Budget du Conseil Départemental d’Indre-et-Loire : la crise, mais à quel point ?

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Vendredi 7 mars c’était le Débat d’Orientations Budgétaires au Conseil Départemental d’Indre-et-Loire. Alors que la Ville de Tours et la Métropole se gargarisent d’une hausse des investissements ces dernières années, la collectivité présidée par Nadège Arnault annonce la tendance inverse avec une réduction des nouveaux projets pour cause de finances étriquées. Vraie crise ou alarmisme ?

Les collectivités locales qui se plaignent de manquer de financements et rejettent la faute sur l’Etat ça n’a rien de nouveau. On pourrait même dire que c’est la norme. Ces dernières années, Paris les a notamment privées de la manne de la taxe d’habitation qu’elles pouvaient augmenter ou baisser selon leurs besoins. Il y a aussi les sempiternelles complaintes sur les transferts de compétences non compensées ou les réductions de budgets. Et même si le gouvernement multiplie les projets de redistribution (programmes Action Cœur de Ville pour redynamiser les centres-villes semi-ruraux, subventions pour chantiers écologiques, soutiens à l’économie…), à écouter les élus, la charge pèse toujours plus lourd sur leurs épaules.

Ainsi, lors de l’examen de la première version du budget 2025 à l’Assemblée Nationale, la ville de Tours s’était faite remarquée par la pose d’une grande banderole sur la façade de son Hôtel de Ville. Le message inscrit dessus s’indignait d’un risque d’une baisse de 7 millions d’€ de crédits de l’Etat, soit l’équivalent du budget de la police municipale ou des aides aux associations. L’initiative avait fait polémique, l’opposition de droite tentant de faire décrocher de force cet étendard. Sans succès, d’autant plus que la municipalité avait reçu dans le même temps plusieurs témoignages de sympathie, y compris de la part du président des maires d’Indre-et-Loire, Cédric de Oliveira, pourtant élu LR.

En ce début d’année 2025, c’est au tour du Conseil Départemental de faire une action de communication pour s’indigner de sa situation financière et du manque de considération de l’Etat à son égard. Pas de banderole cette fois-ci. Trop cher. La présidente Nadège Arnault a simplement acheté des pin’s en plastique « Le Conseil Départemental en péril ». Tous les élus (majorité et minorité) ont reçu un exemplaire au moment de discuter des orientations budgétaires de 2025.

Le discours de l’élue se veut aussi alarmiste que l’image. « Soit le Département revient dans une meilleure fortune soit c’est sa disparition » tonne-t-elle en conférence de presse, vexée que le 1er ministre François Bayrou n’ait pas répondu à un courrier transmis début février aux services de Matignon (et à la presse). « Je lui ai renvoyé un mail peu courtois pour le lui dire » précise-t-elle, pour en rajouter une couche.

Peu présente à la Une de l’actualité politique départementale, Nadège Arnault sait qu’elle doit parler fort pour réussir à se faire entendre. Hormis l’entretien des routes et les collèges, les sujets traités par son administration sont essentiels mais souvent difficiles à saisir pour le grand public (la protection de l’enfance, l’aide sociale aux plus fragile, la politique touristique…). En 2024, sa première alerte sur le sujet n’avait pas vraiment été suivie d’effets tangibles. D’où le passage à l’étape supérieure avec un discours plus musclé (et un nouvel attaché de presse rôdé aux discours médiatiques en la personne de Thomas Hernault, auteur de livres sur l’actualité internationale qui l’ont souvent mené à intervenir à la télévision).

« On est dans le tiers des départements les plus en difficulté » tonne ainsi Nadège Arnault, qui dit bien plus souvent non que oui en ce moment quand on lui demande des financements (par exemple, pas d’argent du Département pour la sculpture de chèvre géante que l’artiste Michel Audiard veut implanter au bord de l’A10 à Ste-Maure-de-Touraine).

« Nos contraintes font que l’on va devoir emprunter plus que les autres années, entre 30 et 60 millions d’€ » l’élue, et ce malgré le projet d’activer, dès cette année, la hausse de la taxe que le Département empoche pour les transitions immobilières. La loi l’autorise à la relever de 4,5 à 5%, après un premier passage de 3,8 à 4,5% avant le Covid. Un levier utile… mais insuffisant : il ne concerne pas les primo-accédants, la législation interdit de le réévaluer pendant les deux années suivantes et l’atonie du marché immobilier laisse supposer des recettes en berne (89,9 millions d’€ en 2024 alors que les prévisions tablaient sur 92 millions).

La solution envisagée par Nadège Arnault c’est donc la rigueur via une baisse des investissements (pas plus de 80 millions contre 92 millions budgétés en 2024), un décalage de certains projets dans le temps… et la menace de ne pas verser l’argent des nouvelles prestations sociales si l’Etat ne compense pas ce montant. Par exemple, pour 2025, le Conseil Départemental va inscrire 92 millions d’€ pour le versement du RSA en sachant très bien qu’il en faudrait plutôt 95 millions. La CAF versera bien les pensions normalement mais la collectivité aura une dette de 3 millions envers elle.

Ce mécanisme est complètement assumé par Nadège Arnault : « Je sais qu’il y a un risque de pénalité mais ça ne me fait pas peur » lâche-t-elle laconiquement, promettant au passage qu’elle ne coupera pas les budgets de subventions pour le sport ou les associations (contrairement aux annonces de la région des Pays de la Loire ou de son homologue du Conseil Départemental de l’Hérault).

« Comment voulez-vous imposer une charge qui n’est pas supportable ? » demande la présidente qui va aussi rogner sur la mise en place d’heures d’accompagnement social pour les personnes âgées isolées pour la même raison. « On ne peut pas, ça pourrait coûter jusqu’à 12 millions d’€ sur une année pleine » tranche-t-elle. Ce constat d’impasse, il est partagé par le socialiste Franck Gagnaire, conseiller de la minorité :

« Ce n’est pas juste la Touraine qui est en péril. C’est le modèle institutionnel sur lequel on est assis. On a prive le Département de son autonomie fiscale et comme historiquement les taux étaient bas les compensations de l’Etat restent faibles. On subit ce qui se passe car on ne peut pas agir sur les recettes et, à un moment donné, l’absence de perspectives est dangereux. »

Cela dit, l’élu de Tours ne partage pas forcément les solutions de la présidente. « Elle dit que l’on peut optimiser le budget de fonctionnement en faisant 12 millions d’€ d’économies. C’est beaucoup. Soit ça veut dire que le budget était mal optimisé, soit on arrête des choses… mais on ne sait pas quoi. »

Également dans l’opposition, l’élue écologiste Sabrina Hamadi demande ainsi de « sanctuariser les budgets de la Protection de l’Enfance, des Personnes Agées, Handicapées, des Collèges, de la transition écologique » s’inquiétant du « prix à payer » pour avoir un budget équilibré. Franck Gagnaire complète : « Comme l’alerte a été donnée, il y a aussi un risque que les banques soient plus regardantes avant d’accorder de nouveaux prêts. La note financière du Département va se dégrader et les taux vont monter » risquant d’alourdir la dette et de condamner des projets, donc d’entraîner des effets dominer comme une accélération de la crise du bâtiment.

Cet alarmisme ambiant trouvera quelques réponses à l’annonce du budget définitif dont la presse tourangelle prendra connaissance le 26 mars, avant son vote en session juste après. On peut tout de même y apporter une nuance : le dernier bilan du Département affiche un excédent de 22 millions d’€. Même étriqué, il n’est donc pas encore étranglé.

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