Ça râle parmi les supporters du Tours FC. L’an prochain, le club risque fort de devoir partager son stade historique avec l’équipe première de Joué-lès-Tours qui en a obtenu l’autorisation par courrier de la ville de Tours. Un épisode de plus dans la tumultueuse actualité qui entoure le Tours FC et ses relations avec les pouvoirs publics.
Depuis le 12 juillet la pression redescend au Tours Football Club : en tête de sa poule après une saison 2021-2022 en Régional 1 le club a obtenu l’autorisation de jouer en National 3 dès la rentrée. Pour cela, il a quand même fallu aller en appel auprès de la DNCG (la commission nationale qui contrôle les finances des clubs) car le dossier tourangeau avait été refusé par la commission régionale en raison d’un manque d’un retard dans l’envoi de toutes pièces justifiant que la structure avait les reins solides pour évoluer à l’échelon supérieur.
Après 3 longues saisons de galères, le TFC peut donc espérer entamer sa restructuration, lui qui a été rétrogradé de N2 en N3 puis de N3 en R1 pour raisons financières, et empêché de remonter en N3 pour les mêmes motifs. Il a également réussi à franchir l’obstacle du tribunal de commerce qui l’avait placé en redressement judiciaire avant de valider le projet de réduction de la dette de son propriétaire actuel, l’homme d’affaire corse Jean-Marc Ettori.
Nouvelle ère, donc, avec un président délégué venu de Chambray (Richard Plantureux), de nouveaux partenaires (peut-être une entrée au capital du club d’Angers et le soutien de l’entreprise Sixième Homme du Tourangeau Romain Regnard pour chercher des sponsors), et une équipe taillée pour jouer le haut de tableau, coachée par l’entraîneur Nourredine El Ouardani, artisan de la stabilité sportive depuis plusieurs années. Reste que rien n’est jamais simple avec le TFC… Ainsi, chose inédite, le club tourangeau est amené à partager son stade de la Vallée du Cher.
Pourquoi Joué-lès-Tours vient jouer ici alors qu’ils ont trois stades neufs ?
L’information qui a filtré sur les réseaux sociaux est confirmée par un courrier signé par l’adjoint aux sports de la ville de Tours Eric Thomas : celui-ci indique au président du club de Joué-lès-Tours Eric Bedoyan qu’il est disposé à signer une convention pour que son équipe de R1 évolue à la Vallée du Cher sur la saison 2022-2023.
Joué-lès-Tours, un club lui aussi en pleine évolution puisqu’il doit bénéficier d’apports financiers par l’ancien joueur Omar da Fonseca, aujourd’hui consultant pour la chaîne de télé BeIn Sport. Un temps candidat à la reprise du Tours FC, son dossier soutenu par la mairie de Tours a été refusé par le tribunal de commerce alors il a tenté sa chance dans la ville voisine qui l’a accueilli les bras ouverts, avec le soutien des responsables associatifs et des élus. Objectif : devenir un poids lourd régional du foot.
Autrement dit, Tours Métropole se retrouve avec deux clubs aux fortes ambitions… Deux clubs potentiellement rivaux… Deux clubs qui vont partager le même terrain. Situation pas du tout vue d’un bon oeil par le propriétaire du TFC Jean-Marc Ettori : “On nous impose cette situation. Le courrier de la ville de Tours date du 1er juillet, avant même notre passage en commission régionale et nationale. Ils avaient déjà fait le pari que nous ne monterions pas.”
Celui qui dirige le Tours FC depuis près d’une décennie s’interroge : “Selon moi il devrait y avoir un vote en conseil municipal car le stade c’est de l’entretien et la présence d’agents de la ville pour chaque match. Nous payons 50 000€ par an pour l’utiliser, est-ce que Joué-lès-Tours aura les moyens de payer cette somme ?” Jean-Marc Ettori souligne aussi un paradoxe : “Même quand on jouait en Ligue 2 on nous refusait le terrain d’honneur pour les entraînements car la pelouse est en mauvais état. C’est vrai. Et là elle pourra accueillir deux matchs par semaine ?”
“Pourquoi Joué-lès-Tours vient jouer ici alors qu’ils ont trois stades neufs ? C’est honteux !” s’offusque encore le président du TFC. L’ancien maire de Tours Christophe Bouchet y trouve également à redire, lui qui a été vice-président du club et reste membre de l’association : “Au-delà de l’aspect technique, la symbolique est singulière et spectaculaire. Eric Thomas – adjoint au maire chargé des sports à Tours – est élu de la ville mais ne défend pas le club de son territoire qui fait partie du patrimoine. Cela permettra peut-être de sauvegarder la Vallée du Cher mais cela aurait nécessité un consensus et des discussions entre tout le monde.”
