Sport adapté : le sport s’ouvre au handicap mental

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Le sport adapté, pratiqué par les personnes en situation de handicap mental ou psychique, a de nombreux bienfaits. C’est pour cette raison que Virginie Rideau, éducatrice sportive, le développe depuis plusieurs années au sein de l’ESAT Les Tissandiers, à Loches, non sans difficulté. 

« Le sport adapté est un facteur d’inclusion mais on ne souhaite pas faire de l’inclusion pour faire de l’inclusion. Cela doit être fait dans la bienveillance », assure Virginie Rideau, éducatrice sportive à l’ESAT* Les Tissandiers de Loches. De la bienveillance, il en faut pour aider les personnes en situation de handicap mental ou psychique à se lancer dans la pratique d’une activité physique (le sport adapté ne doit pas être confondu avec le handisport, qui concerne les handicaps moteurs et sensoriels). « Elles sont toujours en situation de doute et ont peur de décevoir. Elles pensent que ce n’est pas accessible car elles ont pu être confrontées à des situations d’échec à l’école ou plus jeunes », explique Hervé Gauffroy, président du comité départemental de sport adapté d’Indre-et-Loire.

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Il est alors nécessaire de les accompagner dans cette découverte du sport, en leur montrant par exemple les bienfaits que cela pourrait avoir sur leur corps. « Certains n’ont jamais fait de sport. Alors, on les oriente, on les incite à pratiquer mais on ne les force pas. Ils peuvent dans un premier temps regarder puis dire ce qu’ils en pensent », indique Virginie Rideau. D’après la salariée de l’Adapei 37**, les travailleurs de l’ESAT se rendent souvent compte que cela leur plaît et qu’ils souhaitent continuer les séances. Peut-être parce qu’ils sentent qu’ils ne seront pas jugés ou mis de côté : « Ils nous disent qu’on ne les fâche pas, qu’on ne les laisse pas sur le banc… »

La pratique du sport adapté nécessite également un accompagnement plus humain, de tous les instants. Car, le rôle de Virginie et des éducateurs sportifs travaillant avec ce public ne s’arrête pas à une heure d’entraînement. « Il y a une vraie méconnaissance des besoins des personnes en situation de handicap mental. Il faut parfois les accompagner aux vestiaires, les emmener en minibus car certains ne se repèrent pas seuls ou qu’il n’y a pas de transport… Cela peut être un frein à la pratique. Ils arrêtent parfois le sport car ils n’ont pas d’éducateurs pour les accompagner. » Elle explique que les éducateurs peuvent ainsi être sollicités à n’importe quel moment de la journée. Ce qui leur donne forcément plus de travail. « Mais, si on le fait, c’est parce qu’on le veut, précise-t-elle. Ils nous le rendent à 10.000%. Avec eux, il y aura toujours de la reconnaissance. » 

Dans le cas de l’ESAT Les Tissandiers, certains travailleurs demandent eux-mêmes à pratiquer une activité sportive. À son arrivée à l’Adapei en 2005, alors qu’elle travaille pour les trois ESAT de l’association, Virginie Rideau s’est retrouvée face à quelques personnes désireuses de jouer au foot. Quelques années plus tard, après une pratique régulière du foot et du handball avec un petit groupe, elle a voulu développer le sport au sein des établissements. Ceux qui avaient l’habitude ont continué et ceux qui n’osaient pas jusque-là se sont lancés et ont apprécié. « À ce moment-là, on a réussi à toucher 80% des travailleurs », détaille-t-elle. 

Découverte de nombreux sports 

Ainsi, chaque année de septembre à juin, les pensionnaires de l’ESAT lochois peuvent découvrir plusieurs activités sportives telles que le tir à l’arc, le handball ou le basket avec des clubs du département. L’établissement médico-social essaie de mettre en place un cycle d’une découverte par semaine et, si l’activité fonctionne, de créer une convention avec le club concerné pour organiser des cours. Ils sont généralement une dizaine par séance. 

Pour les personnes en situation de handicap mental ou psychique, l’apprentissage peut être plus long. Le plus difficile reste la compréhension des consignes. La pratique ne nécessite donc pas d’adaptation matérielle mais bien dans la parole et la façon d’expliquer les choses. Certaines règles peuvent aussi être légèrement modifiées. « Des choses qui nous paraissent simples et que l’on pense être acquises ne le sont en fait pas toujours. Il faut aimer le contact, le rapport humain et être patient. Il y a souvent un déclic, à un moment donné. C’est une véritable récompense quand un sportif commence à sentir en confiance », garantit l’éducatrice sportive. 

