Stéphane Genêt, le prof d’histoire tourangeau qui fait cours dans toute la France

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A Tours, on admire le succès du youtubeur Nota Bene avec ses vidéos qui vulgarisent l’histoire. Plus de 750 séquences et 2,5 millions d’abonnements… C’est un énorme succès, surtout avec des sujets parfois très méconnus (récemment la ville médiévale de Chang’an ou un casse au British Museum). Dans son sillage, un autre Tourangeau expert de l’Histoire se fait remarquer pour la qualité de son travail de vulgarisation : Stéphane Genêt, prof du lycée Choiseul, podcasteur et lauréat de 2 prix en quelques mois.

On le connait bien Stéphane Genêt. 26 ans qu’il est professeur d’histoire au lycée Choiseul de Tours-Nord et 10 ans qu’on l’interviewe régulièrement pour ses faits d’armes. D’abord pour son rôle de cocréateur des Salons de Choiseul, ce cycle de conférences historiques pour les élèves et le grand public. Il en a cédé la direction mais l’événement perdure, avec une édition autour du jeu annoncée pour 2025. Ensuite, on l’avait interrogé pour son roman médiéval (L’affaire écossaise : Leslie, espion du roi, 2020). Ou encore pour son livre sur les complots historiques avec Benjamin Brillaud/Nota Bene (il participe en prime à l’écriture de certaines de ses vidéos YouTube).

Ajoutez à cela des collaborations pour des manuels scolaires, l’animation de rencontres pour la librairie la Boîte à Livres à Tours, un projet d’essai historique en cours de rédaction et un podcast lancé après le confinement… et récemment primé par le ministère de l’Intérieur. Une longue liste mais avec une constante : travailler l’art de la pédagogie. Raconter l’Histoire des faits et faire en sorte qu’on la retienne.

Stéphane Genêt est l’exemple même de l’enseignant qui fait de son métier une mission, contre vents et marées.

« Ce n’est pas facile de garder la foi. Quand j’ai commencé, je n’entendais personne qui voulait changer de métier. Là, c’est de plus en plus important. Et je ne peux pas leur en vouloir : c’est un travail difficile, mal payé, avec un ministère déconnecté de la réalité. Jamais le ministère de l’Agriculture ne parlerait des paysans comme le ministère de l’Education parle des enseignants décrits comme absentéistes ou qui ne font pas leur travail. Au bout d’un moment on n’attend plus grand-chose. Le gouvernement au loin prend des décisions mais, au quotidien, je fais ce que j’ai envie de faire. »

Ce qu’il a envie de faire : transmettre sa passion pour les grands événements du passé, et ce au plus grand nombre. Donc en classe ou en dehors. « J’ai toujours besoin d’avoir quelque chose à côté. C’est le même métier mais de différentes façons » nous dit-il. La dernière « façon » qu’il a développée c’est le podcast T’as qui en Histoire ?, judicieusement nommé en écho à son job. Une centaine d’épisodes sont sortis pour raconter en 15 minutes la vie d’Alexandre le Grand, l’histoire des courants politiques français ou le génocide rwandais.

« A la base c’était pour les élèves. J’enregistrais des cours pendant le confinement sans savoir si ils écoutaient. Je me suis dis que ce serait bien que ce travail serve à d’autres. Le podcast c’était la meilleure formule. »

4 ans plus tard, T’as qui en Histoire ? c’est plus de 4 millions d’écoutes, avec une moyenne de 20 à 40 000 téléchargements par épisode. Un score élevé pour une émission indépendante qui bénéficie de peu de communication. « Ça marche peu auprès de mes élèves actuels qui lèvent les yeux au ciel quand j’en parle mais les anciens écoutent. Et plus généralement les personnes qui veulent se remettre à niveau. Ça va des grands parents aux enfants de 9-10, avec un pic en mai-juin au moment des révisions du brevet et du bac. »

Pensés pour être écoutés dans le bus, ou en voiture, les propos sont bruts. Voix à blanc. Peu d’illustrations sonores. Un choix délibéré, par manque de moyens et pour mettre l’accent sur le propos. L’écriture est simple, sans termes alambiqués ou détours historiques infernaux. « De la vulgarisation historique en restant exigeant » résume Stéphane Genêt qui peut réaliser certains sujets sans recherches de par ses connaissances (il est incollable sur la démocratie athénienne). En revanche il se plonge dans les livres et récits récents pour décortiquer au mieux des situations complexes comme l’apartheid en Afrique du Sud.

Ce souci de l’exactitude, et d’objectivité, c’est ce qui semble avoir séduit le ministère de l’Intérieur qui a primé son épisode sur la loi de 1905, celle qui a instauré la laïcité à la française. « C’est le 1er podcast qui gagne ce prix et j’étais le seul particulier à l’obtenir cette année » se félicite Stéphane Genêt. « Ce qu’ils ont aimé c’est la densité des informations dans un temps limité. » Quelques semaines plus tôt, son travail avait également terminé dans la sélection finale du festival historique de Verdun qui avait un prix dédié au podcast historique.

Souvent, les épisodes de T’as qui en Histoire ? sont en lien avec l’actualité : les 80 ans du débarquement de 1944, le conflit israélo-palestinien… Mais aussi choisis après propositions du public (bientôt un focus sur les villes médiévales). « J’essaie de prêcher sur des périodes historiques peu connues. Je me sens un peu l’âme d’un missionnaire » commente Stéphane Genêt qui enregistre tout chez lui. Il fait ponctuellement quelques partenariats, mais gagne seulement de quoi payer son hébergement Internet.

Cela dit, l’essentiel est ailleurs. Avec T’as qui en Histoire ? le prof de Choiseul a acquis une reconnaissance. Certes, il y a celle de ses élèves, « et encore pas toujours ». Mais là, il y a celle du grand public et de l’institution étatique. De quoi rassurer un homme marqué par les affronts faits à la profession, et encore touché par l’attentat contre son collègue francilien Samuel Paty en 2020 (avec sa classe il a d’ailleurs reçu aussi le prix Samuel Paty). « C’était un coup de massue. Les enseignants d’histoire-géo savent depuis longtemps que certains thèmes suscitent des réactions comme le génocide rwandais ou la guerre d’Algérie mais là sa mort a montré qu’enseigner sur certains sujets faisait prendre des risques. »

Et s’il salue une réponse étatique désormais plus rapide et plus efficiente en cas de problème déclaré en classe, Stéphane Genêt ne peut que constater que sa tutelle manque encore d’encourager celles et ceux qui se battent pour enseigner au mieux dans un monde en déliquescence. Ainsi, s’il se dit parfois qu’il a fait un « beau parcours », l’enseignant de Choiseul note qu’il préfère regarder « vers l’avant », donc vers toujours plus de nouveaux projets. Auxquels on ne manquera pas de prêter une oreille attentive.

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