[L’Actu à la loupe] Les Deux-Lions, un quartier séduisant au goût d’inachevé

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Juste avant le dernier conseil municipal de Tours, le maire Christophe Bouchet a eu cette phrase : « il faut retravailler les Deux-Lions sur l’aspect visuel immédiat du quartier, sur son look. Il a une lecture ambigüe. » Il est vrai que la partie la plus moderne de Tours-Sud attire à peu près autant qu’elle révulse.

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Apparu dans le paysage de la ville dans les années 90, le quartier des Deux-Lions regroupe aujourd’hui 4 000 habitants, un centre commercial, un pôle de loisirs, la fac de droit ou encore le siège de la métropole. L’architecture moderne y côtoie de grands espaces naturels (la Bergeonnerie et la Gloriette), et l’eau n’est jamais loin comme l’ont rappelé les inondations de 2016. Comment vit-on aux Deux-Lions aujourd’hui ? Ce quartier est-il désirable ? Quels sont ses points forts et faibles ?

Un quartier à proximité immédiate du centre-ville

Delphine est infirmière à Tours. Elle vit aux Prébendes mais a fait partie des premières à habiter les Deux-Lions quand elle était étudiante : « c’était la première année d’ouverture de la fac de droit, j’avais mon appartement juste à côté. A cette époque c’était vide et encore marécageux. Il n’y avait aucune boîte d’implantée, pas de centre commercial ni de commerces de proximité. Seulement le bâtiment de l’université et quelques arbres. » Résultat : « je m’ennuyais beaucoup, mais c’était un choix pour travailler car j’avais repiqué. »

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Il y a 20 ans, le tramway n’était même pas en projet aux Deux-Lions : « ce n’était pas un quartier stratégique. Je ne voyais pas trop ce qu’il pouvait y avoir à part des entreprises. Il n’y avait aucun commerce » dit Delphine qui n’y retourne pas beaucoup plus aujourd’hui : « je ne m’y balade pas par plaisir, ça ne correspond pas à mes habitudes de vie. » Mais elle reconnait qu’il peut correspondre à d’autres, notamment des jeunes. Il faut dire qu’en 2018, deux stations de la première ligne de tramway de l’agglo mettent la zone à un quart d’heure du cœur de Tours, les résidences avec piscine jouxtent des immeubles de bureaux, des résidences étudiantes ou des petites maisons avec jardin. 2 salles se sport ont même ouvert récemment ainsi que La Poste (qui ferme pourtant ailleurs).

Les avantages de la campagne à la ville

A la tête d’un coffee shop de la Rue Colbert, Coralie et Olivier se sont installés aux Deux-Lions il y a 5 mois, en provenance de Joué-lès-Tours. Ils ont deux chambres et une vue imprenable sur le lac de la Bergonnerie : « l’idée c’était d’être à proximité du centre-ville sans avoir à payer trop cher. Ce qu’on voulait, c’est avoir le moins possible besoin de la voiture, on va d’ailleurs en vendre une car on va plus vite en ville en tram qu’en voiture, et on l’a vérifié à plusieurs heures différentes. On va également remettre nos vélos en route et même à pied c’est faisable, on l’a déjà fait il faut 45 minutes. »

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Des problèmes de sécurité ?

Habitante du quartier depuis deux ans, Océane s’y sent bien mais s’inquiète : « j’aimerais y rester, je pensais être en sécurité et tranquille mais depuis plusieurs mois ça se dégrade, des voitures ont brûlé récemment dans ma résidence. » Adjoint au maire en charge du quartier, Julien Alet reconnait quelques problèmes : « on a eu des petits soucis dans les résidences avec piscine ou avec des quads mais cela reste épisodique. Nous avons mieux géré l’an dernier, les rondes de police sont désormais plus fréquentes. »

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Aux Deux-Lions, le jeune couple a trouvé exactement ce qu’il cherchait : « à chaque fois qu’on passait devant cette résidence en tram on se disait que ça avait l’air bien mais il n’y avait pas grand-chose à vendre avec grande terrasse ou rez-de-jardin. » Alors quand l’occasion s’est présentée, ils n’ont pas hésité bien longtemps. Depuis, le chien est ravi et les amis de passage ont tous la même réflexion quand ils voient le tram filer au fond du jardin : « les gens nous demandent toujours si ça fait du bruit mais nous ne sommes pas gênés. En fonction du vent, on entend plus le TGV que le tram. »

