L’alliance entre les listes de Christophe Bouchet et de Benoist Pierre n’a pas manqué de faire réagir dans le milieu politique tourangeau.
Mardi dernier, lors de la conférence de presse officialisant l’union entre les deux candidats, Christophe Bouchet ne manquait pas de se satisfaire de conduire une liste « allant du centre-gauche à la droite. »
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Une union hétéroclite dénoncée à gauche
Cette liste d’union composée de 16 membres de l’ancienne liste conduite par Benoist Pierre et de 39 de celle de Christophe Bouchet, regroupe désormais pas moins de 6 personnes ayant été collaborateurs, colistiers ou membres des équipes de l’ancien maire socialiste Jean Germain (Mélanie Fortier, Céline Delagarde, Caroline Deforge, Pierre Commandeur, David Chollet, Jean-Jacques Place). A leurs côtés, un socle de la majorité sortante composé de membres du parti Les Républicains (Marion Nicolay-Cabanne, Olivier Le Breton, Jérôme Tebaldi…), pourtant pas tendres depuis 2014 avec la gestion de l’ancien maire socialiste. On retrouve également la partie « démocrate-chrétienne » de la droite locale issue de la majorité sortante (Cécile Chevillard, Aurélie Ossadzow, Thibault Coulon, Edouard de Germay, Brice Droineau), des membres du centre-droit, tendance UDI, radicaux ou non encartés (Christophe Bouchet, Romain Brutineau et donc des membres de LREM (Françoise Amiot, Benoist Pierre, Loïc Guilpain…).
Un assemblage hétéroclite que les partisans d’Emmanuel Denis, le candidat écologiste qualifié également pour le second tour, n’ont pas manqué de dénoncer dès son annonce avec une stratégie évidente : la décrédibiliser en cherchant à la réduire à un accord politicien électoraliste.
Sans surprises les déclarations passées conflictuelles entre les uns et les autres ont été ressorties par les proches d’Emmanuel Denis. Parmi les personnes visées ad-hominem on retrouve Barbara Darnet-Malaquin ancienne adjointe à l’Education entre 2014 et 2019 qui avait quitté la majorité en janvier de cette année-là sur fonds d’invectives avec le maire Christophe Bouchet qu’elle accusait de l’avoir insultée publiquement. Pierre Commandeur, élu sur la liste conduite par Jean Germain en 2014 et particulièrement virulent avec Christophe Bouchet au cours du mandat qui s’achève est ciblé également comme symbole de ce que les soutiens d’Emmanuel Denis qualifient de « retournement de veste. »
Peu à l’aise de se retrouver colistiers avec des personnes de la mouvance de la « Manif pour Tous » et de sa suite politique « Sens Commun », plusieurs membres issus de la liste originelle de Benoist Pierre avancent néanmoins les avancées programmatiques obtenues dans l’accord : Création d’un délégué ou adjoint à l’égalité et aux luttes contre les discriminations, la création d’un espace dédié aux intégrations et à la diversité intégrant le Centre LGBTI…
Cela n’aura pas convaincu tout le monde. L’ancien colistier de Benoist Pierre, Mickaël Achard, co-président du centre LGBTI de Touraine pendant plusieurs années, s’est même personnellement exprimé sur les réseaux sociaux en s’inquiétant de cette union :
« Alors que le programme de la liste « C’est votre Tours » (sur laquelle j’étais engagé) était à la pointe en ce qui concerne la lutte contre les discriminations et les violences faites aux femmes, une fusion s’opère avec des colistiers du maire actuel qui ont lutté contre l’égalité des droits pendant 6 ans (qu’ils soient proches de la Manif pour tous et/ou du FN…). Au-delà des arrangements politiques, je m’interroge sur la possibilité de mettre en œuvre un programme qui lutte réellement contre les inégalités et les violences avec de telles personnalités. C’est pourquoi, je ne pourrai pas soutenir cette nouvelle liste. J’espère néanmoins, dans un tel contexte, que Benoist Pierre saura porter haut et fort les valeurs d’une ville qui soit inclusive et qui œuvre, enfin, à réduire les discriminations. Le combat contre les discriminations doit se poursuivre. »
Face aux critiques, du côté de la nouvelle union, on avance à l’inverse un « Pragmatisme municipal à l’opposé de l’idéologie non réaliste » du candidat Emmanuel Denis et on évoque une « alliance responsable pour répondre à la situation d’urgence. »
Une alliance qui peut inverser le rapport de forces ?