“Encore une fois le problème vient de la méthode qui est catastrophique” insiste l’élu d’opposition qui estime que sur le foot “depuis l’élection d’Emmanuel Denis et d’Eric Thomas ils ont pris le dossier à l’envers à chaque fois et à chaque fois ont pris la mauvaise direction. Ces erreurs ont abouti à une vendetta d’Eric Thomas sur le club pour l’asphyxier en tardant à verser les subventions municipales.”
“On ne retire rien au Tours FC”
L’actuel adjoint aux sports de la ville de Tours, joint par téléphone par notre rédaction, refuse de tomber dans la polémique. Au contraire, Eric Thomas affirme : “On ne retire rien au Tours FC, au contraire la ville vient de refaire une partie du complexe de la Vallée du Cher qui bénéficie au club, des jeunes aux seniors qui s’y entraînent”.
Mais l’élu de Tours d’insister : “Le complexe de la Vallée du Cher appartient à la ville de Tours et nous souhaitons que le complexe vive. Nous envisageons par exemple d’y faire venir des matchs de gala de l’US Tours, d’y organiser des entraînements publics de l’équipe d’Irlande si nous l’accueillons dans le cadre de la coupe de monde de Rugby en 2023 (Tours est pressentie pour être le camp de base du XV irlandais)… L’idée est d’exploiter au mieux ce beau complexe.”
Et sur l’usure de la pelouse, peu réputée pour sa qualité, Eric Thomas de tempérer : “il n’y aura pas de problèmes de calendrier, c’est faisable de faire un match par semaine à tour de rôle.” Quant au coût de la location du stade, l’élu de la ville de Tours d’expliquer que les services de la ville travaillent en ce moment à l’évaluation selon les jours de matchs, sur le nombre de nocturnes et donc de besoin en électricité, etc… “Tout sera transparent” affirme-t-il ainsi…
Reste que sur la forme et le fond, difficile de ne pas y voir un nouvel épisode des relations tendues et conflictuelles entre le Tours FC et la ville de Tours. A ce sujet Eric Thomas affirme : “ Je n’ai rien contre le Tours FC, bien au contraire, mais je regrette de n’avoir pas plus de nouvelles de ses dirigeants, j’ai appris par exemple par voie de presse que la commission d’appel de la DNCG acceptait la montée en Nationale 3 du club…”
Et sur la demande en question d’utilisation du stade de la Vallée du Cher par le club de Joué-lès-Tours, Eric Thomas assume son courrier : “Nous avons simplement répondu favorablement à une demande qui nous a été faite par le maire de Joué-lès-Tours qui est également président de Tours Métropole.”
Frédéric Augis, justement, affirme que le club de sa ville “ne déménage pas de Joué-lès-Tours et Jean Bouin continuera d’avoir une utilité”. Concrètement si l’équipe première jocondienne jouera bien ses matchs au stade d’honneur de la Vallée du Cher, les entraînements resteront à Joué-lès-Tours et les terrains de la deuxième ville du département continueront à accueillir les autres matchs que ce soit chez les jeunes, les autres équipes masculines ou encore les féminines qui constituent un pôle important de la structure jocondienne.
Alors pourquoi solliciter dès lors une utilisation de la Vallée du Cher pour une équipe première qui n’évoluera qu’en Régionale 1 la saison prochaine ? “Cela correspond au projet porté par les Da Fonseca, c’était dans le deal dès le départ” affirme Frédéric Augis qui voit dans ce déménagement l’opportunité d’accompagner le développement voulu de la structure : “Il leur fallait un équipement avec des loges, le stade de la Vallée du Cher est à ce titre bien fait pour des clubs qui ont de l’ambition.” Et ce dernier d’affirmer, “ il n’est pas question de revanche et personne n’est en guerre contre le Tours FC”.
Il n’empêche que ce nouvel épisode illustre symboliquement le sentiment de flou qui entoure le soutien des collectivités publiques envers les clubs de foot tourangeaux. Car n’oublions pas non plus que sur le territoire de la Métropole, le FCOT (Football Club de l’Ouest Tourangeau) basé à Ballan-Miré qui évolue en N3 également, existe aussi et se montre structurellement et sportivement solide. De là à ce que ce dernier ne réclame aussi un peu plus de regard et d’intérêt de la part des pouvoirs publics, il n’y aurait qu’un pas qui ne serait finalement pas illégitime…
Mathieu Giua avec Olivier Collet