Un quartier dortoir en développement

Coralie résume son quotidien en une phrase : « on n’est pas loin de la ville avec les avantages de la campagne. La vie de quartier est ultra calme, il y a de la vie mais pas de bruit et dès que tu vas au lac, ça bouge. » Problème : « ça manque d’une boulangerie. Pouvoir acheter sa baguette et son croissant le dimanche matin ce serait pas mal… Il y a bien l’Heure Tranquille mais ce ne sont que des franchises, ça manque par exemple d’un magasin bio. » Bilan : « c’est un quartier dortoir mais en plein développement. »

Olivier et Coralie habitent dans une maison qui a 20 ans, ils entendent un peu le voisin mais ne s’en plaignent pas. En revanche, ils ont fait très attention à l’adresse avant de signer : « à 2-3 rues près, on se retrouvait en zone inondable. » Les images de la Gloriette transformée en lac en juin 2016 sont encore dans toutes les têtes : personne n’oublie que les Deux-Lions ont été bâtis sur une zone humide remblayée pour permettre toutes ces constructions, « ça m’inquiète » nous dit une jeune femme qui envisageait d’acheter sur place mais a complètement abandonné l’idée : « les agents immobiliers déconseillent d’acheter. On a vu un appartement vide pendant 10 ans qui avait subi un dégât des eaux et qui avait bougé. Il y avait des fissures, aussi. »

Eldorado des promoteurs pendant de nombreuses années, le quartier s’est rapidement densifié, « une usine à appartements » selon Richard Olivron, mandataire immobilier. Ainsi, comme à Tours Nord, le quartier a permis à de nombreux propriétaires (des Tourangeaux, mais pas que) d’acheter du neuf en profitant d’une défiscalisation ce qui fait qu’aujourd’hui, peu de parcelles sont encore vierges. Mais la qualité n’est pas au rendez-vous partout : « beaucoup de biens ont des soucis d’isolation, certains sont des gouffres énergétiques. Ce qui a été construit au tout début il y a 15-20 ans ce n’est pas terrible » poursuit notre interlocuteur, bon connaisseur du marché.

La Tour Lumière encore en partie vide

Aux Deux-Lions, « on peut faire de bonnes affaires si l’on reste un moment mais il ne faut pas acheter si l’on compte revendre rapidement » poursuit Richard Olivron, « quelqu’un qui acquiert un bien 100 000€ je ne lui dirai jamais qu’il le revendra 150 000€ dans dix ans. »

La Tour Lumière, (c) Delphine Nivelet

Un simple petit tour sur les sites de vente de biens suffit pour s’en rendre compte : aux Deux-Lions, ce ne sont pas les annonces qui manquent, notamment des 2 et 3 pièces, à partir de 120 000€. « L’acheteur est en position de force, le choix est tellement important que les gens pressés pour vendre baissent le prix. Des personnes qui ont acheté il y a 5 ans perdent beaucoup d’argent en revendant aujourd’hui » analyse Richard Olivron qui constate aussi que certains biens sont trop chers pour trouver preneur, ce qui explique par exemple que la Tour Lumière (immeuble circulaire situé près d’EDF) n’affiche toujours pas complet.

Le plus grand pôle de loisirs de la métropole

Si les Deux-Lions semblent convenir aux locataires et aux propriétaires plutôt du genre sédentaires, il séduit aussi les entreprises : banques, opérateurs téléphoniques… Plusieurs grands groupes s’y sont installés. Le quartier est également devenu le 1er pôle de loisirs de Tours avec un laser game, un escape game, un bowling et son multiplexe de 12 salles (et même 13 fin 2018) réalisant près d’un million d’entrées par an : « c’est un quartier en plein essor, une réussite et l’arrivée du tram y a contribué » commente Pierre Crétet, directeur « du 23ème cinéma de France » depuis 5 ans. « Les étudiants et les entreprises dynamisent la zone le midi, les restaurants sont pleins (ndlr : deux nouvelles enseignes, une d’inspiration thaï et un bar à salades, s’ajoutent d’ailleurs à la liste). Avec le temps c’est un quartier qui va finir de compléter ses manques. »

Un (gros) souci tout de même selon Pierre Crétet : le stationnement, « le parking devant le cinéma ne fait que 300 places et il est presque plein dès 9h30 du matin. En plus il n’est pas du tout entretenu par la ville qui en est propriétaire, les places ne sont pas tracées, il n’y a pas de sens de circulation ce qui entraîne des accrochages… » Gratuit, le parking est plébiscité par les clients, les travailleurs ou ceux qui prennent le tram tandis que celui situé en souterrain est payant à partir d’1h30 : « il faudrait peut-être que ce soit 2h30, le temps d’un film » suggère le directeur qui voudrait encourager les conducteurs à se garer en sous-sol.

