Hier soir, place Jean Jaurès à Tours, un important dispositif policier quadrillait les différents accès à l’Hôtel de Ville. La raison ? La venue, pour la première fois depuis qu’il est à Matignon, de Manuel Valls. Le 1er ministre a choisi Tours pour soutenir les candidats socialistes juste avant le second tour des départementales. C’est en « ministre-militant » conquérant qu’il a pris pendant une heure la parole devant une salle remplie et surchauffée. Retour sur une soirée teintée de discours offensifs et incisifs.
Plus de 650 personnes s’étaient donné rendez-vous ce jeudi soir dans la salle des fêtes de l’Hôtel de Ville. Parmi eux tous les ténors locaux de la gauche socialiste, parlementaires, maires et élus locaux. Mais aussi et surtout les candidats encore en lice pour le second tour des élections départementales. Quatorze binômes qui, dimanche prochain, essaieront de faire mentir les pronostics donnant une gauche perdante le 29 mars au soir. Quatorze binômes installés sur la scène prête à accueillir le chef du gouvernement.
On pourrait être surpris, de prime abord, par la venue de Manuel Valls. En effet, une grande partie de la campagne pour les élus socialistes tourangeaux a été de « dénationaliser » ces élections départementales afin que les électeurs ne soient pas tentés de sanctionner les candidats vis-à-vis de la politique du gouvernement jugée trop libérale par une partie de la gauche socialiste. Dans toutes les bouches des candidats, le mot d’ordre scandé sur les marchés, porte à porte et réunions publiques était fondé sur la proximité des candidats, débiteurs d’un bon bilan sous la présidence du conseiller général sortant, Frédéric Thomas. Exit donc les actions gouvernementales. « Ces élections ne sont pas nationales » entendait-on à hue et à dia. Pas question donc, de faire référence à Manuel Valls et à la politique de son gouvernement.
Seulement voilà, la venue du premier des socialistes, la venue d’un « poids lourd » de la gauche, cela ne se refuse pas. Surtout quand une partie des socialistes tourangeaux croient à un sursaut d’un électorat qui s’est dispersé, tels des moutons de panurge, au premier tour. Quelques minutes avant le début de cette soirée, le député de Tours, Jean-Patrick Gille, se prépare à revêtir le costume de « monsieur loyal » pour animer la soirée. « Ce soir, on met le paquet car nos résultats dans le département sont dans la fourchette haute » nous glisse-t-il. Pour Frédéric Thomas, président sortant du Conseil général et qui croit en ses chances, « la venue de Manuel Valls montre que le Premier Ministre porte une attention toute particulière à la Touraine ».
A 20h, dans une salle remplie de militants, badauds, curieux et étudiants, Manuel Valls fait une entrée triomphante. Il s’installe au premier rang à côté de Marisol Touraine et Jean Germain. « Dans notre département, rien n’est joué ! » lance JP. Gille pour débuter ce meeting décisif. Très rapidement, le député de Tours tacle la droite : « On ne comprend pas pourquoi Philippe Briand n’appelle pas à voter contre le Front National en Touraine ».
Au tour de la Ministre de la Santé, M. Touraine, de prendre la parole. « Ici en Touraine, rien n’est joué. La droite n’apporte pas de solutions et le programme FN n’est qu’une tromperie !… ». Ce soir les ténors socialistes ont décidé de taper dur comme dans le dernier round d’un match de boxe au coude à coude. Pour la ministre, « la droite propose toujours des candidats dépensiers, installés et passifs. Et dans cette mairie, à Tours, la première décision fut celle d’augmenter les indemnités des élus ! ». L’heure tourne. On entend dans la salle des chuchotements. « On est venu entendre Valls, quand est-ce qu’il parle ? ». Le député-chauffeur de salle reprend le micro et donne la parole à Frédéric Thomas. Le président sortant est porté par les clameurs de la salle. « « Ma Touraine » est le seul vrai projet proposé à ce jour. La droite avait promis de se saisir du Conseil général et cela sans faire campagne. Ils se sont trompés ! ». Pendant vingt minutes, F. Thomas rappellera les réalisations de sa politique et de celles qu’ils l’ont précédées avant lui.
Il est 21h. Dans 75 minutes, le Premier Ministre devra quitter la salle pour sauter dans le dernier TGV. C’est sous une nuée d’applaudissements et debout que les militants et sympathisants accueillent le chef du gouvernement. Manuel Valls prend l’espace. Le pupitre sur lequel il vient de poser son discours lui servira de tribune et d’outil pour une gestuelle travaillée. On sait l’homme orateur et tribun. « Je suis venu pour mobiliser et convaincre les électeurs d’Indre-et-Loire, mais aussi de toute la France. Ce ne sont pas les commentateurs et pronostiqueurs qui feront l’élection mais vous ! ». Et le Premier Ministre de donner son premier coup d’estoc à la droite : « La gauche seule porte l’espoir dans les départements. Répondre là où la droite n’apporte pas de solutions, ni le FN ! L’extrême droite est un danger mortel pour la France ».
Nicolas Sarkozy ne sera pas oublié non plus : « Avec Sarkozy, c’est aussi le « moins moins » ! Moins de services publics, moins de moyens pour les collectivités locales, moins d’écoles, moins de moyens aussi pour nos policiers ou forces armées,… ». Et de conclure, « Il nous reste trois jours, battez-vous et défendez votre bilan !!! ». C’est debout que la salle applaudit la conclusion d’un discours déjà tourné vers le congrès du PS en juin.
Dimanche, ce sont les électeurs tourangeaux qui auront le dernier mot. Au soir des résultats du second tour, et quoiqu’il arrive, les trois camps auront gagné. La droite, si elle remporte le Conseil départemental, la gauche si elle tempère et absorbe le choc d’une défaite annoncée et le Front National qui fera gorges chaudes de ses résultats historiques dans ce type d’élections. Pourtant, c’est bien la démocratie qui pourrait être perdante. L’abstention est belle et bien là, les discours de stigmatisation et faciles ont pris le dessus sur les programmes souvent inaudibles et l’affrontement par déclarations chocs des deux grands partis de gouvernement lasse un électeur versatile prêt parfois à faire le grand écart électoral. A moins que le salut ne vienne d’une prise de conscience commune. Réponse dimanche soir.
Crédits photos : Mathieu Giua pour 37°