Pourquoi Bruno Poilpré quitte-t-il la présidence du TVB ?

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Le Tours volley-ball n’a plus de président. Bruno Poilpré a annoncé sa démission, jeudi 1er juin 2023. Un choix inattendu, qu’il explique de plusieurs façons : manque de temps, vie privée à privilégier et lassitude face au désengagement des collectivités. Ce retrait de la vie du club ne l’empêchera pas de continuer à supporter les volleyeurs tourangeaux, en tant que partenaire.

Une démission inattendue. Bruno Poilpré a annoncé, jeudi 1er juin 2023, sa décision de quitter la présidence du Tours volley-ball après deux saisons et demi à la tête du club. L’homme de 58 ans évoque plusieurs raisons pour justifier son choix : un manque de temps mais aussi l’envie de profiter de sa vie privée. Le désengagement progressif des collectivités, à travers une baisse des subventions, n’a rien arrangé.

Également président du groupe Roulliaud, une entreprise spécialisée dans le bâtiment située à Notre-Dame-d’Oé, Bruno Poilpré ne parvenait plus à concilier ses deux activités. « Il faut savoir qu’être président du TVB est un job à part entière. Cela nécessite une grosse implication, de manière bénévole. À l’issue de ces deux saisons et demi, je constate qu’il faut y consacrer plus de temps. Le rôle du président est très important et, à mon sens, il faudrait être présent à 100 % », indique-t-il. Lors de son mandat, le chef d’entreprise dédiait deux journées au club. Sans compter les déplacements, parfois à l’étranger, à l’occasion des rencontres de CEV cup ou de Ligue des champions. « Je pense que je suis l’un des rares présidents qui a autant accompagné l’équipe à l’extérieur mais, le faire, c’est déjà apporter son soutien psychologique. C’est aussi se rendre compte des organisations différentes. Cela donne des idées pour transformer le club et lui faire franchir une marche supplémentaire. »

« Cette démission était du bon sens »

Des journées consacrées au TVB et des déplacements qui empêchaient alors Bruno Poilpré d’être présent auprès de ses 300 collaborateurs. Cette présence est d’autant plus importante pour le chef d’entreprise à l’aube des 70 ans du groupe. « Quand vous essayez d’assembler tout ça dans un agenda, ça coince », assure-t-il. Si ce moment a été difficile, le président de Roulliaud n’a cependant pas beaucoup hésité avant de prendre sa décision. « Ça a été compliqué parce que j’aime énormément l’aspect sport de haut niveau mais cette démission était du bon sens. Il faut laisser la chance à un nouveau président, qui aura tout son temps pour faire les choses bien. De mon côté, je privilégie mes salariés pour faire en sorte que l’entreprise fonctionne comme il faut. »

Bruno Poilpré, ancien président du Tours volley-ball.

Après deux ans et demi intenses, Bruno Poilpré souhaite également prendre du temps pour lui. « Cela peut paraître un peu fleur bleue mais, sur le plan personnel, j’ai une fiancée maintenant. À un moment, on essaie de voir où se trouve notre essentiel », commente-t-il. Et pour lui, il est auprès de sa future femme, avec qui il se mariera l’année prochaine. « Il faut savoir ce que l’on veut et savoir penser à sa vie personnelle parce que l’équilibre d’un homme passe aussi par sa vie privée », considère-t-il.

Le quinquagénaire a par ailleurs eu l’impression de voir les collectivités se désengager au fil des saisons. Celui qui se décrit comme perfectionniste s’est même demandé, pendant un instant, s’il avait bien fait son travail. « Je me suis dit que je n’avais peut-être pas été assez présent pour pousser les collectivités et le résultat est qu’il y a du désengagement. Est-ce que j’aurais obtenu plus si j’avais mis plus de pression, en harcelant encore plus ? Au final, je crois que le mouvement il est inéluctable », déclare Bruno Poilpré. C’est aussi dans ces moments-là qu’il s’est rendu compte de l’importance des partenaires privés, qui apportent 55 % du budget du club. Et, s’il reconnaît que les collectivités ont également leurs difficultés et qu’elles sont, elles aussi, « victimes de la conjoncture actuelle », l’ex-président du TVB regrette le manque d’intérêt des instances pour le volley de haut niveau.

Bruno Poilpré regrette l’absence de gratification après le doublé

Il a, par exemple, toujours du mal à digérer le manque de soutien des collectivités après le doublé championnat de France – Coupe de France. « Pour l’instant, seule la ville de Tours a récompensé le parcours de cette année, en donnant 20 000 € pour les titres. J’avais fait la même demande auprès des autres collectivités. Nous n’avons rien reçu et je trouve que c’est dommage », déplore-t-il. Bruno Poilpré compare cette situation a un enfant qui aurait eu 20/20 en dictée ou à un exercice de calcul mental : « La maîtresse lui aurait donné un bon point. Et bien, là, nous n’avons rien. » Il aurait donc apprécié recevoir une gratification pour la bonne saison de son équipe. « Ma demande n’était pas 300 000 €. J’avais dit 15 000 € par titre, soit 30 000 € pour les deux trophées. Multiplié par quatre collectivités, cela nous permet d’être financièrement correct », affirme-t-il.

