À Loches, Sophie et Stéphane Crépin font revivre les champignons

Facebook
Twitter
Email

Depuis 2009, Sophie et Stéphane Crépin produisent différentes variétés de champignons à Loches avec l’envie de renouer avec une ancienne tradition locale. Quelques années plus tard, ils se sont lancés un nouveau défi : produire du vin et faire revivre les vignes du Lochois.

Difficile de ne pas se perdre dans le noir des galeries de cette ancienne carrière de tuffeau, située à quelques minutes seulement du centre-ville de Loches. Sauf pour sa propriétaire, pour qui se repérer dans le noir complet semble être devenu, avec le temps et l’expérience, un véritable jeu d’enfant. « J’ai l’habitude. Je pourrai le faire les yeux fermés », plaisante Sophie Crépin, productrice de champignons.

L’agricultrice biologique et son mari, Stéphane, se sont lancés dans cette nouvelle activité en 2009. Cette année-là, la couple achète l’ancienne carrière, fermée définitivement depuis la fin des années 80. « Nous nous sommes demandé ce que nous allions y faire. Nous avions deux solutions : produire des endives ou des champignons », raconte Sophie Crépin. Leur choix est fait : ce seront des champignons. Les champignonnistes se tournent vers les shiitakés et les pleurotes, deux variétés simples à cultiver. Ils achètent les substrats auprès de deux fournisseurs, puis ils les installent sur des étagères dans leurs quinze salles installées dans les trois hectares de cave. Ils attendent ensuite une à deux semaines que les champignons poussent, avant de les récolter. Pour un développement optimal, les shiitakés et les pleurotes ont besoin d’une hygrométrie élevée (85 % d’humidité environ) et de sept heures de lumière par jour, « pour reproduire les conditions d’une sous-bois ».

Quelques temps plus tard, Sophie et Stéphane Crépin décident de produire également des champignons de Paris. « Nous avons une autre cave de quinze hectares, à La Mauvières, car nous ne pouvons pas les mélanger aux autres variétés. Ils pourraient apporter des parasites », explique la productrice. La culture de cette variété, la plus cultivée en France et dans le monde, est plus exigeante que celle des shiitakés ou des pleurotes. Elle nécessite plusieurs étapes de production et sa pousse est plus lente (un mois environ). « Nous travaillons avec un compost incubé, puis nous réalisons le gobetage, c’est-à-dire que l’on y ajoute un mélange de tourbe et de calcaire. Nous devons ensuite arroser à des périodes très précises. Nous devons trouver de moment parfait, sous peine de perdre notre récolte. Les champignons de Paris demandent beaucoup d’entretien donc leur production est plus délicate », commente la champignonniste.

Sophie et Stéphane Crépin cultivent des champignons de Paris dans leur cave
de La Mauvières, à Loches.
(Photo fournie par Sophie Crépin)

Une reconversion professionnelle

Les grands-parents et les oncles de Sophie et Stéphane Crépin étaient agriculteurs. Ces derniers le sont devenus après une première vie dans des secteurs d’activité bien différents. « Avoir un enfant a été un déclic. Cela nous a ouvert les yeux sur la vie que nous voulions avoir », se souvient la Lochoise. Au début des années 2000, elle quitte son travail dans les assurances pour suivre une formation agricole. Son mari, salarié dans le domaine du bois, la suit dans ce projet. « Nous ne savions pas vraiment ce que nous voulions faire », se remémore la productrice de champignons. Le couple finit par installer son exploitation de céréales de 115 hectares à Saint-Hyppolite, en 2005, et cultive quelques légumes en bio pour se diversifier.

Les agriculteurs de 53 ans ont cependant pris la décision de cesser leur activité céréalière et de revendre leur terre. « Nous n’avons plus le temps de tout gérer, justifie Sophie Crépin. Nous avons réalisé la dernière récolte en juillet 2022 et nous n’avons pas semé de nouveau. Nous ne pouvons pas être partout. C’est peut-être l’âge aussi, nous avons moins l’envie de faire 50 ou 60 heures par semaine. » Car la production de champignons leur demande beaucoup de temps, malgré l’aide de leurs quatre employés. La récolte s’effectue tous les deux jours et tout est fait à la main. « Nous devons aussi travailler le week-end, où nous devons nous rendre à la cave au moins une fois. Il n’y a pas de risque si nous n’y allons pas mais, si les champignons sont trop mûrs, nous ne pouvons plus les vendre. » Non pas à cause du goût mais de part leur aspect. Et, puisque le couple ne tolère pas les pertes, il préfère récolter ses produits en temps et en heure.

