Cyril Plateau, le chef tourangeau qui se végétalise

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C’est une belle propriété aux plus de cinq siècles d’histoire, située à quelques kilomètres du centre de Joué-lès-Tours et, surtout, placée à proximité de vignes. La Liodière héberge deux restaurants et plusieurs salles de séminaire, dont une – splendide – sous la charpente en bois d’origine. Un complexe dirigé par le chef Cyril Plateau, aux côtés de son épouse Karine. Au-delà du plaisir de cuisiner, l’entreprise doit perpétuellement s’adapter aux évolutions de la société.

Bien sûr il y a le Rossini de maquereau et foie gras, les ris de veau ou la poulette de Racan. Mais on trouve aussi la courge butternut rôtie avec ses noisettes en entrée ou ce surprenant plat qui associe panais et myrtilles. Comme beaucoup de chefs, Cyril Plateau donne une couleur de plus en plus végétale à sa carte. Quand on vient manger chez lui, on peut sans problème prendre un repas sans protéines animales de l’entrée au dessert. Un réflexe récent dans la construction des recettes de l’établissement puisqu’il n’a été institué qu’après le premier gros confinement anti-Covid de 2020.

« Je ne veux pas faire que du végétal parce que je perdrais une partie de ma clientèle » explique le fondateur de La Liodière, installé ici depuis 16 ans. « Quand vous allez au restaurant, vous ne le faites pas forcément pour manger du végétal. Vous voulez un plat de poisson que vous ne savez pas cuisiner ou du gigot de 7h. On a besoin d’être bluffé mais on peut aussi se dire et pourquoi pas commander une entrée végétale ? C’est peut-être ça le juste équilibre. »

Mission : bluffer les convives

En mettant ses créations végé bien en évidence dans les menus, le chef veut « inculquer à la clientèle l’idée qu’il faut abaisser la part de protéines dans notre alimentation. » Ce qui, contrairement aux préjugés, ne demande pas moins de travail de recherche en amont pour constituer les recettes. Ni même pour dénicher les ingrédients qui les composent : « Le prix de revient est moindre mais si on compte le temps qu’on y passe il y en a autant si ce n’est plus » pointe Cyril Plateau qui passe un temps fou dans les bouquins de cuisine :

« Je lis les ouvrages de grands chefs comme ceux d’Alain Ducasse qui est très dans le végétal (il vient d’ouvrir une cantine végé au cœur de Paris, ndlr). Je lis, relis, je prends des notes… Ne serait-ce que pour les accords. Panais-myrtille, j’ai sans doute vu ça lors d’une de mes lectures. J’ai des étagères entières à la maison, par exemple avec tous les magazines Thuriès depuis 1988. Je peux y passer des journées entières. Et ensuite j’adore remettre des recettes ancestrales au goût du jour avec les produits ou épices du moment. »

Quitte à déstabiliser sa clientèle, comme quand il réinvente le nougat de Tours en faisant variant la garniture au fil des saison : « Un jour un membre de la confrérie a mangé ma version hivernale avec de la mangue, une macaronade coco et un sorbet noix de coco. Ce grand maître est venu me voir après pour me dire que c’était à tomber, que malgré ma revisite je valorisais un produit de Tours. » Et c’est pareil quand il reçoit les invités d’une entreprise de jardinage et leur fait un repas comportant juste quelques mini portions de viande ou de poisson : juste quelques grammes de poisson fumé pour accompagner de la butternut ou un mini céleri rave confit qui s’accordait avec des lamelles de rillons maison. « Une dame m’a dit que finalement il n’y avait pas besoin de la viande ou du poisson. Elle avait adoré. »

Un fervent défenseur des saisons

Cette acceptation du végétal donne des idées au chef. Déjà qu’il se fournit auprès du viticulteur d’à côté pour servir notamment un vin blanc pétillant blanc de noir à la couleur claire aussi étonnante que son goût léger. Maintenant, il a aussi installé des carrés potagers sur le chemin qui mène à l’entrée, là-aussi une tendance que l’on observe chez nombre de ses confrères et consœurs (allant parfois jusqu’à avoir leur propre potager complet). « Grâce à ça l’an dernier je n’ai pas eu besoin d’acheter de roquette » note Cyril Plateau.

Une entrée butternut et noisette.

L’homme est également un fervent défenseur des saisons. Certes il fait venir des mangues par avion ou utilise des myrtilles congelées pour en servir en hiver. Mais ses fruits exotiques sont systématiquement goûtés pour en vérifier la maturité et les fruits rouges viennent d’un producteur de Saumur et il n’ira pas jusqu’à accepter de confectionner un fraiser ou un framboisier avec des fruits frais en plein hiver. C’est aussi pour ça qu’il préfère proposer une poulette de Racan à la royale plutôt que d’aller chercher du lièvre d’élevage qui arriverait de l’étranger. Ou qu’il exploite 100% de ses clémentines corses jusqu’à la peau, confite et reconfite avant d’être ajoutée à un dessert qui comporte aussi de la carotte : « Des fois, c’est l’amertume qui apporte la fraîcheur dans une recette » commente-t-il.

Recherche perpétuelle de nouvelles idées

« Heureusement qu’il y a les saisons sinon je m’ennuierais » lâche Cyril Plateau. « Et même je suis déçu qu’il n’y en ait que quatre. Son pouvait ravoir un peu d’asperge entre la fin de l’été et l’automne ce serait sympa » ajoute ce cuisinier qui s’autodéfinit comme « complètement instable » mais dirige son affaire avec sérieux, jonglant entre les contraintes sanitaires et de personnel au point de manquer de temps pour renouveler sa carte ou rencontrer des producteurs.

Un dessert carotte-clémentine.

Et pourtant, pour lui, ces moments sont essentiels : « On a besoin de moments de calme, d’échanges avec les fournisseurs, les commerciaux ou les éleveurs pour développer notre créativité. » Il évoque par exemple ce couple de Rouziers chez qui il récupère truffes et safran. Eric Royer et ses mini légumes à Saint-Genouph ou le maraîcher de La Riche Yolain Gauthier qui a osé lui proposer une patate douce violette, façon betterave mais avec la texture d’une patate douce. « Je n’ai pas réussi à la mettre à la carte parce que je n’ai pas accroché mais je n’ai pas approfondi le sujet » reconnait le chef qui a une règle claire : « Si l’accord ne marche pas, on n’envoie pas. Myrtille-panais, ce n’était pas gagné d’avance. » Les tests se font en cuisine ou à la maison. Parmi ses prochains défis : cuisiner la poire de terre. La clientèle n’est pas au bout de ses surprises.

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