Il y a 100 ans, la naissance du Parti Communiste lors du Congrès de Tours

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Depuis une semaine, le centenaire du Congrès de Tours est relaté dans de nombreux articles de presse, locaux ou nationaux. Une revue de presse dense, qui témoigne de l’importance historique qu’a eu le 18e congrès de la Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO), ancêtre du Parti Socialiste. Un congrès réuni à Tours du 25 au 30 décembre 1920 et qui a conduit à la création du Parti Communiste Français, alors SFIC (Section Française de l’Internationale Communiste). Un événement marquant pour la politique nationale de ces 100 dernières années.

L’histoire retiendra qu’en ce début du XXe siècle, Tours fut le cadre de deux dates importantes pour la gauche française socialiste. En mars 1902 d’abord, avec la réunification lors d’un congrès fondateur de différents courants sous le Parti Socialiste Français voulu et dirigé par Jean Jaurès à cette occasion. Une première étape importante qui conduira trois ans plus tard à la création de la SFIO qui regroupait alors tous les courants socialistes de France sous son égide lors du Congrès du Globe à Paris.

En décembre 1920, ensuite, avec le célèbre Congrès de Tours, le 18e de la SFIO ayant conduit à la scission de ce parti entre un courant dit « Léon Blum » refusant d’adhérer à la IIIe Internationale communiste pilotée par Lénine et les Bolchéviks qui ont pris le pouvoir en Russie et un courant majoritaire au sein des délégués du parti, votant pour cette même adhésion et créant la SFIC, ancêtre du Parti Communiste.

Une scission logique

Ce congrès aussi symbolique soit-il pour les deux partis de gauche, socialiste ou communiste, descendants directs de ce divorce politique, ne fut finalement qu’une conclusion logique et attendue. Avant même le début du congrès, les mandats des délégations sont connus et il ne fait aucun doute que la majorité des délégués présents voteront la motion défendue par Fernand Loriot, Boris Souvarine, Marcel Cachin ou encore Ludovic-Oscar Frossard.

Face à ce courant majoritaire, deux autres motions sont proposées : une par Jean Longuet (petit-fils de Karl Marx) et Paul Faure, acceptant l’adhésion mais refusant certaines conditions parmi les 21 fixées par les Bolcheviques russes (centralisation du parti, respect des directives centrales de la IIIe Internationale, prise du pouvoir par la révolution et l’insurrection…). Enfin la troisième, celle des socialistes les plus modérés, courant réformateur de Léon Blum, refusant l’adhésion à la IIIe Internationale, de peur d’une trop grande inféodation à Moscou.

Après le retrait de cette dernière motion, le vote pour l’adhésion à l’Internationale Communiste est massif avec 3252 voix pour et 1022 voix contre. Les minoritaires quittent alors la salle du Manège où se tenait le Congrès pour se rendre au Temple des Démophiles.

Ces derniers garants de « La vieille maison » pour reprendre l’expression consacrée, garderont le nom de SFIO, tandis que la nouvelle SFIC gardera le contrôle du journal L’Humanité, créé par Jean Jaurès.

La salle du Manège

Détruite lors des bombardements de la Seconde Guerre Mondiale, la salle du Manège se situait à l’arrière de l’Eglise Saint-Julien. On y accédait par un petit passage rue Nationale. Construit par la ville en 1825, ce manège civil pour le dressage des chevaux fut transformé en 1887 en salle de réunion publique. La salle pouvait accueillir 700 à 800 personnes et était dotée d’une tribune en bois.

C’est ici que les débats du Congrès de Tours se sont tenus, tandis que des réunions publiques avaient lieu le soir dans le Cirque de Touraine, située à côté sur les bords de Loire et dont nous vous avions raconté l’histoire ici.

Depuis son émergence dans la deuxième moitié du XIXe siècle le socialisme a toujours été tiraillé entre une vision révolutionnaire et une vision modérée et parlementaire des luttes politiques et sociales. La Première Guerre Mondiale et ses conséquences, la prise de pouvoir des Bolcheviks en Russie n’en furent finalement que les derniers éléments déclencheurs amenant à la scission. L’avènement des Soviétiques en Russie avait créé l’idée d’un modèle que beaucoup croient exportable. Dans toute l’Europe des révoltes ont eu lieu dès la fin de la Première Guerre Mondiale : En Allemagne, Hongrie… vivement réprimées.

Ce modèle séduit aussi les adhérents les plus à gauche de la SFIO. Avant Tours, la question de l’adhésion à la IIIe Internationale s’était d’ailleurs déjà posée. C’était au 17e congrès du parti qui s’était tenu à Strasbourg en février 1920. Lors de ce congrès strasbourgeois, la SFIO tournait le dos à la IIe Internationale, symbole de l’échec des socialistes face à la Grande Guerre. Dans le même temps, les partisans de la IIIe Internationale moscovite avaient recueilli 1621 voix contre 3031 pour la motion des « reconstructeurs ». Et si l’adhésion à la IIIe Internationale n’était pas passée, la sympathie envers la Révolution Russe prenait de l’ampleur, si bien qu’il fut décidé d’envoyer deux émissaires du parti à Moscou dans l’année : Marcel Cachin et Ludovic-Oscar Frossard.

Les grandes grèves de 1920 dans les mines du Nord et dans les Chemins de Fer, durement réprimées aussi (15 000 cheminots seront licenciés), renforcent par ailleurs le sentiment pour certains que le pouvoir ne pourra se prendre que par la lutte. Couplé au travail de terrain réalisé par les soutiens au Bolchévisme, cela allait finir de faire basculer le sort de la SFIO unifiée.

