Ligne B du tram de Tours : le projet massivement torpillé pendant l’enquête publique

Facebook
Twitter
Email

On le sait : les opposants à un projet ont plus facilement tendance à se faire entendre que ses soutiens. Le chantier de ligne B du tram de Tours ne fait pas exception. Alors que l’enquête publique s’achève ce jeudi 31 octobre, la grande majorité des avis disponibles en ligne font part de leur ressentiment voire de leur colère vis-à-vis des travaux qui doivent démarrer à l’été 2025. Faut-il y voir un baroud d’honneur des rabat-joie avant le plébiscite comme celui que l’on connait aujourd’hui pour la première ligne ? Ou alors le résultat logique d’un projet mal pensé et poussé au forceps sous prétexte de décarbonation des déplacements urbains ?

Un projet « ni raisonnable, ni acceptable », « non rentable » avec « des changements de circulation et des abattages d’arbres complètement antiécologiques » : une simple lecture des avis laissés dans le cadre de l’enquête publique sur le développement d’une ligne B du tram de Tours suffit à semer le doute sur l’acceptabilité du chantier par la population. Alors que l’inauguration de la liaison La Riche-Chambray est programmée à l’horizon 2028-2029, on se demande un peu qui peut sauver le soldat tram face à de telles charges.

Certes, cette concentration de commentaires négatifs n’est pas une surprise. Les collectifs d’opposants ont mobilisé leurs troupes, notamment les riverains du Boulevard Jean Royer de Tours qui ne digèrent pas que leur quartier ait été choisi comme plan B après l’abandon d’un passage par Béranger pour en préserver les arbres. Il y a aussi les contributions de groupes politiques opposés par principe à un nouveau tram, lui préférant une multiplication des bus.

Il y a aussi celles et ceux qui auraient préféré qu’on voit tout de suite le coup d’après. Ainsi, l’association Aquavit écrit :

« Le but des transports en commun est de diminuer la part de l’automobile dans les trajets quotidiens en maillant le territoire de gares et de haltes, avec parking relais. Le tramway ne traite que les liaisons intra-métropole et ne résout pas l’engorgement des entrées-sorties de l’agglomération aux heures de pointe. Seule une desserte ferroviaire telle que le projet SERM (ou RER métropolitain) le prévoit permettra de desservir tout le département en évitant de longs trajets en voiture pour rejoindre Tours. »

Cette idée que la Métropole se trompe de cible est aussi partagée par une voix de poids, celle du député centriste Henri Alfandari, qui a Chambray-lès-Tours sur son territoire. Il demande carrément le report du plan en cours:

« Avec une prévision de 33 000 passagers par jour la viabilité économique (minimum 44 000 passagers par jour) ne sera pas assurée et qu’ajoutée à la faible interconnexion il est certain que la lutte contre l’étalement urbain sera pas au rendez-vous. Ville et ruralité se nourrissent mutuellement et une ligne de tramway ne doit pas donner aux travailleurs après 45 minutes de route l’injonction de laisser leur voiture dans un parking relais.

Expliquant que « 80% des personnes qui travaillent dans la métropole n’y habitent pas » et que « 75% travaillent dans des parcs d’activité que le tram ne dessert pas ou ne desservira pas », Henri Alfandari plaide – lui aussi – pour une concentration des moyens sur l’accélération du projet de RER tourangeau, qui fait davantage consensus. D’autres élus importants font également part publiquement de leur ressenti vis-à-vis de prétendues lacunes de la ligne B comme le maire de Saint-Avertin Laurent Raymond qui juge le terminus sud de la Papoterie trop coûteux pour une fréquentation limitée. Il a intégré une pétition de plus de 1 000 signatures sur ce sujet dans le dossier d’enquête.

L’évocation de ce point précis dans le débat n’a rien d’une nouveauté. L’abandon de la section Trousseau-Papoterie fait même partie des renoncements possibles en cas de dérapage des coûts. En revanche, le fait que ce soit porté par un des maires les plus puissants de l’agglomération montre bien l’absence de concorde sur ce qui est pourtant le chantier le plus emblématique du mandat en cours. Et comme on l’avait déjà évoqué, on finit par se demander si la détermination à construire une 2e ligne de tram ne va pas dériver vers un entêtement. Du genre, « sous prétexte qu’on l’a dit on le fait. Même si c’est cher. Même si ce n’est pas optimal. Parce qu’on refuse d’avouer qu’on s’est trompé. »

