Depuis de nombreuses semaines, le Canada est ravagé par d’immenses feux de forêt. Des millions d’hectares de forêt brûlent, en particulier dans la province francophone du Québec. Pour aider son allié, la France envoie régulièrement des renforts de pompiers. Le caporal tourangeau Mathieu Portrait a fait partie d’un de ces détachements. C’est le seul soldat du feu d’Indre-et-Loire qui a fait le déplacement. Il témoigne.
« A son départ, il n’avait pas la barbe ! » Ambiance détendue à l’arrière de la caserne de Tours-Centre. Les collègues de Mathieu Portrait embrassent et chambrent leur camarade. Le caporal débarque tout juste d’un séjour de trois semaines au Canada et d’une nuit d’enfer combinant un vol Québec / Marseille-Marignane, un transfert vers Bordeaux puis un train direction la Touraine. Il a la tête des gens en jetlag et hâte de retrouver sa compagne. Mais d’abord il prend le temps de raconter son séjour. Le premier de sa carrière à l’étranger.
Le caporal Mathieu Portrait a 25 ans. Pompier depuis ses 18 ans, il est arrivé au centre d’incendie et de secours de Tours-Centre en 2019. Habilité à intervenir sur des feux de forêt, il a passé le 1er niveau de formation sur le sujet (sur 5 possibles). Sa décision de s’envoler outre-Atlantique s’est faite sur un coup de tête : à peine quelques heures pour s’engager. « Mais dans une carrière on essaie toujours de partir » commente-t-il. Il était donc mentalement préparé à cette éventualité.
De nouvelles techniques à apprendre
Cela dit, ce voyage n’est pas une mission organisée dans le cadre de son travail quotidien. Mathieu Portrait est parti sur ses temps de repos… et sera donc de garde dès ce dimanche 23 juillet à la caserne, soit à peine le temps de digérer le retour. Il sera tout de même indemnisé par l’Etat, dans le cadre d’un dispositif spécial dédié à la solidarité internationale.
Le caporal raconte : « On était 120, pompiers, militaires et agents de la sécurité civile. On a atterri à Québec mais on ne savait pas où on allait après. On a suivi deux jours de formation avec la société privée qui intervient sur le domaine forestier car les pompiers canadiens du public ne sortent pas des villes. C’est là que j’ai découvert qu’ils utilisaient les hélicoptères comme taxi. » Et Mathieu Portrait n’avait jamais pris l’hélicoptère auparavant, comme il n’avait jamais mis le pied au Canada, d’ailleurs.
« On n’a pas eu le temps de faire du tourisme. On faisait simplement l’aller-retour entre le campement et la zone de feu. »
Ces forêts embrasées, ce sont des centaines de milliers d’hectares calcinés. « C’était chaotique, d’une ampleur impressionnante, du noir à perte de vue » commente le pompier tourangeau. Il est intervenu sur deux feux : un premier dans l’ouest de la province, rapidement éteint « grâce à un bel orage qui a apporté 60mm d’eau en une nuit », puis un second beaucoup plus fort au nord de la région. Les conditions d’accès étaient difficiles : « On faisait une heure d’hélicoptère le matin, une heure le soir. L’appareil nous lâchait au plus près de la zone de feu là où il y avait suffisamment de terrain dégagé pour se poser puis il fallait se frayer un chemin à travers la végétation en débroussaillant. »
Une expérience très enrichissante
Divisés en plusieurs groupes, les renforts français n’intervenaient pas directement sur le front de flamme. Leur rôle était d’éviter les reprises de feu en arrosant le sol, recouvert par 1m20 de végétation. « Les Canadiens utilisaient des drones et des hélicoptères avec caméra thermique pour repérer les zones les plus chaudes. » Il fallait ensuite les noyer. « On avait toujours des agents avec nous pour nous expliquer. Ils connaissent la forêt par cœur. Mais les techniques ne sont pas très différentes des nôtres, simplement ils ne travaillent pas la nuit car c’est trop compliqué et dangereux » poursuit le caporal qui a passé une semaine sur chaque feu.
De cette mission au milieu des sapins, il ressort « grandi ». « Il faut le voir pour le croire. Si on m’avait dit qu’un jour j’irais au boulot en hélicoptère je ne l’aurais pas cru » décrit Mathieu Portrait qui revient aussi avec une expérience inédite, ces feux canadiens étant bien plus démesurés que ceux que l’on peut observer en Indre-et-Loire. Cela dit, le département est de plus en plus exposé au risque. Même si l’été 2023 n’a pour l’instant été émaillé que de quelques feux de champs détruisant quelques hectares, le SDIS37 se tient prêt pour des interventions d’ampleur : il a récemment acquis un tout nouveau camion spécial et mobilise une dizaine d’hommes prêts à renforcer les équipes d’autres régions dans le besoin.