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« C’est toujours une fierté de voir ces personnes s’inscrire dans un club. Ils deviennent des sportifs à part entière. »

Hervé Gauffroy, président du comité départemental de sport adapté d’Indre-et-Loire

Tous n’ont pas le même niveau et les mêmes qualités mais, en regroupant les compétences de chacun, Virginie Rideau affirme qu’il est toujours possible de parvenir à quelque chose de bien, notamment dans les sports collectifs. Il s’agit également de mettre ces sportifs en situation de réussite et de ne pas leur donner des exercices trop difficiles. Ils pourront ainsi progresser et se faire plaisir.

Aujourd’hui, les travailleurs de l’ESAT Les Tissandiers se déplacent dans les clubs et les gymnases du département. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Ce changement était notamment une volonté de l’éducatrice sportive, suivie par ses dirigeants. « Au départ, on faisait du sport de notre côté. Je demandais un créneau dans un gymnase pour avoir une salle et on faisait notre séance entre nous. Mais, j’en avais marre d’être cloisonnée et j’arrivais au bout de mes compétences techniques », raconte-t-elle. Elle décide alors de demander à des clubs de l’aider à organiser des séances de découverte. Ce qui n’a pas toujours été simple. « Au départ, cela peut faire peur car tous n’ont pas la connaissance du handicap. J’ai même été confrontée à des réflexions du type : Nous avons déjà nos licenciés, on ne va pas en plus prendre des handicapés. Je préfère que ce soit moi qui me prenne ces remarques plutôt que les familles ou les sportifs. » 

Tous les clubs n’ont heureusement pas réagi de cette façon. Pour ceux qui ont accepté de l’accompagner, ils remarquent qu’il suffit de proposer des découvertes comme ils le feraient avec des débutants valides. C’est ensuite un travail d’équipe qui se met en place, puisque l’entraîneur n’est jamais seul avec le groupe. Il forme un binôme avec l’éducatrice. « L’entraîneur apporte son expertise technique et je suis là en complément, pour qu’il puisse faire son cours dans les meilleures conditions, détaille la salariée de l’Adapei. Je peux intervenir si je vois qu’une personne ne comprend pas, lui réexpliquer, lui montrer les gestes, la rassurer, lui dire que ce n’est pas grave. Je conseille aux entraîneurs de ne jamais faire un cours sans éducateur car ils ne sont pas toujours formés pour accompagner ce type de public. » 

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La possibilité de s’inscrire en club 

L’un des objectifs de ces séances avec l’ESAT, c’est aussi que les travailleurs qui le souhaitent puissent s’inscrire et pratiquer dans un club. Cela leur permettrait de s’intégrer avec les valides, de faire partie d’une nouvelle structure et de participer à la vie du club. « L’idée c’est qu’ils puissent se détacher de moi. Moi, je leur donne simplement envie en leur faisant découvrir des activités », déclare Virginie Rideau. Mais, celle qui fait également partie du comité départemental de sport adapté fait toujours attention aux clubs qui pourraient accueillir des personnes en situation de handicap. « Dans un premier temps, il est essentiel de savoir s’ils sont vraiment motivés à recevoir ce public, avant même de savoir s’ils sont formés. Pour cela, je discute beaucoup avec eux. Je ne veux pas d’un club où mes travailleurs seront maltraités, je souhaite qu’ils soient accompagnés au mieux. » L’éducatrice sportive est ensuite prête à leur apporter des clés de compréhension sur la manière d’établir un contact, de comprendre d’où vient le problème s’il y en a un, de venir en aide, de donner les consignes simplement… 

« C’est toujours une fierté de voir ces personnes s’inscrire dans un club. Ils deviennent des sportifs à part entière », assure Hervé Gauffroy, qui entraînent aussi des sportifs handicapés au tir à l’arc, les larmes aux yeux. Un sentiment de fierté qui vient notamment du lien particulier qui lient les éducateurs et les entraîneurs aux sportifs. Ce lien peut s’établir plus ou moins rapidement selon les individus car ils doivent s’habituer à la personne qui les encadre, à son organisation. Mais, c’est finalement une véritable relation de confiance qui s’installe au fil du temps. Et qui marche dans les deux sens. « Ils savent qu’on leur donne beaucoup. Quand on a une petite baisse de régime, ils le remarquent et ils sont là pour vous. Les rôles s’inversent et c’est fait de manière naturelle. C’est une belle leçon de vie », affirme Virginie Rideau. 