Ce sentiment est notamment partagé à l‘Est où on ne comprend pas que La Riche ait été préférée à St-Pierre-des-Corps pour accueillir le tram. Les associations Convergences Services Publics et Naya (structure sociale du quartier de la Rabaterie) estiment que « la réalisation de la ligne 2 du tram ne doit pas mettre au second plan les besoins urgents actuels de déplacement des habitants de la Rabaterie, quartier de 6 000 habitants. Le financement de la ligne faisant appel aux budgets publics de tous, nous demandons donc un plan d’accompagnement avec une meilleure réponse aux différents besoins de déplacement des habitants de la Rabaterie. »

Ces différentes contributions amènent à s’interroger : à quel point le tracé actuel de la 2e ligne de tramway sert-il l’intérêt général ? On a cherché la réponse dans l’avis de 11 pages du Conseil de Développement de Tours Métropole, le Codev, ce collège citoyen moins partisan que le conseil métropolitain constitué d’élus politisés. Lui non plus ne déborde pas d’enthousiasme, rappelant sa préférence initiale pour le trajet par Béranger ou déplorant des stations éloignées de l’entrée des hôpitaux Bretonneau et Trousseau. Page 4, il enfonce le clou :

« Le CODEV s’interroge sur le lancement d’un projet de cette importance dont le coût etle financement comportent encore nombre d’incertitudes. L’évocation récente d’un recours à l’impôt pour participer au financement inquiète les contribuables et des élus métropolitains. Il préconise des ajustements du programme sans remettre en cause l’ambition de la Métropole. »

L’expression de doutes en provenance directe d’une instance de la Métropole n’est pas de nature rassurante sur la solidité du projet d’autant que le document pointe aussi des oublis sur le dossier d’enquête, comme l’absence de mention d’équipements spécifiquement dédiés au covoiturage en parallèle de la future ligne de tram. Rien non plus sur la déclassification des terrains destinés au terminus du tram B à la Papoterie (actuellement c’est une zone agricole protégée).

Comme si ça ne suffisait pas, même la CGT des transports urbains de Tours y est allée de son communiqué sceptique, étendu sur 4 pages, et critiquant par exemple les arrêts éloignés des sites d’études ou de santé. Un sujet fréquemment évoqué, ici augmenté du retour d’expérience des agents : « Les pratiques que nous constatons à bord des bus nous font craindre un report trop important sur les lignes de rabattement qui desserviront ces arrêts et potentiellement un manque d’attractivité pour la seconde ligne. »

Quand on fait l’inventaire de tous ces lièvres, on est presque assommé par la longueur de la liste. Ou alors, de l’autre côté, on se dit qu’il y a une cohorte pour chercher la petite bête et torpiller ce projet. « La première ligne de tram est un succès. Le nombre de voyageurs dépasse chaque jour les prévisions les plus optimistes. Critiquée dès la mise en œuvre du projet, plus personne n’en conteste le bien-fondé et la qualité » résume le militant écologiste François Lafourcade. Un discours qui peine à faire la Une tant les critiques squattent le terrain.

Acculés de toutes parts, les défenseurs du tram B sont donc contraints de sortir les crocs pour faire entendre leurs arguments. Le parti Les Ecologistes 37, dont fait partie le maire de Tours Emmanuel Denis, a répondu avec sévérité à la lettre du député Henri Alfandari :

« Partout en Europe, les agglomérations de notre strate ont déjà 2 à 5 lignes de tram. En cherchant à attiser les tensions entre ruraux et urbain, vous risquez de nous condamner à n’en avoir qu’une seule pour de nombreuses années encore. Et contrairement à ce que vous dites, le développement du tram participera au dynamisme économique local et à la qualité de vie du territoire, sans compter la forte réduction des émissions de CO2. »

Sur l’épineuse question financière, le mouvement poursuit :

« Les subventions pour la ligne 2 Tram sont solidifiées pour aujourd’hui seulement, et seulement dans ce but précis. En disant que ces subventions pourraient plutôt être utilisées pour le SERM (le RER métropolitain, ndlr), vous diffusez de fausses informations. »

Association pour le développement des transports en commun, l’ADTT vole également au secours du tram : « Si le projet aboutit dans les délais, il aura fallu attendre 15 ans pour obtenir la 2e ligne, ce qui est bien trop long ; il est donc plus que temps d’avancer. » Elle pointe pourtant un grand nombre de sujets qui mériteraient, selon elle, des aménagements donnant, mine de rien, de l’eau au moulin de celles et ceux qui pensent que ce projet n’est pas aussi bien élaboré qu’on pourrait l’exiger d’un chantier si structurant.

Facebook
Twitter
Email

La météo présentée par

TOURS Météo

Inscription à la newsletter