«J’ai fait les 10km de Tours»

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Comme aucun sacrifice n’est trop beau pour nos lecteurs chéris, l’un de nos journalistes s’est glissé dans un Alpha Jet de l’armée de l’air, pendant que l’autre chaussait ses « trainers » de marque anglaise pour tenter les 10km en moins d’une heure malgré une rage de dent ayant entraîné une courte nuit, le troisième prétextant lâchement une réunion de famille pour ne pas faire un embedded avec les sapeurs pompiers.

Kilomètre zéro

9h15, nous courons pour rejoindre la ligne de départ à une heure raisonnable. On annonce environ 10.000 partants, ce qui fait étrangement ressembler la ligne de départ à une foule de festivaliers attendant l’arrivée d’une star sur scène. Avec cette sensation délicieuse d’entendre que le départ a été donné et de ne pas bouger d’un millimètre dans les trois minutes qui suivent.

Kilomètre 1

Je croyais que les 10km se faisaient en courant, mais j’ai dû mal lire : je marche dans un troupeau et au moment où je passe sous la passerelle de la Fac de lettres, je me prépare psychologiquement à croiser le vainqueur de la course, alors que je ne suis pas vraiment parti moi-même.

Kilomètre 2

Toujours coincé dans le peloton de queue (enfin sans doute… pas facile de distinguer la tête d’un 7000e de celle d’un 1250e, en fait : tout le monde se ressemble vachement), je verse ma larme en regardant mon chrono : à ce rythme-là, je suis parti pour faire 3h40 alors que vu mon entraînement je devrais pouvoir me maintenir à 55 minutes comme l’année dernière.

Kilomètre 3

Je commence à prendre un bon rythme, mais j’ai quand même le temps de rire à la bonne blague d’un coureur, à l’attention des familles catholiques du quartier des Prébendes perchées sur leurs perrons : «Jésus n’existe pas ! Vive Olivier Besancenot !». Je reste concentré néanmoins : on n’est pas là pour provoquer le paysage ni pour rigoler, non plus, hein.

Kilomètre 4

C’est à ce moment du parcours qu’on mesure le degré de perversité de ses auteurs : on zigzague indéfiniment dans des ruelles minuscules des Prébendes, avec la vague impression de revenir en arrière, certains deviennent fous et se mettent à grimper aux poteaux électriques, d’autres sortent leur boussole et s’arrêtent. Non, je rigole.

Kilomètre 5

Le ravitaillement de la Place de Strasbourg est une incitation à l’abandon : on est d’abord censé extirper un verre vide d’une pile bien serrée, puis une bouteille d’eau, puis d’ouvrir celle-ci et d’en verser le contenu dans le verre, le tout en courant à 11,876 km/h, dégoulinant de sueur, en mangeant un quartier de pomme avec sa troisième main, au milieu de 9.999 autres coureurs en furie. OK. D’accord.

Kilomètre 6

Il commence à faire sacrément chaud, mais comme j’ai démarré mou, je commence à doubler les coureurs par paquets de 200, surtout dans la descente de la rue Febvotte. Côté discussions décontractées entre coureurs, c’est un peu comme l’oxygène : ça se raréfie et j’en viens à regretter mes deux voisins éphémères du kilomètre 4 qui décrivaient en détail la carte des vins d’un restau local.

Kilomètre 7

Bon, c’est pas qu’on commence à s’ennuyer, mais un peu quand même. Alors une seule solution : accélérer encore et encore tout en jetant un œil au chrono et au public, sacrément nombreux sur Grammont. La lose totale ? C’est quand tu reconnais quelqu’un au bord de la piste, mais que lui ou elle ne te voit pas et encourage quelqu’un d’autre.

Kilomètre 8

Plus aucun doute, me voilà passé du stade du piétinement frustrant du départ au manque cruel d’énergie pour profiter des espaces qui s’offrent à moi de plus en plus. La vraie-fausse côte de la rue Sébastopol, puis Grandière, en massacre plus d’un (Quoi ? Vous ne savez pas ce qu’est une vraie-fausse côte ? On voit bien que vous n’avez jamais couru de votre vie).

Kilomètre 9

La foule s’épaissit sur les bords, le Monstre de la place du Monstre applaudit lui aussi et c’est le moment tant attendu où les prétentieux qui sont partis à fond pleurent leur mère et où les prudents dont je suis sprintent sur le dernier kilomètre, petite revanche personnelle absolument dérisoire et pathétique, mais ô combien jouissive.

Kilomètre 10

Voilà, c’est dans la boîte. Le plein soleil de la ligne d’arrivée n’est pas forcément des plus agréables, mais on ne va pas non plus regretter la pluie qui avait été annoncée. Pas facile de marcher vite pour récupérer, trop de monde, pas moyen de s’étirer non plus = espèce d’espace-temps mort pendant lequel l’œil avisé des secouristes te scanne le teint pour savoir s’ils t’embarquent dans leur camion ou pas. J’ai connu une «coureuse» qui faisait exprès de se sentir mal pour se faire dorloter par de jeunes sapeurs-pompiers musclés.

2014-09-21 09.26.15

Kilomètre 11

Ah ah, vous ne le connaissez pas celui-là, hein ?! C’est le kilomètre qui vous emmène sur une table sur les bords de Loire bouffer une paella industrielle à 11h30 du matin (offerte avec les frais d’inscription à la course, au passage je préférerais de loin ne pas avoir de T-shirt ni de sac à l’effigie de la course et en échange un vrai bon repas avec des produits locaux).

Kilomètre 12

Celui-ci c’est le pire, c’est celui qu’il faut parcourir vers 14h pour retourner à sa voiture où chez soi alors qu’on rêve de dormir, qu’on a enquillé les verres de rosé (oui, parce qu’il y a du rosé, avec la paella aussi) et qu’on en a tout simplement plein les pattes et qu’on se demande vraiment pourquoi on a voulu faire les 10km de Tours. Et pourtant l’année prochaine, on ne se pose même pas la question de savoir si on y retourne ou pas.

 

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