Municipales à Tours : l’urbanisme, l’autre enjeu du 2e tour

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Non, la campagne du 2e tour des élections municipales de Tours ne se fera pas que sur le plan d’attaque post-Covid ou l’écologie. La politique d’aménagement de la ville ressurgit également dans le débat avec un projet immobilier contesté à Tours-Nord, sans oublier le bilan des six dernières années.

Toute personne qui suit de près la politique tourangelle se souvient du coup de gueule de Serge Babary quand il était maire de Tours (avant de préférer le Sénat à son bureau de l’Hôtel de Ville) : l’élu ne voulait plus voir de « cubes beiges » dans le paysage urbain tourangeau, expression désignant des projets de promoteurs immobiliers inadaptés au paysage ligérien. Depuis, la ville de Tours a édité une charte pour les constructeurs et modifié son Plan Local d’Urbanisme pour encadrer les chantiers. Efficace ? Encore un peu tôt pour le dire, il faudra voir par exemple le résultat une fois que les nouveaux quartiers seront sortis de terre (les Hauts de Sainte-Radegonde au nord de Loire ou les Casernes à Tours-Centre). Ce sera dans plusieurs années.

Cela dit, à Tours, la frénésie de construction n’a jamais vraiment cessé, sur fond de manque de logements pour les familles. Aux Deux-Lions, les engins de chantier grignotent peu à peu les espaces vides et Tours-Nord poursuit sa densification. Dans le quartier des Douets, un projet de 127 logements fait débat en lisière du Parc de la Cousinerie. Il est étroitement lié à l’IME de l’association Saint-Martin des Douets qui vend une partie de son terrain en échange du financement d’un semi-internat pour des jeunes en situation de handicap. « C’est un projet qui ne se soucie pas des conséquences sur le quartier » dénonce le président du comité de quartier Douets-Milletière Alain Bertrand qui fait tourner une pétition depuis le confinement (elle a dépassé le millier de signatures).

Un projet qui rythme la campagne électorale

Ce qui interroge et inquiète les riverains c’est d’abord le déclassement d’une zone boisée déclarée inconstructible dans le PLU de 2011 mais sur laquelle on peut désormais intervenir : « On sait que les promoteurs se retrouvent à court de terrain sur Tours-Nord » analyse Alain Bertrand qui craint d’autres projets sur des espaces naturels encore préservés. Avec des conséquences comme une suroccupation des bâtiments scolaires déjà bien chargés, une densification de la circulation automobile et une exposition au risque de débordement de la Petite Gironde, le ruisseau qui traverse le quartier et inonde déjà quelques habitations lors de fortes pluies. « C’est un projet qui n’est pas réfléchi et qui n’a pas été concerté » accuse le président.

Le Comité de Quartier n’a pas encore saisi la justice mais il a monté un recours gracieux. Il a également demandé des explications au maire de Tours, ulcéré d’apprendre la signature du permis de construire le 12 février, quatre jours après avoir eu l’assurance qu’il n’y avait pas de projet en cours de la part de Christophe Bouchet.

L’affaire en devient donc politique, l’opposant Emmanuel Denis ayant signé la pétition pour revoir les plans. Ni lui, ni le maire en place n’ont répondu à notre demande d’interview sur le sujet. Quant à l’IME, il s’inquiète de la démarche des habitants : « Nous nous devons de défendre un projet au service d’adolescents en situation de handicap. Le parc de la Cousinerie n’est aucunement impacté. L’abattage des arbres ne comprend aucun arbre remarquable » assène Sœur Chantal Lelimouzin dans la NR. Pour faire pression à son tour, un collectif de salariés s’est monté sur Facebook et distribue des tracts. Il écrit : « Soutenir la pétition et le dépôt d’un recours (alors même que le Parc de la Cousinerie n’est pas concerné), c’est aussi s’opposer à l’amélioration de l’accompagnement des personnes en situation de handicap qui se fait aujourd’hui dans un bâtiment vétuste et inadapté. » De son côté, le promoteur Ataraxia défend « un tremplin urbanistique ».

Quelle politique urbaine jusqu’en 2026 ?

De la personnalité élue maire de Tours au soir du 28 juin pourrait dépendre l’avenir de cette construction aux Douets. Mais pas que. Avant le premier tour, ce sont deux analyses différentes de la ville qui se sont opposées dans les camps des deux listes arrivées en tête. D’un côté Christophe Bouchet priorise l’émergence de nouveaux marqueurs urbains via l’Appel à Projets Innovants lancé ces derniers mois (pour repenser l’EHPAD de l’Ermitage, le Sanitas ou le Hangar Col) quand Emmanuel Denis plaide pour un développement de l’habitat participatif ou l’utilisation de l’établissement foncier de la Métropole pour lutter contre la spéculation immobilière et la bétonisation. Nouvel allié de Christophe Bouchet, Benoist Pierre souhaitait lui stopper « l’anarchie architecturale » de Tours-Nord dans une formule rappelant celle de Serge Babary. Néanmoins, il ne s’est pas engagé contre le projet des Douets.

En pratique, le nouveau maire de Tours n’aura pas une marge de manœuvre illimitée, les projets émergeants devant se faire dans le cadre du PLU récemment adopté (le remodeler est un travail de plusieurs années). Il faudra composer avec les désidératas des riverains, les besoins en logements de la ville et l’urgence écologique en évitant les erreurs du passé (naissance de quartiers sans équipements de proximité). Le futur élu pourra tout de même imposer sa vision dans certains projets majeurs et structurants tels les Casernes (encore à l’état d’embryon) mais surtout la rénovation du Haut de la Tranchée voire même les futures Halles de Tours. Le tout dans un marché immobilier qui risque d’être bousculé par la crise du coronavirus, dont on ignore encore l’ensemble des conséquences.

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