Ce lundi 18 janvier l’Indre-et-Loire ouvre 5 centres de vaccination anti-Covid pour le grand public en complément des sites déjà disponibles pour le personnel soignant et des opérations menées en EHPAD. Le problème c’est que la demande est beaucoup plus forte que l’offre.
« J’ai 84 ans et mon mari 82 ans. Nous voulons nous faire vacciner mais impossible d’avoir un contact. Les sites ne fonctionnent pas et le téléphone ne répond pas » : des messages comme celui de Jeannette nous en avons reçu beaucoup. Plusieurs dizaines. Certains empreints d’une certaine détresse, listant les souffrances déjà endurées (insuffisance rénale, cancer, problèmes cardiaques). Malgré l’ouverture d’un standard téléphonique régional dédié aux prises de rendez-vous et la mise à contribution du site Doctolib, décrocher un créneau disponible pour une injection contre la Covid-19 s’avère diablement complexe. Alors ces personnes prioritaires âgées de plus de 75 ans ou souffrant de certaines pathologies essaient tant bien que mal de décrocher le précieux sésame par un moyen détourné. D’autres ont appelé une mairie, leur médecin ou le standard de l’hôpital. Peine perdue. Il n’y a pas d’autre solution que le canal officiel pour se faire vacciner.
Que ce soit à Tours, Amboise, Joué, Chinon ou Neuillé-Pont-Pierre, les plages horaires disponibles (du lundi au samedi matin) ont été prises d’assaut en quelques heures. En début de week-end il en restait encore pour janvier à Chinon, ailleurs ça repoussait à début février, quand ce n’était pas carrément bloqué. Pour les soignants, même chose : 10 jours de délai minimum à Tours (où le centre Rue Jehan Fouquet fonctionne même le dimanche. Le samedi 4 places de stationnement public ont été privatisées afin que le personnel se gare en ce jour de marché aux Halles, et ne perde pas de temps à tourner dans le quartier).
« L’accélération de la campagne de vaccination dépendra des livraisons »
« Chaque centre proposera des rendez-vous sur un delta de 4 semaines » indiquait-on il y a quelques jours à la préfecture d’Indre-et-Loire. Au-delà, pas de prévisions. Et encore, 4 semaines c’est ambitieux. En fait la campagne de vaccination s’adapte au jour le jour et on sent que ça navigue un peu à vue du côté des autorités. « Nous serons réapprovisionnés en vaccins chaque semaine » assure la préfète. On demande combien. Pas de réponse. Le gouvernement dispatche selon plusieurs critères dont la situation épidémique. C’est pour cela qu’il a envoyé les premières doses du vaccin Moderna vers les départements de l’est après son autorisation, là où l’on recensait le plus de nouvelles infections à l’instant T. Ce fameux vaccin que doit produire l’usine Recipharm de Monts on ne sait pas encore à quel moment l’Indre-et-Loire pourra en bénéficier. Proximité ne signifie pas priorité : les doses seront centralisées puis redistribuées.
Pour le moment, les seuls chiffres dont on dispose sont les suivants : les centres de vaccination grand public tourangeaux sont dimensionnés pour 200 à 600 injections par semaine, soit 2 à 3 000 personnes immunisées à l’échelle du département. A ce rythme-là, il faudrait près de 6 mois pour vacciner l’ensemble de la classe d’âge des plus de 75 ans (63 000 personnes dans le département, sans compter les plus vulnérables). Les autorités promettent d’aller plus vite mais « l’accélération dépend des livraisons » prévient la préfecture. Sachant que Pfizer vient d’annoncer qu’il allait réduire la cadence pendant un temps afin de mener des travaux dans son usine belge, ça va encore un peu décaler les choses. L’une des clés réside dans la mise sur le marché potentielle de nouveaux produits dont celui d’AstraZeneca qui se conserve plus facilement et pourrait être administré par les pharmaciens ou les médecins traitants. Le Royaume-Uni a franchi ce cap, la France et l’Union Européenne pas encore.
L’impatience de Français à se faire vacciner intéresse désormais plus que les réticences des sceptiques
Cette démultiplication de solutions va vite devenir essentielle si on veut vacciner en masse car, d’ici moins d’un mois, un autre écueil va se présenter : les premières personnes piquées devront revenir pour leur deuxième injection. Les rendez-vous – déjà pris – se cumuleront à ceux bookés pour les nouveaux patients. Il ne faudra plus 2 à 3 000 doses hebdomadaires mais 4 000 à 6 000 sur le département. Double affluence et double logistique sur le terrain. Voilà d’ailleurs pourquoi ce sont de grandes salles qui ont été choisies (salle polyvalente des Halles à Tours, salle des fêtes à Amboise, Espace Clos Neuf à Joué). Des lieux qui ont tous vocation à rester ouverts de longs mois : la préfecture indique qu’ils ont été sélectionnés dans ce but, pour absorber l’ouverture de la campagne à d’autres populations. Quand certaines contraintes de conservation de vaccins seront levées avec l’arrivée d’autres marques, les « vaccinodromes » pourront même se multiplier : « Nous avons reçu des propositions d’une vingtaine de communes » indiquait Marie Lajus (on peut citer Saint-Cyr-sur-Loire ou Sainte-Maure-de-Touraine. Pour Loches l’ouverture est programmée lundi 25).
Afin d’assurer la logistique, il y aura recours à des personnels retraités ou des professionnels de santé volontaires. Pour l’accueil ou des tâches annexes, le Conseil Départemental propose la mise à disposition de personnel dont des équipes de ses monuments actuellement fermés au public. En prime son président se dit prêt à mobiliser des moyens financiers. Du côté de l’Association des Maires d’Indre-et-Loire on cherche des solutions pour transporter les personnes désireuses de se faire vacciner mais qui ne peuvent pas se déplacer (Ballan-Miré propose un service de navette via son CCAS). Mobilisation tous azimuts en forme de solidarité départementale. A tous les maillons de la chaîne, on a conscience que ce dispositif reste sous-dimensionné par rapport aux besoins, qu’il crée de la déception et de la frustration. Pour l’Etat qui place tous ses espoirs en l’efficacité de la vaccination pour lever les restrictions sanitaires, ce grand bazar a tout de même un avantage : la communication ne se fait plus sur le scepticisme des Français mais plutôt sur un engouement à bénéficier de la piqûre. Un tableau moins sombre malgré les ratures au premier plan.
Un degré en plus :
Sur Info Tours, notre article pour savoir où se faire vacciner et comment prendre rendez-vous.
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