Cette alliance est-elle néanmoins un signe de faiblesse ? Distancé par Emmanuel Denis au premier tour de 10 points, Christophe Bouchet sait que pour conserver la Mairie il lui faudrait des soutiens. Celui de Xavier Dateu était attendu (4,81%), il peut espérer également récupérer une partie des voix des électeurs du Rassemblement National (5,67%) … Christophe Bouchet compte également sur un reflux de l’abstention, très haute à Tours et notamment chez les personnes âgées, traditionnellement plus enclines à voter à droite. Malgré tout, le maintien de la liste de Benoist Pierre (12,67%) aurait très certainement scellé la défaite, les deux candidats étant sur un espace politique proche.
Un accord était donc quasi-obligatoire pour espérer renverser les choses et l’emporter au soir du 28 juin. Pour y arriver il a fallu donc accepter d’intégrer beaucoup de points issus des propositions initiales de Benoist Pierre, notamment sur les questions sociétales, mais aussi sur la deuxième ligne de tramway qu’il dit désormais vouloir revoir ou encore selon nos informations sur le projet de rénovation des Halles, un marqueur de la fin de mandat passé qui avait suscité l’hostilités des commerçants et qui devrait selon l’accord programmatique conclu être finalement revu intégralement.
Christophe Bouchet a-t-il donné beaucoup de garanties car se sentant en danger ? On peut se poser la question. Bien sûr le maire sortant refuse cette analyse. Ainsi quand on lui demande s’il se retrouve challenger dans ce 2e tour, il feint l’étonnement, faisant remarquer que l’addition des scores des deux listes fusionnées au premier tour arrive à 38%, soit plus que celui d’Emmanuel Denis (35,45%). Comparaison n’est pas raison, mais dans une situation similaire en 2014, l’accord entre les Verts et le PS lors de l’entre-deux tours n’avait pas permis de l’emporter malgré une arithmétique qui leur donnait l’avantage. La liste d’union conduite par Jean Germain avait finalement largement échoué face à la dynamique de celle de droite, portée alors par Serge Babary. « En 2014, leur accord s’était fait dans la douleur, nous il s’est fait naturellement car nos programmes étaient proches » singe Christophe Bouchet quand on fait le parallèle.
Les alliances comme clé du scrutin
La critique des alliances n’est pas l’apanage de la gauche. Avant le premier tour, les colistiers et partisans de Christophe Bouchet avaient largement critiqué le rassemblement de la gauche opéré par la tête de liste Emmanuel Denis en cherchant à le radicaliser. Visuels sur les réseaux sociaux, tracts, éléments de langage… autant de moyens de dénoncer ce qui est vu comme « un péril rouge », un « extrémisme » et un « danger pour la démocratie », en raison de la présence d’anciens du NPA ou de membres de la France Insoumise sur la liste du candidat écologiste.
Au-delà des stratégies évidentes de communication politique, on peut s’interroger sur ces alliances. Bien sûr les accords politiques entre différents partis ont toujours fait partie du paysage, permettant de dégager des courants majoritaires. Auparavant, ils se limitaient néanmoins à l’intérieur des grandes lignes politiques de gauche ou de droite. Union de la droite et du centre-droit d’un côté, gauche plurielle de l’autre…
Depuis 2017, la recomposition du paysage politique a conduit à un estompement des lignes politiques classiques. Celles-ci avaient déjà tendance à s’effacer en local face à ce qui était souvent expliqué comme du pragmatisme municipal. Jean Germain avait ainsi réussi à mener une liste en 2008 allant du Parti Communiste jusqu’au Modem, avec d’anciens membres de l’UDF à l’instar de Colette Girard qui siégeait alors à la fois dans la majorité socialiste à Tours et dans l’opposition de droite au Conseil Régional où Jean Germain était pourtant vice-président…
Oui mais entre-temps les attentes des électeurs ont changé et alors que La République En Marche promettait un « nouveau monde » ces alliances sont parfois perçues justement comme de la politique à l’ancienne. Pourtant, sans elles, on le voit, difficile de créer une dynamique et d’espérer l’emporter. La gauche a réussi à se rassembler, non sans difficultés avant le 1er tour, de la France Insoumise jusqu’au Parti Socialiste en passant par les écologistes, pourtant pas tendres d’ordinaire les uns envers les autres. Mais ce n’est qu’à cette condition qu’ils ont pu arriver en tête le 15 mars dernier. Les candidats Benoist Pierre et Christophe Bouchet espèrent faire de même dans un temps plus court avant ce 2e tour, avec la chance de leur côté que cette campagne pour le tour final ne sera pas comme à l’accoutumée d’une semaine, mais de plus de trois semaines. De quoi permettre de dévoiler un projet et de le faire connaître aux Tourangeaux.
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