Lors des élections européennes du dimanche 9 juin, le Rassemblement National a eu moins de succès en Touraine que dans le reste du pays. Il est resté sous la barre des 30%… mais il n’y a que 9 communes d’Indre-et-Loire sur 272 qui n’ont pas placé le parti en tête (dont Tours, St-Cyr-sur-Loire ou St-Pierre-des-Corps). Ces résultats peuvent-ils ouvrir la voix à l’élection d’un ou plusieurs députés d’extrême droite dans notre département ?
En actant la dissolution de l’Assemblée Nationale dès le soir des élections européennes, Emmanuel Macron a déclenché une tempête politique à l’ampleur inédite dans l’histoire récente de la France. En quelques heures les positions se sont polarisées de toutes parts. En délicatesse depuis des mois, la gauche a réussi à reformer une union sous la bannière du Front Populaire (héritage des années 30). A l’extrême droite, Reconquête a envisagé un accord dès lundi avec le Rassemblement National, avant que le N°1 des Républicains Eric Ciotti fasse officiellement tomber la digue poreuse entre son parti et celui de Marine Le Pen en acceptant l’idée d’une alliance.
Lors des législatives des dimanches 30 juin et 1er juillet on aura donc 3 pôles très clairs : la gauche du Front Populaire, l’actuelle majorité présidentielle, et l’alliance de la droite avec l’extrême droite.
Ce paysage politique inédit sous la Ve République amène à s’interroger. De quels partis seront issus les 5 députés tourangeaux à l’issue du scrutin ? Depuis 2022, l’Indre-et-Loire comptait un député écologiste (Charles Fournier sur la 1ère circonscription qui compte une majorité de la ville de Tours) et 4 représentants de la majorité présidentielle (Daniel Labaronne sur le secteur d’Amboise, Henri Alfandari sur le Lochois, Fabienne Colboc pour le Chinonais et Sabine Thillaye dans le Nord-Ouest). Il est fort possible que cette représentation évolue d’ici un mois. Mais sous quel ordre ?
Loin de nous l’idée de faire de la politique fiction. Le mode de scrutin des Européennes est à la proportionnelle, celui des Législatives à deux tours, avec élection à la majorité relative. De plus, la participation pourrait être bien plus élevée que lors du vote de dimanche : autour de 60% contre un peu plus de 50% pour l’élection des représentants de la France au parlement européen. Ces deux paramètres impliquent une forte prudence au moment de regarder les chiffres.
Tout de même, quand on sait que le Rassemblement National 37 affiche clairement sa volonté de remporter au moins une circonscription, on est obligé de chercher un peu pour savoir laquelle. En 2022, seule la candidate RN de la 5e circonscription avait réussi à se hisser au second tour. Ambre Louisin avait alors été battue par Sabinne Thillaye qui avait frôlé les 60% des voix.
Est-ce à dire que le Nord-Ouest du département est le territoire le plus à la portée de l’extrême droite ? C’est vrai qu’il y fait des scores stratosphériques : jusqu’à 52% à Courcelles-de-Touraine, et souvent plus de 40%. Il est également arrivé en tête en zone plus urbaine, comme à Fondettes, ce qui n’est pas habituel. Pour autant, en moyenne, ce n’est pas sur ce territoire que la liste de Jordan Bardella est la plus forte : 31,09% contre 32% pour la 2e circonscription (celle d’Amboise, la plus rurale car ne comptant aucune grande ville de Tours Métropole). Au Nord-Est, le RN totalise ainsi 15 559 voix contre 14 357 pour la 5e circonscription. La part des inscrits est, elle, stable soit autour de 16% quand elle est à 15% sur le Chinonais et le Lochois, 8,17% à Tours (avec 5 873 bulletins).
A la lecture de ces chiffres, on se dit donc que le parti de Jordan Bardella et Marine Le Pen a les armes pour se qualifier au second tour dans au moins 4 des 5 circonscriptions tourangelles. Voire de réaliser un carton plein, surtout s’il est porté par une dynamique d’alliances. Quand on additionne les voix du RN, des Républicains et de Reconquête, on dépasse 44% des suffrages pour l’Amboisie, ça donne 42,5% sur le Lochois, 42% sur le Chinonais… et 45% pour le Bourgueillois (29% à Tours).
En face, les 4 principaux partis de gauche sont à 33% sur la 2e circonscription, 30% sur la 3e, 32% sur la 4e et 28% sur la 5e (47% à Tours). A part pour la 1ère circonscription, l’avantage au RN est donc très net. Surtout en cas de triangulaire avec un candidat de la majorité présidentielle. Mais tout ça c’est sans compter les incertitudes : y’aura-t-il désistement des candidats les moins bien placés pour éviter des trios de candidatures au second tour ? Quelle proportion de l’électorat LR suivra le choix d’Eric Ciotti et ira vers le RN ? En cas de duel gauche-RN, que feront les électeurs macronistes qui détestent parfois autant les Insoumis que l’extrême droite ?
Toutes ces questions n’auront pas de réponse avant début juillet mais il est fort probable que l’on ne soit pas vraiment au bout de nos surprises.