Comme les shiitakés, les pleurotes poussent sur des blocs de substrats, composés de paille, de copeaux de bois, d’eau et de mycélium.
À quelques minutes à peine du centre-ville de Loches, poussent des pleurotes dans une ancienne cave de tuffeau.

Quarante tonnes de champignons par an

Sophie et Stéphane Crépin produisent aujourd’hui quarante tonnes de champignons par an, toutes variétés confondues. « Au départ, nous faisions trois ou quatre tonnes. Nous avons commencé petit, puis nous nous somme fait connaître. Je voulais du régulier, des collaborations qui durent dans le temps », commente-t-elle. Les agriculteurs vendent environ 25 % de leurs produits en local : dans des associations pour le maintien de l’agriculture paysanne (Amap), des magasins bio ou des restaurants. Ils fournissent notamment le chef lochois fraîchement étoilé d’Arbore & Sens, Clément Dumont. La plus grosse partie de leur production se retrouvent par ailleurs sur les étals des magasins Biocoop. Et quelques maraîchers lui en commandent pour les marchés.

Lorsqu’ils se lancent dans la production de champignons, Sophie et Stéphane Crépin souhaitent notamment renouer avec la tradition locale. « Quand j’étais petite, je voyais beaucoup de camions remplis de paniers de champignons », se rappelle l’agricultrice du Gaec (groupement agricole d’exploitation en commun) Saint-Paul. Dans les années 80, le Lochois comptait en effet une trentaine de champignonnières. Ces productions, qui faisaient vivre près de 1 000 personnes, ont finalement fait faillite. En cause ? Les cultures sous hangars climatisés de certains pays étrangers et leur main d’œuvre bien moins chère. « En France, il y a aujourd’hui beaucoup de productions en bâtiment. Les champignons poussent à 16 °C, ils prennent plus d’eau et leur goût n’a donc rien à voir, regrette-t-elle. Ici, ils poussent à une température comprise entre 12,5 et 14 °C. Plus ils poussent lentement, plus ils auront du goût. » Elle poursuit : « L’avantage avec les caves, c’est que la température reste constante, elle ne bouge pas. Nous ne pouvons agir sur rien mais ça reste naturel. »

Les Shiitakés sont la seconde variété à être cultivée dans la champignonnière de la rue Saint-Jacques, à Loches.
La champignonnière de Sophie et Stéphane Crépin est la seule de Loches.

La viticulture : un nouveau défi pour le couple

Neuf ans après les champignons, le couple décide de se lancer un nouveau défi et de planter de la vigne. Sur leur hectare et demi, il produit du vin blanc et du vin rouge. « Au début du XXe siècle, il y avait des vignes dans le Lochois. Comme pour les champignons, nous avons voulu recréer l’activité », déclare Sophie Crépin. S’ils sont les seuls à produire du vin à Loches même, ils sont cinq vignerons à espérer faire revivre les vignes du Lochois. « Nous avons quinze hectares en tout. Nous nous sommes tous lancés un peu au même moment. Nous nous connaissons bien, nous travaillons ensemble. Nous avons des projets en commun, comme de l’achat de matériel », témoigne-t-elle.

Sophie et Stéphane Crépin prévoient de produire plus de 10 000 bouteilles cette année, contre 3 500 lorsqu’ils ont commencé avec le blanc uniquement. « 2022 est une très bonne année. Il n’y a pas eu de gel, il y a eu du soleil quand il fallait », se réjouit l’agricultrice. Cette nouvelle activité est finalement apparue comme « une évidence » pour ces deux amoureux de vin : « C’était un peu une folie car c’est beaucoup de boulot mais il y a le plaisir d’avoir une bonne bouteille, de pouvoir la conserver, d’en faire profiter les gens. »

Facebook
Twitter
Email

La météo présentée par

TOURS Météo

Inscription à la newsletter