Un an de Covid en Touraine : « Au début j’ai cru à un syndrome grippal pas plus méchant que les autres »

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En Indre-et-Loire, la première vague de l’épidémie de coronavirus coïncide avec le début du mois de mars 2020. Oui, cela fait un an. 12 mois qui nous semblent avoir duré une éternité. Que peut-on en retenir à froid ? Quel ressenti ? Quelles leçons ? Aujourd’hui on en parle avec Philippe Paganelli, président du Conseil de l’Ordre des Médecins en Indre-et-Loire.

En Touraine on compte plus de 3 000 médecins inscrits au Conseil de l’Ordre. Des praticiennes et praticiens qui exercent en libéral mais aussi les médecins du travail, les médecins scolaires ou qui travaillent à l’hôpital. Il y a également les retraités, sachant qu’une partie conserve une petite activité. Ce monde médical vient de vivre une année intense et complètement hors du commun. Un épisode Covid encore loin d’être terminé. « Au début, comme beaucoup, j’ai cru à un syndrome grippal par plus méchant que les autres » concède Philippe Paganelli. « On a sous-estimé ce virus jusqu’à ce qu’on prenne conscience de la situation en observant ce qu’il se passait en Italie, et en particulier dans le nord du pays, pourtant une zone riche et développée. »

« Il y a eu des erreurs d’appréciation » retient le médecin qui ajoute : « Inéluctablement le virus se serait diffusé mais on aurait pu le ralentir. » Quand on lui demande d’analyser la réaction du pays à cette première grande pandémie du XXIe siècle l’homme retient un mort : pénurie…

« On a subi la pénurie… D’abord la pénurie de masques, puis la pénurie de tests et maintenant la pénurie de vaccins. Le souci c’est le manque de transparence, en particulier sur les masques. Elle n’a pas été assumée et en médecine de ville c’était la cata. »

Une vingtaine de praticiens de ville sont tombés malades lors de la première vague, quelques-uns ont été en réanimation. Ce fut aussi le cas récemment pour un autre généraliste. « Le Covid est non palpable jusqu’au jour où un de nos proches est atteint. Alors le raisonnement devient différent » retient Philippe Paganelli. Une maxime qui valait au printemps 2020 et qu’il croit toujours d’actualité aujourd’hui.

Le retard persiste pour le diagnostic d’autres pathologies

Comment on vit tout ça depuis un cabinet de généraliste ? « Il n’y a pas d’épuisement comme à l’hôpital » assure le président du Conseil de l’Ordre tourangeau. Il faut dire qu’au début du premier confinement « les cabinets étaient vides jusqu’à ce que les gens comprennent qu’ils avaient le droit de sortir pour se soigner » et que cet hiver la grippe, la gastro, la rhino-pharyngite et autres maladies habituelles ont quasiment disparu : « Je pense que c’est une bonne nouvelle. Et aussi une bonne nouvelle de reprendre les gestes d’hygiène de base qu’on avait perdus, y compris nous les médecins quand certains portaient la cravate, pourtant un nid à microbes alors qu’il vaudrait mieux une blouse. Depuis une vingtaine d’années on avait baissé la garde sur le côté infectieux. »

L’Ordre des Médecins Rue Constantine à Tours.

Néanmoins, les difficultés sont nombreuses allant du suivi des patients qui conservent longuement des séquelles de la maladie ou les personnes qui ont tardé à consulter pour d’autres pathologies : « On a pris un retard considérable comme les coloscopies et on n’a pas encore tout éclusé » alerte Philippe Paganelli. Sans parler des troubles psychiques, les généralistes qui renvoient des patients vers les psychologues et les psychiatres ce n’est pas rare en ce moment selon leur représentant en Indre-et-Loire.

Quel avenir pour les généralistes ?

Globalement, notre témoin estime que le département s’en sort « plutôt bien » sur le front de la maladie. Après un tâtonnement organisationnel général au début de la première vague entre médecins, Agence Régionale de Santé et préfecture, un protocole de gestion de crise a été mis en place avec des réunions chaque jeudi pour faire le point sur la situation. Pharmaciens, kinés ou infirmiers sont également invités à participer à cette visioconférence. Les sujets ne manquent pas, comme l’organisation de la campagne de vaccination. Les autorités voudraient monter en puissance mais sur le terrain ça risque de coincer par manque de volontaires pour aller dans les centres : « Les médecins en activité doivent aussi gérer leur patientelle. Si vous leur dites que c’est pour 15 jours / 3 semaines ils feront l’effort mais si c’est pendant 6 mois qu’il faut pratiquer des injections le problème n’est pas le même » note Philippe Paganelli.

Au-delà de la crise du coronavirus, l’Ordre des Médecins d’Indre-et-Loire a un autre défi : agir pour un accès aux soins facile sur tout le territoire… « On est mieux lotis que les autres départements du Centre-Val de Loire mais la région est la dernière de France en termes de déserts médicaux » résume son président. « On accueille de plus en plus de jeunes médecins mais d’ici 2-3 ans on risque d’avoir des problèmes sur Tours. Aujourd’hui quand on s’y installe on ne bénéficie d’aucune aide. » C’est aussi pour ça que le salariat attire de plus en plus – testé notamment à Saint-Pierre-des-Corps, il est désormais élargi par le Conseil Régional qui promet 150 embauches à terme. Une mutation claire du métier : « Le médecin de village qui avait sa femme comme secrétaire et qui travaillait jour et nuit c’est fini. On peut le regretter ou non » conclut Philippe Paganelli.

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