Affaire de l’école Blotterie : Les mauvais genres de la mouvance JRE…

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Le procès de Dalila Hassan et de Farida Belghoul qui devait se tenir aujourd’hui a été reporté à une date ultérieure. Pour rappel, les deux femmes sont mises en examen pour diffamation et complicité de diffamation envers une fonctionnaire, suite à la diffusion d’une vidéo en mars 2014 dans laquelle D. Hassan accusait une enseignante de l’école Blotterie de Joué-lès-Tours de mettre en pratique les « ABCD de l’égalité » en incitant deux de ses élèves, à se déshabiller et à se toucher mutuellement les parties génitales. Une affaire qui avait fait beaucoup de bruit au printemps 2014. Petit retour explicatif sur les dessous de cette affaire.

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Pourquoi le procès est-il reporté ?

Maître Chautemps qui s’occupe de la défense de Farida Belghoul est également l’avocat de Lise Han dans l’affaire des mariages chinois. Le verdict de cette dernière affaire judiciaire étant rendu aujourd’hui alors que le procès des JRE devait également commencer ce même-jour. Un hasard dans le calendrier qui a conduit Maître Chautemps à demander il y a plusieurs semaines un report du procès. Un temps refusé par le procureur, le report a été accepté mardi et remis à une date non connue pour le moment.

Rappel des faits :

Début 2014, profitant de l’expérimentation des « ABCD de l’égalité », un mouvement initié par Farida Belghoul nommé JRE, comme Journées de retrait de l’école, prétend lutter contre une supposée théorie du genre enseignée dans les écoles publiques françaises. Les membres des JRE exercent un lobbying médiatique et auprès de parents d’élèves pour organiser des journées de retrait des enfants des écoles, une fois par mois.

Le vendredi 28 mars 2014, un rassemblement de parents d’élèves se fait devant l’école Blotterie de Joué-lès-Tours. Un rassemblement de mères de famille jugé suffisamment dense et alarmant pour que la directrice de l’école fasse appel aux forces de l’ordre [i]. Dans le même temps, une mère d’élèves, Dalila Hassan, membre des JRE accusait d’abus sexuel une institutrice de maternelle. Accusations mises en scène le même soir dans une vidéo diffusée sur internet. Une vidéo qui se diffuse comme une trainée de poudres sur internet et les réseaux sociaux, en partant essentiellement de sites d’extrême droite. A noter qu’une journée de retrait était organisée préalablement le lundi 31 mars, soit trois jours après les évènements [ii].

Dans cette vidéo, Dalila Hassan expliquait avoir été contactée par une mère tchétchène d’un jeune garçon à qui l’institutrice aurait demandé, ainsi qu’à une camarade de classe, de se déshabiller pour se toucher les parties génitales… Rapidement la mère de la petite fille en question niera la véracité des faits, tandis que celle du petit garçon ne portera visiblement jamais plainte.

L’affaire prend rapidement une ampleur conséquente et l’enseignante bénéficie immédiatement du soutien de ses collègues, sa direction, l’inspection académique, les syndicats d’enseignement mais aussi de parents d’élèves de l’école. Alimentant un peu plus la polémique, le même week-end, et alors que nous sommes en pleines élections municipales, un tract est distribué dans les boites aux lettres du quartier voisin de la Rabière. Un tract qui accuse la municipalité socialiste sortante de favoriser l’enseignement de la théorie du genre dans plusieurs écoles de la ville, dont l’école Blotterie. Un tract appelant à voter pour le candidat de droite et futur maire Frédéric Augis en reprenant ses codes graphiques, mais dont ses auteurs n’ont par la suite pas pu être identifiés. Le désormais maire de la ville réfutant de son côté en être à l’origine [iii].

Bien que ces accusations sans fondement se dégonflent d’elles-mêmes et que l’enseignante est totalement innocentée, cette affaire a profondément marqué l’école Blotterie ainsi que l’enseignante en question. Cette dernière a décidé de porter plainte par la suite. Plainte qui a conduit Dalila Hassan et Farida Belghoul à être mises en examen pour diffamation et complicité de diffamation envers une fonctionnaire.

Quels impacts sur l’école Blotterie et sur l’enseignante ?

Deux ans après, nous avons pu constater par nous-mêmes qu’à l’école Blotterie les enseignants restent marqués par cette affaire. Il y a quelques semaines, alors que nous suivions la venue des danseurs Dogons le cadre du festival Plumes d’Afrique, et notamment leurs rencontres avec les élèves dans les écoles de l’agglomération, c’est gêné qu’une enseignante nous demanda d’éviter de prendre des photos de l’école, même si aucun enfant y figurait. Cette dernière reconnaissait que l’épisode JRE du printemps 2014, les avaient rendu plus prudents que jamais, notamment par rapport à « certains parents ».