Le chef d’entreprise ne comprend pas ce manque de soutien car il estime que les collectivités profitent de l’aura du club. « Il faut que les gens se rendent compte que le TVB est connu à travers le monde entier, dans le monde du volley-ball. Et, au classement des clubs 2023, nous sommes au 9e rang mondial et 8e européen. C’est énorme. » Il considère également que le Tours volley-ball a beaucoup donné en échange. « Nous avons joué notre rôle de représentativité tout au long de l’année et ils ne peuvent pas dire le contraire. Je pense par exemple à tous ces collégiens que Marcelo (Fronckowiak) est allé voir avec des joueurs », commente-t-il. Et d’ajouter : « Les collectivités, je les remercie car elles nous soutiennent au quotidien mais j’attendais malgré tout un petit plus parce que, a contrario, si nous avons de mauvais résultats, elles sauront encore plus diminuer nos subventions. Nous avons l’impression que c’est à sens unique et ce n’est pas normal. »

L’ancien président estime par conséquent que le volley est aujourd’hui un sport où il ne faudrait pas gagner. « Dans le football, lorsque vous gagnez le championnat de France, la Fédération française de football va vous donner un chèque. Nous, nous ne gagnons rien. La Fédération française de volley ne nous donne rien », soupire-t-il. Pourtant, le club qui remporte les trophées doit verser des primes à ses joueurs. « Nous ne sommes pas au foot, une prime pour un volleyeur c’est trois ou quatre mille euros. C’est tout. Mais, multiplier par le nombre de joueurs, avec les charges sociales… Et bien, on en arrive à se dire qu’il ne faut pas gagner ! C’est ça la réalité. »

Des baisses de subventions

À cette absence de gratification s’ajoute la baisse des subventions. Si le conseil départemental d’Indre-et-Loire maintient sa subvention de 200.000 €, il n’en serait pas de même pour la région Centre-Val de Loire. L’année dernière, l’institution aurait décidé de ne plus soutenir les clubs de haut niveau, notamment les SAS sportives (sociétés anonymes sportives professionnelles). La subvention de 120 000 € ne serait donc plus attribuée au Tours volley-ball. À la place, 80 000 seront affectés à son centre de formation. « La deuxième goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est que, quelques semaines avant la finale du championnat, nous ne connaissions toujours pas le montant de la subvention octroyée par la métropole. Nous l’avons su il y a deux semaines et la subvention est amputée de 25 000 € », signale Bruno Poilpré. La somme affectée au TVB passe donc de 225 000 à 200 000 €. » Président de Tours métropole, Frédéric Augis assure cependant que cette baisse était prévue, le club ayant jusqu’à présent bénéficié d’une rallonge de 100 000 euros sur 4 ans, suite à un rattrapage Ursaaf d’il y a quelques années.

Ces diminutions des aides octroyées au TVB ont des conséquences, sur le recrutement notamment, car le budget a dû être revu à la baisse. « Nous avons rogné 180 000 € de masse salariale. La saison prochaine, nous aurons donc un joueur en moins : au lieu d’en avoir quatorze, nous en aurons treize », précise-t-il. Le club devra par ailleurs compter sur des joueurs moins coûteux, plus jeunes. « Nous espérons que ce soit des pépites. Ces joueurs ne sont pas encore connus mais le TVB devrait les révéler », expose l’ancien président. L’équipe sera donc profondément remaniée mais cela n’inquiète pas Bruno Poilpré. « Pascal (Foussard) a un don pour détecter les pépites, pour construire des équipes. J’ai toute confiance en lui et je sais que les joueurs qui arrivent sont solides. Je pense à Antoine Pothron, qui est un futur joueur majeur de l’équipe de France, et à Luca Ramon, aussi membre de l’équipe de France et libéro exceptionnel. Il faut compter sur les jeunes, c’est important. »

Pour le quinquagénaire, cette démission est l’occasion de prendre la parole « pour alerter sur ce fonctionnement vraiment très difficile ». Et pas seulement pour le TVB mais aussi pour tous les autres clubs qui vivent les mêmes situations. « Nous ne pouvons pas fonctionner comme ça. C’est anxiogène, démoralisant et fatigant », témoigne-t-il. Et de poursuivre : « Je ne vais pas faire ma pleureuse, je savais où je mettais les pieds et j’y suis allé en connaissance de cause. Mais, quand vous mettez tout ça bout à bout, c’est démobilisant. D’où ma décision… »

Un bilan positif

Bruno Poilpré, arrivé en 2021 pour prendre la suite d’Yves Bouget, alors nommé président de la ligue nationale de volley, fait cependant un bilan positif de ces deux saisons et demi au TVB. S’il n’est pas arrivé dans les meilleures conditions, la saison 2020-2021 ayant été compliquée, il se réjouit des « deux années exceptionnelles » qui ont suivi. « C’est quand même cinq finales, deux titres gagnés, une saison en CEV cup et une autre en Ligue des champions, où l’on termine en huitièmes mais où l’on aurait pu faire mieux je pense, sans la blessure de Zeljko Coric. Et nous sommes à nouveau en Ligue des champions la saison prochaine… Je crois que j’ai rempli mon contrat : maintenir le club au plus haut niveau et essayer d’accrocher un Top 8 mondial. »

Et il l’assure, il continuera à suivre le Tours volley-ball, « plus sereinement », en tant que partenaire (le groupe Roulliaud soutient le club depuis 31 ans). Bruno Poilpré a d’ailleurs toujours aimé le volley, un sport qu’il a même un peu pratiqué étant plus jeune. « Ça a un côté très addictif parce que c’est un ascenseur émotionnel sur le plan sportif. Le volley-ball véhicule aussi de belles valeurs du sport, du collectif. De plus, ce n’est pas un sport pourri par l’argent. Il monte un peu en puissance mais il faut aussi que nos dirigeants, là-haut, je pense à la Fédération française de volley, se dépoussière un petit peu et prenne les choses à bras le corps. Mais ce n’est pas gagné ! (Rires) » Son successeur à la tête du meilleur club de France n’est, quant à lui, toujours pas connu.

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