Rénovation de la place Jean Jaurès : Pourquoi cela fait autant débat ?

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A peine annoncée la rénovation de la place Jean Jaurès dans le cadre de la construction de la deuxième ligne de tramway, fait réagir. Il faut dire que la place, telle qu’on la connaît aujourd’hui, devrait être complètement transformée avec comme principal point de focus : la disparition probable des fontaines, afin de permettre le passage de la ligne de tramway. Ce point est bien sûr celui qui fait le plus réagir : Sacrilège pour les uns, véritable opportunité de repenser la place publique pour d’autres, à chacun son avis, ses remarques, ses envies également. Une chose est sûre, par le symbole que représente la place Jean Jaurès, cette transformation ne laisse pas indifférent.

Lire également : Quel avenir pour la Place Jean Jaurès ? L’analyse détaillée de notre sondage

Une opportunité pour repenser la ville

Rares sont les projets politiques aussi impactant sur une ville et une agglomération que ceux en lien avec les lignes de tramway. C’est une constante depuis les années 90, les collectivités locales se sont emparées des projets de tramways pour revoir l’urbanisme des villes et avec eux impulser de profonds changements. Plus que de simples projets de mobilité, « le tramway à la française » comme il est parfois cité, est ainsi un un outil de requalification urbanistique de l’espace public, vecteur de profonds changements : désenclavement de certains quartiers, réaménagement de places publiques, refonte de la voie publique, embellissement de la ville… A Tours, la première ligne en fut un exemple concret, avec un tramway pensé comme « Un 4e paysage » selon la communication faite par Tour(s) Plus au moment du lancement du projet.

La deuxième ligne actuellement en gestation s’inscrit dans la même veine. Elle doit durablement bouleverser les équilibres urbains que ce soit en termes de voirie avec l’ambition forte de réduire la place de la voiture dans le cœur de l’agglomération, mais aussi en termes d’aménagement, avec là-encore l’envie politique de s’appuyer sur ce projet pour « repenser la ville ».

La vision politique est essentielle dans ce type de projet car il résulte souvent d’options à prendre. Le choix du passage de la deuxième ligne via la place Jean Jaurès plutôt que par le boulevard Heurteloup en est un exemple frappant. Lors de la présentation de ce passage le mois dernier, Christophe Boulanger, élu écologiste de Tours et vice-président en charge des mobilités à Tours Métropole indiquait ainsi avoir deux options : soit le passage via Heurteloup avec la nécessité de couper une partie importante des arbres du mail entre l’Hôtel de Ville et la gare ou faire passer la ligne via la place Jean Jaurès en venant de la rue Charles Gille, en revoyant l’aménagement de la place et donc obligeant à la destruction des fontaines. L’option retenue par la majorité écologiste s’est finalement portée sur la préservation des arbres, jugée plus importante que le maintien des fontaines.

Avec un tel choix, la majorité d’Emmanuel Denis profite de l’opportunité de la deuxième ligne de tramway pour réaffirmer sa volonté de réduire la place de la voiture en ville et de redéfinir les mobilités pour tendre vers « une ville apaisée », un des objectifs politiques affichés du mandat.

La future place Jean Jaurès, symbole d’un renouveau urbain ?

Les places publiques ont toujours constitué un symbole et un marqueur des villes. Héritières des agora antiques elles sont le lieu des rassemblements sociaux, politiques, commerçants ou festifs… La place Jean Jaurès ne fait pas exception à la règle. C’est la place publique de Tours, faisant face aux pouvoirs représentés par l’Hôtel de Ville mais aussi le Palais de Justice, celle où le peuple s’exprime collectivement.

Pourtant aussi symbolique soit cette fonction, cette même place est parfois moquée comme étant « le plus beau rond-point de France » en raison de sa structuration autour de la voirie automobile faisant le tour des fontaines. Un aménagement qui peut paraître désuet aujourd’hui, à l’heure d’une tendance à la piétonisation des centres-villes, tout comme peuvent l’être les massifs jardiniers autour des fontaines, qui n’ont finalement qu’une fonction décorative : à pieds ou en voitures, on en fait finalement que le tour.

