien Bridier est bien rôdé. Il a quand même réussi à nous faire une place au milieu de ses rendez-vous afin que l’on puisse s’installer en terrasse et discuter de son arrivée à Tours le 1er décembre 2016.

Il ne voulait pas reprendre un étoilé, et pourtant…

Si on s’intéresse à ce jeune homme de 27 ans, bientôt 28, c’est parce que c’est un entrepreneur qui compte à Tours, et même en Indre-et-Loire. Maximilien Bridier est le chef de La Roche Le Roy, l’un des grands restaurants gastronomiques du département installé tout près de l’A10 mais qui jouit d’un cadre exceptionnel dans un manoir du XVIIIème siècle avec un parc extrêmement apaisant. Dans le mythe collectif tourangeau, La Roche Le Roy c’est la finesse des plats, la qualité des produits, l’audace des plats… Jusqu’à l’an dernier, l’établissement avait même son étoile au Michelin : « mais je l’ai rendue en arrivant » indique le nouveau chef, qui savait de toute façon que les critiques allaient lui retirer d’office n’ayant pas le temps de tester sa cuisine avant de boucler leur nouvelle édition.

Depuis ce jour, Maximilien Bridier travaille pour être à la hauteur du guide rouge. Il espère y faire de nouveau son entrée prochainement, sans fixer de date très claire. Un horizon à 3-4 ans semblerait lui convenir, de toute façon il s’est engagé pour 15 ans en rachetant le restaurant d’Alain Couturier (50 places en salle, 35 en terrasse). Une affaire royale, sans mauvais jeu de mot, pourtant au départ il n’avait pas du tout l’intention d’y aller. S’il cherchait à s’installer dans la région Centre-Val de Loire, ce Blésois de naissance confie qu’il ne voulait pas reprendre un restaurant déjà étoilé :

« perdre une étoile c’est 25% de clientèle en moins la première année, cela risquait donc de m’obliger à licencier du personnel. »

Une clientèle d’habitués…

Et puis, la curiosité aidant, il est venu visiter les lieux… « J’ai trouvé ça sympa, donc j’ai acheté » résume-t-il en une phrase. « Je suis venu manger. J’ai aimé la cuisine, traditionnelle, très simple. Il n’y a pas un mélange avec 18 saveurs. C’est de beaux produits travaillés simplement, correctement. » Il convainc alors l’ancien chef de passer en cuisine dès décembre pour affronter le rush des fêtes de fin d’année, « la période la plus difficile de l’année », et se met au travail… Moins d’un an après, malgré sa crainte d’origine, La Roche Le Roy est passé de 12 à 15 salariés, apprentis compris (5 en salle, 10 en cuisine dont un chef pâtissier et un sommelier).

Par ailleurs, Maximilien Bridier a constaté que la réputation des lieux se suffisait à elle-même, étoile ou pas :

« les gens habitués viennent ici depuis 30 ans, ils ont presque oublié l’étoile Michelin. On a presque pas de touristes. »

Il se permet même une analogie surprenante : « ici, c’est la même régularité qu’un Mc Do. On sait ce qu’on mange, à quel prix et comment on va être servi. Et à chaque fois c’est la même chose. »

Un apprentissage chez un étoilé et une distinction en Angleterre

Direct, franc, parfois un peu avare en détails quand on l’interroge mais capable de punchlines choc, Maximilien Bridier avoue être un grand ambitieux : « c’est à notre âge que l’on a envie de faire les choses, guidés par la passion. Du coup on a la patate pour se lever le matin. » Mais la cuisine, ce n’était pas forcément évident dans la vie du Loir-et-Chérien… « C’est venu comme ça à 15 ans » lâche-t-il. « Après le brevet je n’avais pas du tout envie d’aller au lycée car j’étais feignant en cours. Je voulais rentrer dans le monde du travail. » Il se dirige donc vers le CFA car l’apprentissage permet de passer plus de temps en entreprise que le lycée hôtelier : « j’ai demandé quel était le meilleur patron de Blois. On m’a dit que c’était le restaurant étoilé L’Orangerie et c’est là que j’ai commencé. » C’était la première vraie expérience de l’adolescent en cuisine, alors que rien ne l’y prédestinait (pas de passion, pas de famille dans la restauration). Parfois, le hasard fait bien les choses…