Le parking du cinéma

A la mairie, l’adjoint en charge des Deux-Lions Julien Alet reconnait le problème, une réunion est prévue le 26 mars avec les riverains : « on réfléchit sur le sujet global du stationnement » nous dit-il, évoquant par exemple la possibilité de rendre le parking souterrain plus visible « car aujourd’hui on le cherche. » Quant aux tarifs, pour les changer, la ville doit s’entendre avec la Set qui est propriétaire du parking. Sans son accord, pas de révision des prix. Le dossier serait en cours de traitement, tout comme celui de la réfection du parking devant le multiplexe. En attendant, d’autres travaux sont programmés pour refaire les routes défoncées par les engins de chantier comme l’Avenue du Pont-Cher ou la Rue Marcel Dassault.

L’échec du marché

Sur le plan commercial, s’il souligne la hausse de la fréquentation de l’Heure Tranquille « où il n’y a presque plus de magasins vides », Julien Alet reconnait un manque de commerces de proximité : « mon rêve c’est qu’il puisse y en avoir dans le centre commercial. Il y a eu des demandes de faites de la part d’artisans et de commerces de bouche mais ils ont tous été freinés par le prix des loyers. Quand il était maire Serge Babary a essayé de demander un geste mais l’exploitant de l’Heure Tranquille lui a dit en gros que le prix, c’était le prix. »

L’Heure Tranquille

Pour tenter d’amener un semblant de vie commercial adaptée aux habitants des Deux-Lions, la ville a donc imaginé un marché chaque mardi après-midi, à la sortie des bureaux et à l’heure de la fin des cours pour les étudiants. Lancé en grande pompe à l’été 2016 avec une vingtaine de commerçants sur la place aménagée à 15m du tram, il est aujourd’hui moribond voire inexistant : « il y a plein de jours où il n’y en a pas » note Julien Alet, amer, même s’il concède qu’il s’attendait à une baisse du nombre de stands, « j’espérais en garder 7 ou 8. La date et l’heure avaient été choisis avec les habitants et le syndicat des marchés car il ne fallait pas faire de concurrence aux autres marchés à proximité. A ce moment-là, c’était la première demande des habitants au Comité de Quartier, avant la construction d’une école. Mais personne n’y est allé et je ne sais pas l’expliquer. On a pourtant repoussé l’heure jusqu’à 20h, fait de la communication dans les boîtes aux lettres… Ce n’était peut-être pas la bonne formule, mais on ne s’interdit rien comme par exemple le relancer un vendredi soir à la sortie de l’école. Pour moi il y a toujours un potentiel et en attendant il nous reste une place de quartier où l’on peut faire d’autres choses. »

La place du marché

Zoom sur l’école :

Prévue au Nord des Deux-Lions, près du Cher et de la Tour Lumière, elle ouvrira en 2019 avec 7 classes et une salle polyvalente pour les activités du Comité de Quartier qui n’a pas de locaux actuellement. La première pierre du bâtiment de 1 650m² au toit végétalisé doit être posée d’ici l’été, à terme 150 à 170 élèves sont attendus ce qui devrait permettre de soulager l’école André Gide des Rives du Cher qui sature. Budget : 6 millions d’euros.

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Une nouvelle patinoire à l’étude mais déjà compromise

Autre cœur de vie des Deux-Lions : le nouveau jardin des Granges Collières qui doit être inauguré officiellement dans le courant du printemps après des travaux menés l’an dernier. « Ce qu’on voulait c’est enlever les barrières » souligne Julien Alet. « Maintenant les associations culturelles doivent se l’approprier, par exemple pour faire de petits spectacles, et il y en a déjà eu d’ailleurs. » Outre les compagnies hébergées dans la ferme située au cœur du jardin, la municipalité voudrait créer une émulation et des relations avec le futur centre social des Fontaines qui ouvrira en fin d’année : « il faut animer le sud de la ville dans son ensemble qui est assez pauvre en associations. » Après celle de la Gloriette, une boîte à livres sera prochainement installée dans le jardin mais pas encore de jeux pour enfants, pourtant réclamés par des habitants.

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« Les Deux-Lions, c’est toujours un quartier en train d’émerger, il n’est pas abouti, on tâtonne » concède l’adjoint au maire pour conclure. Le dernier exemple en date étant le projet de nouvelle patinoire, imaginé sur un terrain en face du cinéma. Ce chantier à plusieurs millions d’euros, désiré par les acteurs économiques pour achever le pôle de loisirs, est à l’étude en ce moment mais il bloque, notamment sur son aspect financier (au moins 10 millions d’euros). Une décision doit être prise en 2019 mais à mots couverts, on entend déjà dire que l’idée pourrait finir par être abandonnée.

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