Il reste 9 mois avant les prochaines élections municipales à Tours. Un scrutin à enjeux, et pas seulement parce que c’est la plus grande commune du département. L’élection d’un maire vert en 2020, et certaines mesures prises depuis (en particulier en matière de mobilités), ont fait de la ville une cible de premier choix pour les adversaires de l’écologie politique. Et ce, au niveau national. Ainsi, le RN a désigné un de ses porte-parole pour mener la liste du parti d’extrême droite. Tandis que le député centriste du Lochois Henri Alfandari a annoncé se lancer dans la bataille avec l’espoir de faire un coup politique. De quoi rebattre les cartes de la campagne.
Jusqu’à l’hiver 2025, on pensait naïvement que le plus grand enjeu de la pré-campagne des élections municipales de Tours serait la recherche d’un candidat commun pour porter les idées de la droite et du centre. On se disait alors que le scrutin de 2026 serait un beau duel entre le maire sortant Emmanuel Denis et la liste de ses principaux opposants. On pensait même que ça nous offrirait de jolis débats de fond, à l’écart de la mode médiatique qui consiste à empiler les petites phrases les unes sur les autres.
Cette supposition aurait pu être renforcée par la révélation récente du programme détaillé d’Alain Dayan. L’ex-adjoint socialiste de Jean Germain, désormais éloigné du parti, a publié un document où chaque mesure est chiffrée, ce qui est assez rare pour être signalé. Une démarche pour tenter de gagner en crédibilité alors que la dynamique n’est pas vraiment en sa faveur (sa candidature aux élections législatives de 2024 a été confidentielle puisqu’il n’a recueilli que 1 690 voix au 1er tour, soit 3,6% des suffrages exprimés).
Mais entre-temps, la politique spectacle s’est mêlée des affaires tourangelles avec pour conséquence de concentrer l’attention sur les personnes plutôt que sur les idées. Alléchés par l’envie de se frotter à un maire vert – l’épouvantail politique suprême pour le bord droit de l’échiquier politique (aka Lyon, Grenoble ou Bordeaux) – deux candidats inattendus se sont lancés dans l’arène.
D’abord Aleksandar Nikolic. Porte-parole du Rassemblement National, eurodéputé et conseiller régional issu du département d’Eure-et-Loir, il est la preuve que le parti de Marine Le Pen a des ambitions sur ce scrutin, souhaitant envoyer à Tours une tête d’affiche capable de ferrailler dans les débats, plutôt que de se baser uniquement sur les forces locales. Certes c’est un parachutage en règle, mais le mouvement ne s’est jamais préoccupé de ce genre de question car ses électeurs locaux votent davantage pour une étiquette que pour une personnalité.
Les premiers actes de campagne sont sans surprise : annonce de candidature dans le journal d’extrême droite Valeurs actuelles et propos ciblés sur les mobilités, la sécurité ou l’instauration de prétendus « espaces interdits aux blancs » à Tours. Du RN pur jus. Officiellement l’ambition est de ravir la mairie. Plus raisonnablement, l’idée est de revenir au conseil municipal. Le RN y avait 2 élus de 2014 à 2020, mais il les a perdus en faisant moins de 10% des voix lors du dernier scrutin. Comme il a progressé depuis, flirtant avec les 20% aux élections nationales, l’espoir de reprendre des postes est permis dans une ville qui lui est traditionnellement défavorable.
L’autre invité surprise c’est Henri Alfandari. S’il est né à Tours, il est aujourd’hui député de la 3e circonscription d’Indre-et-Loire soit le Lochois + Chambray, Saint-Avertin et St-Pierre-des-Corps. Un semi-parachutage et un potentiel abandon de ses électeurs qu’il justifie dans un courrier distribué dans les boîtes aux lettres : « J’ai acquis la certitude qu’il ne devrait pas y avoir de frontières entre la ruralité et la métropole, pas plus qu’entre la métropole et Tours. Ces différents territoires de nos vies se nourrissent mutuellement » écrit-il, singeant ensuite les choix « dogmatiques » de la municipalité en place et promettant « une vision différente : une ville ouverte, connectée à son environnement. »
Rien de surprenant dans le discours. L’élu Horizons est dans la ligne de ce que dit la droite et le centre depuis des années. Il n’aura sans doute pas de mal à se faire entendre des sympathisants qui ne suivent pas de près les soubresauts de la politique locale, d’autant qu’il a rallié à lui un petit panel hétéroclite de personnalités locales : de Mélanie Fortier (ex-PRG) à Thibault Coulon (LR) en passant par Barbara Darnet-Malaquin et, surtout, Benoist Pierre – candidat macroniste de 2020 et représentant de la majorité présidentielle aux législatives 2024.
Il n’empêche, il a encore un gros caillou dans sa chaussure. Ou même deux : Christophe Bouchet et Olivier Lebreton. L’ancien maire centriste, aux affaires de 2017 à 2020, et le conseiller départemental LR sont pour l’instant bien décidés à ne pas rejoindre sa campagne. Rivaux pour la mène d’une tête de liste, ils se sont promis de tout faire pour s’entendre derrière un nom commun… sauf qu’Henri Alfandari n’a pas leurs faveurs, ce qui rend possible une division de la droite au 1er tour. Ce qui ne ferait pas du tout ses affaires.
Les deux hommes finiront-ils par se ranger ? Pour l’instant c’est plutôt avec Alain Dayan qu’ils discutent, puisqu’à la surprise générale on les a vus signer avec lui une charte des valeurs qui refuse « que le débat soit confisqué par les extrêmes ou dévoyé par des idéologies contraires au bon sens et à l’intérêt général. » Il est bien précisé qu’il ne s’agit pas d’une alliance en vue d’une candidature commune mais comme rien ne semble impossible en 2025, on se demande si ça ne finira pas par arriver.
Pendant ce temps-là, Emmanuel Denis n’est toujours pas officiellement sorti du bois. Le maire profite des dernières semaines précédant la période où il doit entrer en réserve pour lancer ses derniers projets et communiquer au maximum sur son bilan avec les outils municipaux. En parallèle, il prépare une tentative d’union avec le collectif C’est Au Tour(s) du Peuple, parti seul en 2020 derrière Claude Bourdin, et avec qui l’alliance lui assurerait un maximum de voix au 1er tour.
Lors d’une conférence organisée mardi 17 juin, le collectif qui compte une trentaine de membres actifs a confirmé son intérêt pour une telle démarche, tant que le futur programme commun intègre ses priorités comme des expérimentations de transports publics gratuits le week-end, la mise en place de référendums locaux ou la création de maisons de santé dans tous les quartiers. Si cela n’aboutit pas, Claude Bourdin ne partira pas seul mais pourrait participer à une liste dissidente avec le « bloc rouge » incluant le NPA, Après… mais aussi, et surtout, La France Insoumise.
Le parti étant en guerre ouverte avec le PS au niveau national, on se demande ce qui sera le plus fort entre la force de l’alliance locale scellée en 2020 ou les directives de Jean-Luc Mélenchon. Là-encore, cela risque d’effacer le fond au profit de la forme. Alors que la politique, et le débat local en particulier, ont cruellement besoin d’une mise en avant des idées plutôt que de batailles d’égos.