Priorité au local…

La suite du CV de Maximilien Bridier est longue comme la carte d’un mauvais restaurant touristique d’une station balnéaire : Le Relais de Bracieux (autre étoilé du Loir-et-Cher, en apprentissage), deux prix de concours de cuisine, le titre de major de promo pour son brevet professionnel, chef de partie pendant un an à l’Orangerie de Blois où il retourne, chef dans un restaurant gastronomique du Sud-Ouest de l’Angleterre (près de Plymouth) « pour apprendre l’anglais, avec déjà l’objectif d’ouvrir mon affaire un jour » (repéré sur le net par un chasseur de tête, il y décrochera deux rosettes dans un guide britannique)…

Ce n’est pas fini : de retour en France, le jeune cuisinier file chez un étoilé bourguignon puis 4 ans en Suisse (« cette fois, c’était à mon tour de suivre ma femme qui avait trouvé un travail à la frontière. ») et enfin il part faire un long voyage avec sa moitié et leurs sacs à dos pour découvrir l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les Etats-Unis, l’Indonésie…

« A l’étranger j’ai découvert des fruits et légumes que je ne connaissais pas aux noms imprononçables. Je me souviens aussi d’avoir mangé des poissons juste sortis de l’eau en tailleur dans un tipi à Bali, ou d’avoir partagé un repas avec des locaux en haut d’une montagne. C’est superbe, et ça peut donner quelques idées. »

Trois mois pour créer une recette de pain

Des idées, Maximilien Bridier n’en manque pas. Également formé pour faire du pain, l’une des premières choses qu’il a entreprises à son arrivée à Tours c’est l’achat d’un nouveau four pour confectionner les pains du restaurant.

« On le cuit deux fois par jour et il nous a fallu trois mois pour établir la recette. Il fallait tenir compte du temps de repos, de la température ambiante, de l’hygrométrie… Ça faisait beaucoup de choses à adapter. Avant il n’y avait qu’une variété de pain blanc. Aujourd’hui on a aussi du pain aux graines. Le chef pâtissier Thierry Boulay s’occupe aussi des toasts pour l’apéritif, du pain aux noix pour le fromage ou du pain brioché aux figues pour le foie gras. »

« On achète aucun produit travaillé, que du produit brut » insiste plusieurs fois le jeune chef tourangeau. Depuis sa prise de fonction, il se construit son réseau de producteurs, de préférence en local et exclusivement avec des produits de saison : « le local c’est la priorité, ce sont les gens d’ici qui me font vivre. On peut les visiter, on sait comment c’est fait, éventuellement demander ce qu’on a besoin. Je suis membre du collège culinaire au sein duquel on se bat avec des chefs comme Alain Ducasse ou Anne-Sophie Pic pour réapprendre les saisons aux gens. Aujourd’hui ça ne choque personne de manger une tomate en décembre ou une fraise en février et c’est grave. On mange mal, on oublie le goût et en plus on coule l’économie française. Il va falloir avoir une vraie remise en question » s’emporte quasiment Maximilien Bridier.

« Ce que j’aime faire c’est de bons plats classiques »

A sa petite échelle, il s’efforce donc de proposer une cuisine traditionnelle, de saison, mais néanmoins créative. Après avoir gardé la carte d’Alain Couturier pendant un mois, il a provisoirement apporté sa touche sur le menu et le change au moins une fois tous les 3 mois avec un menu du midi à 35€, des plats à la carte à une trentaine d’euros ou encore un menu carte blanche à 75€.

« Cette carte, c’est un travail d’équipe » note Maximilien Bridier qui affirme promouvoir une ambiance respectueuse en cuisine, à l’inverse de ce qu’il a parfois pu connaître : « une fois qu’on respecte tout le monde, ça marche bien tout de suite. » Il enchaîne : « là, c’est bientôt l’arrivée des gibier, du canard col vert par exemple. J’avais envie de faire une tourte, mon second a proposé d’y mettre du foie gras, on a fait des essais… Pareil pour un dessert à la poire… Pour m’inspirer, je lis de vieux bouquins, des magazines, Internet… Je regarde ce que font les autres… Ce que j’aime faire, c’est de bons plats classiques. Par exemple on propose une blanquette de veau. Où est-ce que vous mangez une vraie bonne blanquette de veau à Tours ? Et un Paris-Brest ? J’aime faire les choses simplement et avec de bons produits. Souvent certains revisitent sans connaître les bases. »

 

Un degré en plus :

Maximilien Bridier participe ce vendredi au don du sang gastronomique de l’Hôtel de Ville de Tours (12h30-18h30). Il va produire 400 verrines qui seront servies aux donneurs juste après la piqûre. Au menu : espuma de persil avec un toast de saumon fumé fait ici ; miettes de homard , crème acidulée, avruga et oxalis ; chou à la vanille avec un croquant au café et tartelette au chocolat noir Valrona. Plus d’infos en lisant cet article sur Info Tours.

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