Grâce à l’activité physique, « on voit une évolution incroyable pour tous », complète Hervé Gauffroy. « Certains savent maintenant prendre le bus ou le train tout seul et descendre au bon arrêt, ils se font comprendre… », ajoute-t-il, toujours ému. Car, au-delà de l’inclusion, la pratique du sport adapté a de nombreux bienfaits. Les personnes en situation de handicap mental ou psychique gagnent en autonomie, prennent confiance en eux, osent faire plus de choses, deviennent moins sédentaires… 

Si ces évolutions sont possibles, c’est aussi parce qu’elles travaillent en lien avec leur projet personnel. L’éducatrice sportive peut ainsi observer le comportement de chaque sportif au cours d’une séance. Cela lui permet notamment de remarquer les axes sur lesquels travailler dans leur établissement (relation aux autres, mobilité…). « La pratique sportive est complémentaire avec ce qui se passe à l’ESAT. À Loches, on propose aux travailleurs deux activités de soutien d’une heure et demie par semaine. Cela fait partie de leur prise en charge », explique une éducatrice-monitrice de l’établissement lochois, venue accompagnée Virginie lors d’un cours de handball. Les activités sont variées : sport, relaxation, maintien des connaissances, activités culturelles… « Pour leur projet, on relève les points sur lesquels travailler. Si une personne a besoin d’être plus concentrée, on va l’orienter sur du tir à l’arc ou de la relaxation, si pour une autre le travail en équipe est compliqué, on va lui conseiller de faire un sport collectif. C’est en accord avec leurs besoins », poursuit-elle. 

Encore des progrès à faire 

Malgré tout, Hervé Gauffroy estime qu’il reste des progrès à faire et qu’il est encore nécessaire de changer le regard sur le handicap. Dans les clubs, premièrement. « C’est difficile de faire changer les mentalités mais, à partir du moment où il y a un échange, on constate une amélioration. Il faut le temps de s’apprivoiser. Ça se travaille mais cela demande aux entraîneurs notamment un gros travail de sensibilisation. », estime-t-il. Virginie Rideau poursuit : « À l’Adapei, on aimerait qu’il y ait plus de sensibilisation, où les licenciés et les clubs pourraient poser leurs questions. Mais c’est important de le faire dès le plus jeune âge. » Pour eux, il est aujourd’hui essentiel de travailler sur la façon dont il est possible d’accompagner les clubs, pour qu’ils ne se sentent pas seuls et démunis, et les pousser à se former sur les questions liées au handicap. 

L’éducatrice sportive regrette par ailleurs que le sport ne soit pas assez considéré dans les établissements spécialisés. Car, si à l’ESAT Les Tissandiers, les choses ont évolué ces dernières années, ce n’est pas le cas partout. C’est d’ailleurs le seul ESAT de l’Adapei 37 où les travailleurs font du sport. « Pour certains dirigeants, il est difficile de comprendre que l’on fait du sport sur un temps de travail car le sport n’est souvent vu que comme un loisir qui se pratique le soir. Mais, il faut aller plus loin et voir les bénéfices sur le long terme, indique Virginie Rideau. Avec le pôle santé, on souhaite mettre en place un dispositif pour montrer que le sport joue un rôle sur la santé. Une activité quotidienne pourrait apporter plus de confort, une prise de médicament moindre… C’est la santé dans son ensemble qui est améliorée : au niveau physique, psychologique, amélioration du bien-être. Grâce à la pratique d’une activité physique, les travailleurs seraient par ailleurs capables de mieux tenir l’effort dans le travail, d’être moins souvent arrêtés car moins souvent blessés, d’être plus résistants et apaisés. 

* Établissement et service d’aide par le travail 

** Association départementale de parents et d’amis des personnes handicapées mentales 

Un degré en plus : Quelques chiffres sur le sport adapté en Indre-et-Loire : 

  • 3 : c’est le nombre de classes (AB, BC, CD). La classification tient notamment compte des compétences liées à l’autonomie, la motricité, la communication et la sociabilisation. 
  • 2019 : année où le comité départemental de sport adapté d’Indre-et-Loire a repris du service, après quelques années d’errance. 
  • 490 : c’est le nombre de licenciés à la fédération française de sport adapté (FFSA) dans le département. 
  • 11 : c’est le nombre d’associations sportives d’Indre-et-Loire affiliées à la FFSA. De nombreux sports y sont représentés : basket, tennis de table, tir à l’arc, handball, natation, pétanque, foot…).  
  • 2017 : année où l’Adapei a créé la journée Sport et handicap. Sur une journée organisée en septembre, les personnes en situation de handicap peuvent essayer différents sports et rencontrer les entraîneurs des clubs proposant des activités physiques adaptées. « Cette journée permet aussi de montrer aux familles que, dans ces clubs, les portes ne seront pas closes. Il n’y aura pas de rejet », explique Virginie Rideau, éducatrice sportive à l’Adapei.
    Page Facebook : Journée Sport et Handicap
 
Article : Emilie Mette
Photos : Claire Vinson
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