Culture : Les artistes reprennent la rue

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Face à l’impossibilité de se produire, à une crise sanitaire qui les empêchent d’exercer leur métier, plusieurs artistes et/ou collectifs ont décidé de tenter de se réapproprier l’espace public et la rue, pour des happenings permettant de renouer de nouveau avec un peu de public et de permettre à la culture de ne pas être totalement invisible…

Samedi 06 mars, au cœur de l’après-midi, un chant s’élève devant le Grand Théâtre de Tours. A cet endroit même, deux jours plus tôt, le CIP 37 (Collectif Intermittents et Précaires) avait dressé à l’issue d’une manifestation pour la culture, une banderole sur le fronton « Culture en Lutte », toujours visible en cette fin de semaine. Aux pieds de l’imposant édifice portant le poids d’une culture et de son histoire, plusieurs musiciens se mettent à chanter « Danser Encore », le dernier titre du chanteur Kaddour Hadadi dit HK, notamment connu pour ses chansons engagées comme on « On lâche rien ». Entouré de musiciens locaux, ce dernier est de passage en Touraine pour chanter dans l’espace public, comme il le fait un peu partout en France depuis plusieurs semaines. Les paroles de « Danser Encore », écrite fin d’année 2020, sont un cri d’alarme face à la situation actuelle. « Nous on veut continuer à danser encore, voir nos pensées enlacer nos corps, passer nos vies sur une grille d’accords… » raconte le refrain entraînant.

Un message qui fait forcément sens. La présence devant le Grand Théâtre se veut comme un soutien aux intermittents qui occupent le Théâtre de l’Odéon à Paris depuis le jeudi 04 mars. Un peu plus tôt, HK et les saltimbanks qui l’accompagnent pour cette journée tourangelle s’étaient également posés à Azay-sur-Cher pour un petit bal improvisé. Là encore, tout sauf anodin et un passage en guise d’écho à l’histoire. Il y a 199 ans, en 1822, un arrêté préfectoral avait en effet été pris sur demande du prêtre de la paroisse pour interdire aux villageois de danser le dimanche. Une décision qui avait conduit Paul-Louis Courier, à rédiger un pamphlet : « Pétition pour des villageois que l’on empêche de danser » dans laquelle l’écrivain réclamait « qu’il soit permis, comme par le passé, aux habitants d’Azay de danser le dimanche sur la place de leur commune, et que toutes défenses faites, à cet égard, par le préfet, soient annulées ».

Des bulles artistiques salvatrices, entraînantes, attirant à chaque fois plusieurs dizaines de personnes, heureuses de fredonner, chanter et danser de nouveau. Il y a également derrière cette démarche une volonté évidente de réappropriation de l’espace public comme espace culturel que d’autres artistes ont également fait leur. Rien de nouveau diront certains, les musiciens et artistes de rue ayant toujours existé mais qui prend un sens forcément différent aujourd’hui. La culture non essentielle est un message qui ne passe pas en effet. Comme d’autres, HK milite pour un état d’urgence culturel et social. « Notre société est malade. En plus d’une épidémie sans fin qu’elle doit affronter, elle souffre viscéralement d’un manque de lien social, de culture, d’art et de sourires partagés. Car c’est ce que nous sommes au fond : des êtres sociaux, citoyennes et citoyen d’un pays d’art et de culture. Nous priver de cela, c’est nous condamner à une mort lente. » écrit-il sur les réseaux sociaux pour expliquer sa démarche.

Des mots qui rejoignent ceux d’autres artistes et acteurs culturels. Ce même samedi, mais quelques heures plus tôt, c’est quatre comédiens de la Compagnie Le Muscle qui arpentaient les rues de Tours pour une performance-spectacle déambulatoire entre la gare et les Halles et dont l’objectif était à la fois d’apporter un peu de poésie théâtrale mais aussi d’agiter les consciences.

Transformés en crieurs publics, les quatre comédiens ont donné au public et passants un récital de poèmes sur le thème de la liberté entre deux lectures de titres de faux journaux interpellant sur la situation actuelle.

La liberté, mot d’ordre de tous, mais pas toujours simples à revendiquer. Déjà car si ces moments dans l’espace public sont une bouffée d’oxygène appréciée, ils n’annulent pas les difficultés actuelles des artistes, privés de la très grande majorité de leurs revenus et cachets. Ensuite car si l’espace public est un espace de liberté, c’est aussi un espace contraint et les mentalités sont parfois dures à bouger. Les musiciens de la fanfare afro-beat Jumbo System en ont fait malheureusement l’expérience mercredi dernier, quand après deux heures de set rue Nationale, ils ont été priés d’arrêter par la police municipale, venue sur place après qu’un membre du voisinage se soit plaint…

Photos : Claire Vinson

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