A la mi-mars, un collectif lançait une mobilisation pour alerter sur les difficultés économiques touchant les commerces du centre-ville de Tours. Ses fondateurs revendiquent 190 membres « commerçants, artisans, chefs d’entreprises »…mais aussi des « citoyens engagés ». Ou devrait-on plutôt dire des citoyens… en campagne ?
Le maire écologiste de Tours Emmanuel Denis a choisi de fermer le Pont Wilson aux voitures dans la foulée de son élection. La voie nord-sud est désormais réservée aux vélos ce qui a le don d’ulcérer la droite et une partie du monde économique qui ne cessent de demander sa réouverture aux véhicules motorisés à coups de commentaires sur Facebook. C’est aussi la première revendication de la pétition du collectif « Sauvons notre centre-ville de Tours » soutenue par plus de 2 600 personnes au moment de la publication de cet article.
Symbole d’une ville à la circulation « apaisée » pour la majorité municipale, cette mesure unilatérale a été la première d’une longue série avec l’ambition affichée de réduire la place des voitures en centre-ville, notamment en les dirigeant vers les parkings souterrains pour le stationnement. La Rue Buffon, la Rue Marceau, le Boulevard Béranger, le quartier Colbert, l’Avenue de Grammont… Tous ces secteurs proches des commerces ont vu leur plan de circulation transformé, suscitant des critiques : des commerçants assurant que leurs clients se font plus rares car ils ne peuvent plus se garer, et des internautes qui menacent de faire uniquement leurs courses sur Internet ou dans les zones commerciales.
En face, la mairie tente de calmer le jeu, l’adjoint au commerce Iman Manzari rappelant à l’envie que le nombre de cellules commerciales vides est plus faible à Tours que dans les autres villes de même taille. Plusieurs grandes enseignes se sont d’ailleurs installées récemment en centre-ville, de la marque de vêtements Faguo à l’enseigne discount Normal en passant par le fabricant de cosmétiques Avril, ou tout récemment une franchise de foccacias et un magasin de vêtements dégriffés en haut de la Rue Nationale. Il n’empêche, certains profils cumulent les posts de locaux vides comme des preuves ultimes que ce serait la bérézina.
Qui sont ces profils ? Ni des analystes de l’INSEE, ni des représentants du tribunal de commerce, seules entités qui pourraient dresser un réel bilan circonstancié des forces et faiblesses du centre-ville de Tours. Il s’agit de personnalités en partie engagées contre la municipalité en place, et qui font le pari que le sujet de l’accès aux commerces est de nature à mobiliser au-delà de leur base électorale et donc en mesure de leur faire gagner des voix lors des Municipales de 2026.
Il suffit de regarder qui a participé à la manifestation « surprise » lors du dernier conseil municipal à l’Hôtel de Ville, à coups de t-shirts « Sauvons notre centre-ville » : un ancien élu de la liste de droite de Serge Babary et un barman ancien colistier du centriste Xavier Dateu. Parmi les acteurs économiques très remontés contre la municipalité on trouve aussi une restauratrice élue à la Chambre de Commerce et d’Industrie… sachant que le collectif s’est tourné vers cette institution pour solliciter son soutien et assurer une sorte de médiation avec la ville.
Ce n’est pas tout : lorsque la rumeur de suppression de places de parking Boulevard Heurteloup a commencé à émerger, une manifestation impromptue s’est montée devant la mairie, à la suite d’une diffusion de messages sur les réseaux sociaux. Qui était là ? Les candidats aux Municipales Olivier Lebreton et Benoist Pierre. Le centriste Pierre Commandeur – élu d’opposition et lui-même commerçant – ne manque par ailleurs jamais de marquer son soutien à ces initiatives.
Il y a donc une porosité complètement assumée entre le collectif des commerçants opposés à la politique municipale en matière de circulation et les ouailles de la droite et du centre en campagne pour l’alternance à la tête de la ville. Les uns nourrissent les autres et réciproquement. Mais attention à l’effet grossissant de ce genre de mobilisation : la ville de Tours compte près de 2 000 commerces. Le collectif revendique 190 membres, mais pas 190 boutiques différentes. Quant aux 2 600 signatures, elles ne représentent que 2% de la population municipale. Certaines mobilisations pour l’éducation sont capables de faire aussi bien.
Enfin, il est important de noter que la principale association de commerçants – Com & A, ex-Vitrines de Tours – n’est pas engagée officiellement dans ce combat. Son président prône d’ailleurs une stratégie de dialogue avec la municipalité, sur le sujet de la circulation comme sur les autres préoccupations du secteur. Et de rappeler au passage que « parmi les membres, j’ai aussi des commerçants qui soutiennent les pistes cyclables ». Ils sont juste beaucoup moins expressifs.