Effondrement du Pont Wilson à Tours : un photographe raconte

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Pascal Bourdieu était aux premières loges le 9 avril 1978, le jour où le Pont Wilson a cédé. Passionné de photographie, il avait alors réussi à se glisser de l’autre côté des barrières de sécurité pour immortaliser la scène peu de temps après l’événement. 40 ans plus tard, ses souvenirs sont encore très précis.

C’était un dimanche matin, « à l’époque j’habitais à Tours Nord et ma grand-mère dans un appartement de la Rue du Commerce » raconte Pascal Bourdieu. Ce jour-là, la retraitée lui téléphone au petit matin : « elle me dit ‘le Pont de Tours s’est écroulé !’ Elle avait l’habitude de faire des blagues donc je lui réponds ‘c’est ça, et moi je suis la reine d’Angleterre !’ Mais elle insiste et en effet le Pont Wilson venait de craquer. C’était surprenant car celui que tout le monde appelait le Pont de Pierre était réputé robuste, on disait ‘solide comme le Pont de Pierre’. »

Le vacarme de l’eau qui s’échappe du tuyau percé

Construit à la fin du XVIIIème siècle, l’ouvrage s’était déjà écroulé deux fois : pendant les travaux et en 1789. Bombardé et miné par les Allemands au cours de la seconde guerre mondiale, il avait été totalement reconstruit en 1947, il est donc resté intact pendant 30 ans jusqu’à ce fameux dimanche 9 avril 1978. Le téléphone raccroché, Pascal Bourdieu prend conscience de l’ampleur de l’information : « je me souvenais d’une carte postale du pont détruit pendant la guerre, avec un escalier en bois de chaque côté pour traverser la Loire, alors j’ai dit à ma femme de venir avec moi pour aller voir ce qu’il se passait et j’ai pris mon appareil photo. »

Passé par le Pont Napoléon en voiture, le photographe tourangeau arrive à proximité de la Place Anatole France, il n’était pas encore midi, soit moins de 3h après la catastrophe : « on arrive et c’était déjà barré par la police. Je m’approche, je tente le coup pour passer et là un agent m’arrête, il me demande si je suis journaliste et si j’ai une carte de presse, je lui dit que oui, j’ouvre mon manteau et je porte ma main à ma poche sachant très bien qu’il n’y avait rien dedans et là il me dit d’y aller. J’ai donc pu faire des photos au plus près. »

Un automobiliste miraculé, et un cycliste choqué

Ce coup de bluff permet à Pascal Bourdieu d’avoir des clichés à proximité immédiate de la deuxième pile de l’ouvrage tombée dans le fleuve, on y voit notamment la canalisation d’eau se déverser dans la Loire, la coupure de ce tuyau privant 100 000 personnes d’eau courante à Tours Centre, « ça faisait un énorme bruit. » Les images dont il dispose sont rares car dès le lendemain, 3 arches et 2 piles du Pont Wilson sont parties en miettes et la canalisation rendue totalement inopérante.

(c) Pascal Bourdieu
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Si il est impressionnant et perturbant, l’effondrement du Pont Wilson est un accident qui n’a pas fait de victimes : « au moment où c’est arrivé une seule voiture passait sur le pont, le conducteur a senti que ça s’affaissait, il a accéléré et il a atterri plus loin, sans tomber à l’eau mais en prenant quand même un sacré coup, pour lui c’est comme s’il était passé sur un tremplin. Juste derrière, un vélo était arrêté au feu en haut de la Rue Nationale. Quand il a vu le pont s’écrouler, il a été au Helder, le bar juste à côté et il a dit ‘je voudrais un Cognac, le pont vient de s’écrouler’ alors qu’il n’était pas 10h du matin. Heureusement que c’était dimanche car la veille il y aurait un drame, le samedi on faisait toujours la queue pour passer sur le pont », un pont où – bien sûr – toutes les voies étaient dédiées à la voiture.

La faute de la sécheresse de 1973 ?

Une grande question se met à parcourir la ville : pourquoi ce pont est-il tombé ? Pascal Bourdieu se souvient : « ils avaient l’air de dire que c’était à cause de la sécheresse de 1973. Elle a rendu les fondations en bois apparentes et quand l’eau est revenue ça a fait pourrir le bois. Après ça, tous les ponts de la Loire construits à la même époque ont été contrôlés à Orléans, Blois, Angers… » L’événement a lui fait le tour de France et même du monde.

Sans le pont, sans eau, la vie de Tours Centre s’organise : « les gens ont été ravitaillés pendant plusieurs jours par des camions-citernes » se souvient Pascal Bourdieu évoquant aussi les importants bouchons : « c’était le cirque ». Il se souvient même qu’un jour, un automobiliste a réussi à passer au-delà des barrières mises en place à Tours Nord, « je ne sais plus comment… Mais il a fini dans la Loire. » Pour fluidifier la circulation, l’armée met en place des ponts provisoires, car le Pont Napoléon et le pont de l’autoroute ne suffisent pas, et le Pont de Fil ne supporte pas la charge des véhicules à moteur.

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Des photos volées lors d’une exposition

Reconstruit à l’identique en 1982 après un vote auprès des Tourangeaux qui n’ont pas voulu un pont en métal ou en béton, le Pont Wilson est intact depuis 36 ans. Mais l’événement reste marqué dans les mémoires des habitants de la ville présents à cette époque tant la vie a été bouleversée. On le comprend quand Pascal Bourdieu raconte la furie autour de ses photos de l’époque : je suis parti avec une pellicule de 24. A part une ou deux images, elles étaient toutes bonnes. Je les ai développées dans mon petit réduit et le lendemain je les ai amenées au boulot, tout le monde en voulait, j’en ai vendu quelques unes ce qui m’a permis de me payer mon premier Nikon et une chaîne hi fi. »

« Au total j’ai dû en tirer 1 500 je n’en pouvais plus d’être sous l’agrandisseur tous les soirs, les gens étaient fous avec ce pont, il y a même eu un vinyle 45t qui est sorti avec une chanson » se remémore encore Pascal Bourdieu qui s’était même fait voler des photos lors d’une exposition avec son club au Beffroi.

Toutes les photos de cet article sous l’œuvre de Pascal Bourdieu.

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