La refonte de la place Jean Jaurès peut ainsi être vue comme une formidable opportunité de revoir cette structuration et cette logique, d’autant plus que contrairement à de nombreuses villes françaises, Tours n’a finalement pas de « vraie » grande place : Plumereau est certes un joli décor de carte postale, mais à la fonction purement festive, Anatole France reste un carrefour, tout comme Jean Jaurès aujourd’hui., les autres places (Velpeau, Saint-Paul…) sont des places de quartiers.

Si on prend que quelques exemples comme Montpellier avec la place de la Comédie, Bordeaux avec la place de la Bourse (également en demi-lune), Clermont-Ferrand avec la place de Jaude ou encore récemment Paris avec la place de la Bastille… de nombreuses villes françaises ont entamé (il y a parfois plusieurs décennies maintenant) la transformation de places emblématiques, alors carrefours routiers. Des transformations qui ont finalement renforcé leur aspect symbolique et leur centralité.

Reste une différence majeure avec tous ces projets : l’ornement des places a été préservé et finalement mieux mis en avant après rénovations : c’est le cas de la statue de Vercingétorix place de Jaude à Clermont-Ferrand, de la fontaine des Trois Grâces place de la Bourse à Bordeaux, de la colonne de la Bastille à Paris… Nous revenons donc au point crucial qui fait débat : la disparition des fontaines, perçue dans une grande partie des réponses à notre questionnaire comme élément fondamental de la place…

Un projet qui nécessite l’adhésion de la population dans une ville plutôt teintée de conservatisme

Aujourd’hui rien n’est fait, le projet n’en est qu’à ses débuts, mais les élus de la ville ou métropolitains, à commencer par le président de l’intercommunalité Wilfried Schwartz, ont affirmé leur ambition d’aller vite avec une mise en service de la deuxième ligne de tramway espérée en 2025 avant la fin du mandat.

Pour ces élus, pas question de revenir donc sur le projet validé en 2018, avec comme argument qu’il y a déjà eu une consultation publique. Oui mais lors de celle-ci, la question de la place Jean Jaurès n’était pas d’actualité et les critiques se portaient alors essentiellement sur les conséquences sur les arbres des mails Béranger et Heurteloup. Critiques bien attisées par quelques voix porteuses il est vrai, ces mêmes voix qui aujourd’hui ressortent du bois sur la place Jean Jaurès, devenu un autre symbole permettant de s’opposer à l’ensemble du projet.

De nos jours, plus aucun projet urbain majeur ne se fait sans contestation. Les exemples tourangeaux sont multiples ces dernières années : la tour de l’îlot Vinci, près de la gare (finalement avortée sous le poids des oppositions au projet), le projet de rénovation des Halles de Tours par l’ancienne majorité de Christophe Bouchet, les hôtels Hilton sur le haut de la rue Nationale et même la première ligne de tramway, aujourd’hui largement saluée, mais très critiquée lors de sa mise en travaux avec notamment la question de sauvegarde d’un mail (déjà), c’était alors au Sanitas…

Les habitants ne veulent plus se voir imposer de tels projets (si tenté que cela a déjà été le cas) et il serait dangereux pour les élus de ne pas entendre les contestations, surtout dans une ville d’ordinaire plutôt conservatrice quand il s’agit d’urbanisme.

Démocratie permanente, directe, participative… après s’être fait élire en partie sur ces thèmes et la promesse d’intégrer plus la population aux prises de décisions, Emmanuel Denis est d’autant plus attendu au tournant. On le voit avec la question de la place Jean Jaurès, il a beau promettre une grande consultation publique, un projet construit avec les habitants, le message a du mal à passer et le doute persiste. « Comme d’habitude on va nous demander au mieux de choisir entre A ou B, avec des projets déjà ficelés » peut-on lire ainsi dans les réponses à notre questionnaire sur la place Jean Jaurès.

Si elle doit se faire, la refonte de la place Jean Jaurès peut (et doit) être l’occasion non seulement de repenser la ville d’une manière urbanistique, mais aussi de manière démocratique. Personne ne comprendrait que les habitants ne soient pas pleinement associés et sans cela, le projet ne pourra pas susciter l’adhésion…

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