L’après Congrès de Tours

Les années qui suivent le Congrès de Tours voient donc les deux forces de gauche poursuivent leur chemin indépendamment l’une de l’autre. A une gauche socialiste qui s’ancre de plus en plus comme « sociale-démocrate », les communistes se bolchévisent eux sur le modèle russe. Il faudra attendre 1936 et le Front Populaire pour que les deux courants, alliés aux Radicaux, se retrouvent au sein d’une majorité parlementaire soutenant le gouvernement Blum, dans lequel néanmoins les communistes ne prennent pas part. Jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, la SFIO garde le rang de premier parti de gauche face aux communistes. Au sortir de celle-ci, les courbes se croisent et fort d’une aura résistante auprès de la population, le désormais PCF devient premier parti de France en nombre de voix, participant même au premier gouvernement d’après-guerre. Mais refusant les compromis avec d’autres partis plus modérés et suivant la ligne politique fixée par l’URSS, le PCF ne sera finalement qu’un grand parti d’opposition au long de la IVe République, avant que la Ve République ne soit celle de son déclin supplanté par un Parti Socialiste revigoré à partir des années 70, mais aussi confronté à la crise du monde ouvrier et le déclin du modèle de l’Est…

Un communisme émancipateur

« A chaque fois que les communistes ont soutenu ou participé à un gouvernement il y a eu des avancées sociales significatives » relate Maryse en citant le Front Populaire et les congés payés, la sécurité sociale après la Seconde Guerre Mondiale, la 5e semaine de congés payés en 1981 ou encore les 35h en 1997… Cette dernière, comme tous nos interlocuteurs, n’a jamais adhéré au parti à la faucille et au marteau (lire l’encadré ci-contre), mais se revendique comme électrice communiste, « bercée dès le plus jeune âge par un idéal inculqué par mon père ».

L’héritage politique familial, une constante parmi nos interlocuteurs. Manuel, la quarantaine, évoque l’arrivée de son grand-père en France, à l’issue de la guerre civile espagnole (1936-1939). « Il faisait partie des Républicains et a dû fuir à l’arrivée de Franco au pouvoir. En France il travaillait comme ouvrier et il a inculqué à ses enfants puis ses petits-enfants les valeurs de solidarité, d’entraide mais aussi de fierté populaire, car cela avait un sens pour lui de faire partie du peuple. C’était quelqu’un qui donnait beaucoup aux autres et qui était persuadé que le peuple pouvait s’émanciper par lui-même s’il se montrait uni. »

Note aux lecteurs :

Pour cet article, nous avions retenu deux options : d’un côté donner la parole aux militants ou anciens militants du parti communiste ou trouver des électeurs non adhérents pour comprendre l’attrait qu’a pu constituer le Parti Communiste pour eux lors des élections. C’est finalement à ces derniers que nous avons décidé de donner la parole ici, en attendant de la donner aux premiers cités ultérieurement, lorsque les événements prévus par le Parti Communiste d’Indre-et-Loire pour commémorer le centenaire de son existence pourront avoir lieu. Ils ont été reportés pour le moment en raison de la crise du Covid-19. Néanmoins, la fondation Gabriel Peri a publié en ligne des éléments que vous pouvez consulter ici.

La Ville de Tours a également publié une exposition en ligne, à défaut de pouvoir afficher le moment celle qui était à l’origine prévue dans le Péristyle de l’Hôtel de Ville.

Parti populaire, parti d’ouvriers, le PCF a longtemps séduit aussi les professions dites intellectuelles comme les enseignants qui constituaient un vivier électoral important. « Je crois que l’idéal communiste reflétait parfaitement les fondements républicains, et en cela les instituteurs, que l’on appelait « les hussards de la République » se retrouvaient dans ces valeurs communes justement qui sont la racine même du mouvement. On l’oublie souvent parce qu’on le réduit à ce qui s’est passé en URSS, mais le communisme c’est le bien commun avant tout » explique Régis, enseignant à la retraite, vivant à Saint-Pierre-des-Corps.

Saint-Pierre-des-Corps, ville intimement liée à cette histoire, dirigée par une ou un maire communiste sans discontinuité depuis 1920 (Hors-mis la période de mise sous tutelle pendant la Seconde Guerre Mondiale) et hasard du calendrier jusqu’à cette année et l’élection d’Emmanuel François à sa tête face au candidat communiste Michel Soulas. « Dès l’entre-deux-guerres, on a pu voir ce qu’était un communisme municipal avec l’installation d’un dispensaire, ancêtre du centre municipal de santé. Par la suite il y a eu les classes vertes pour les enfants, la gratuité des fournitures scolaires ou de l’étude le soir… » cite encore Régis comme autant de preuves de « ce bien commun » indispensable à ses yeux, surtout dans une ville populaire comme Saint-Pierre-des-Corps.

Malgré tout, « le PC n’a pas su se réinventer et s’est perdu au fil du temps, en étant englué dans une doctrine rigide » juge-t-il quand on évoque le déclin du parti communiste à partir des années 70.  « La société a évolué mais les discours sont restés les mêmes et n’étaient plus en phase avec les attentes de la population. Pourtant, on le voit aujourd’hui, il y a encore besoin de solidarité, peut-être plus encore. » analyse de son côté Maryse qui croit en un nouveau cycle à venir : « ce ne sera plus le PCF que l’on a connu mais on voit que la gauche dans son ensemble a évolué en s’assumant plus qu’il y a quelques années. Si on regarde ce qui s’est passé à Tours c’est assez significatif et il faut que la gauche aille dans ce sens si elle veut de nouveau que les classes populaires croient en elle. »  

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