Du côté du syndicat Sud Education qui avait été en première ligne dans la défense de l’enseignante en 2014, si on nous confirme que cette histoire a marqué l’école, on salue le fait qu’elle n’aura eu finalement aucun impact en terme d’inscriptions des élèves. « Les accusations étaient tellement grotesques que la plupart des parents ont tout de suite compris qu’elles ne tenaient pas. Il y a eu un soutien complet des associations de parents d’élèves et des parents d’élèves tout court », explique ainsi David du syndicat enseignant.

Pour l’enseignante, David nous raconte : « elle va bien, même si l’approche du procès a fait ressurgir une tension ». Comme cette dernière l’avait expliqué à la NR l’an passé [iv], elle a néanmoins demandé sa mutation vers une autre école de l’agglomération et a également déménagé de Joué-lès-Tours. Sur conseils de collègues, elle a également été un temps suivi par un psy.

JRE, un mouvement d’un mauvais genre

Lancé début 2014 par Farida Belghoul, JRE est un mouvement qui séduit dans un premier temps, par le biais de réseaux de proximité, des familles musulmanes traditionnelles auprès desquelles il agite la peur d’une éventuelle théorie du genre enseignée à leurs enfants dans les écoles.

Mais pour aller plus loin, dès la naissance du mouvement Farida Belghoul et ses adeptes adoptent également une communication active sur internet. Dans la lignée de différentes mouvances d’extrême-droite et/ou complotistes, JRE prend exemple dès son lancement sur les mouvements Soraliens et Dieudonnistes avec lesquels il entretient des liens étroits (bien qu’ils semblent désormais opposants farouches). Mouvance nébuleuse plus qu’un véritable mouvement, JRE, dépasse alors la frange de militants musulmans rigoristes voir intégristes de départ et est rapidement soutenu par des membres du Printemps Français, émanation de la Manif pour Tous, par des catholiques intégristes comme l’association Civitas, ou encore par des membres appartenant au collectif Jour de Colère, derrière lequel se trouvait des groupuscules identitaires.

Un savant mélange des genres extrémistes que JRE ne cherche pas à dissimuler et au contraire cherche à exploiter afin d’attirer différentes franges de la population autour de théories farfelues voir complotistes. En surfant sur les sites et réseaux des proches des JRE, nous nous sommes ainsi vite rendus compte de la riche imagination de ses membres. Derrière une façade lisse de protection de l’enfance et de son éducation, on retrouve ainsi sur le net de nombreux messages d’internautes se disant proches de F.Belghoul qui évoquent en vrac la nécessité d’une lutte : « contre le nouvel ordre mondial », « les associations sodomites qui veut infiltrer l’école » ou bien « la secte toute puissante des Francs-Maçons ».

extrait site JRE

Derrière des titres volontairement aguicheurs, le site JRE reprend ces mêmes thèmes en les alimentant « d’exemples et d’analyses » sensés être irréfutables. Parmi les cibles privilégiées des JRE et de ses sympathisants, on retrouve entre autres les associations LGBT accusées « d’infiltrer les écoles et pervertir les enfants ». « Nous sommes les seuls à pouvoir lutter contre la secte franc-maçonne qui cadenasse les peuples et marie les malades sexuels pour dégrader l’humanité de manière à ne pas se sentir seuls dans leur dégénérescence » écrit par exemple un membre revendiqué des JRE sur un forum public. Sur le site JRE, un simple nuancier de couleurs sur une vidéo contre le harcèlement scolaire semble devenir une preuve irréfutable du lobbying LGBT dans les écoles…

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Des propos et une communication finalement communs à beaucoup des différents réseaux nébuleux d’extrême-droite sur le net. Et on se rend compte finalement que les liens entre tous sont poreux, que catholiques et musulmans intégristes se retrouvent pour des causes communes, aux côtés de certains réseaux d’extrême droite plus classiques.

Pour Farida Belghoul, derrière le caractère politique et populiste de cette communication sur le net, il y a surtout la volonté d’agir sur l’école de la République. Ainsi dans la lignée des journées de retrait organisées, Farida Belghoul a lancé une association de parents d’élèves nommée la FAPEC (Fédération Autonome de Parents Engagés et Courageux). Une association qui reprend sans surprise la bataille contre la supposée théorie du genre et qui se réserve la possibilité d’organiser de nouvelles journées de retrait. Une association qui soutient également les écoles hors contrat ou encore l’enseignement à domicile afin de « préserver l’enfant de la déviance de l’école laïque et républicaine ». Une association qui reste marginale, mais dont l’existence suffit à elle-même à susciter la méfiance et l’inquiétude de la part de professionnels de l’enseignement[v].

[i] http://ec-blotterie-joue-les-tours.tice.ac-orleans-tours.fr/eva/spip.php?article100

[ii] https://larotative.info/rumeur-a-l-ecole-maternelle-de.html

[iii] http://matfanus.blogspot.fr/2014/04/joue-les-tours-le-nouveau-maire.html

[iv] http://www.lanouvellerepublique.fr/Indre-et-Loire/Actualite/Education/n/Contenus/Articles/2015/04/03/Affaire-de-l-ecole-Blotterie-l-enseignante-attend-le-proces-2281962

[v] http://www.toupie.org/Textes/FAPEC_FCPE.pdf

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